Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

lait (suite)

La caséine

L’extraction industrielle de la caséine date de la fin du siècle dernier. Tant que la fabrication du beurre est restée fermière, le lait écrémé était utilisé pour la consommation animale. Mais à partir du moment où l’augmentation rapide de la production laitière a conduit à la création de beurreries industrielles, ces dernières ont dû trouver une utilisation du lait écrémé sous-produit, dont la fabrication de caillé maigre et l’élevage des veaux et des porcs ne pouvaient absorber les quantités disponibles.

Pendant longtemps, la matière grasse a été considérée comme le seul « élément noble » du lait et était le seul constituant dont on tenait compte pour le paiement du lait en fonction de sa qualité. Aussi ne prenait-on guère de précautions en ce qui concernait le traitement et la conservation du lait écrémé : la caséinerie ne disposait trop souvent que d’une matière première de qualité médiocre, de laits en voie d’acidification, d’autant plus que l’un des procédés d’extraction de la caséine consistait à laisser acidifier le lait écrémé pour en provoquer la coagulation. Cette tendance subsiste encore, mais elle disparaît peu à peu, car on a constaté qu’une matière première de qualité médiocre ne permettait pas d’obtenir des caséines de premier choix et donnait des rendements inférieurs.

Il y a donc avantage à partir de lait écrémé frais non acidifié. Celui-ci doit, en outre, être aussi complètement que possible exempt de matière grasse. En effet, cette dernière se retrouverait dans la caséine sèche, qu’elle colore.

La caséine de premier choix est de couleur blanche, d’une granulation fine et régulière.

La première phase de la fabrication consiste à faire coaguler le lait soit par acidification, soit par action de la présure.

L’acidification est obtenue soit par l’action de ferments lactiques, soit par addition d’acides minéraux (acides chlorhydrique ou sulfurique) dans du lait écrémé à une température de 30 à 35 °C, de façon à obtenir une acidité de 90 à 100 degrés Dornic au bout de 24 heures. On obtient un gel très fragile qu’il faut découper avec précautions pour éviter la formation d’une bouillie qui se transformerait en poussière au cours des phases suivantes de la fabrication.

Pour la coagulation par la présure, on ajoute au lait écrémé, qui a été porté à une température de 37 °C, une dose de présure telle que la coagulation soit obtenue au bout de 20 à 30 mn. On attend que le coagulum soit suffisamment ferme pour être découpé régulièrement.

Après le découpage du caillé, on obtient des grains de caillé nageant dans un sérum jaune verdâtre. Par un chauffage ménagé (30 à 35 mn pour la caséine-présure, 100 à 120 mn pour la caséine aux acides) sous agitation, on élève la température jusqu’à 65 °C. Cette température ne doit pas être dépassée, sinon l’albumine présente dans le lait commencerait à précipiter. Au cours du chauffage, les grains de caillé se rétractent, laissent exsuder du sérum, diminuent de volume.

Lorsque les particules de caillé ont atteint une grosseur voisine de celle du grain de blé, on arrête l’agitateur, on laisse sédimenter. Puis on soutire le sérum à travers un filtre. On procède alors à plusieurs lavages, à l’eau chaude d’abord, puis à l’eau froide, pour éliminer aussi complètement que possible le sérum et les produits solubles qu’il contient.

Après lavage et pressage, les grains de caséine-présure sont de la grosseur d’un grain de blé, translucides, élastiques, d’une teneur en eau variant de 45 à 50 p. 100 et ont tendance à se souder lors du pressage ; les grains de caséine aux acides sont de la grosseur d’un pois, mats, s’écrasent facilement, d’une teneur en eau variant de 50 à 55 p. 100 et ne se soudent pas lors du pressage.

La caséine « verte », ou caillebotte, est un produit très putrescible. Pour éviter les putréfactions, il faut la sécher aussi complètement que possible. Le séchage en couches minces à l’air libre est de moins en moins utilisé. On emploie des séchoirs-tunnels où la caséine étalée sur des tapis roulants est soumise à l’action d’un courant d’air chaud. À la sortie des séchoirs, l’humidité est abaissée à moins de 10 p. 100 ; la caséine lactique est moulue de façon à obtenir une granulométrie régulière, tandis que la caséine-présure n’est en général pas moulue. Discontinue dans les petites caséineries, la fabrication est aujourd’hui continue dans les usines les plus importantes.

Pendant longtemps, la principale utilisation de la caséine-présure a été la fabrication de la galalithe. Mais cette dernière a pratiquement disparu depuis la mise au point des matières plastiques.

La fabrication de matières textiles (Lanital) à partir de la caséine a été très éphémère. Actuellement, la caséine sert à la préparation de colles pour les industries du papier (apprêts des papiers couchés), du carton et du bois (meubles et contre-plaqués), du liège, et pour les industries alimentaires. Cette dernière utilisation tend à se développer rapidement d’une part dans l’alimentation animale, d’autre part dans l’alimentation humaine. La caséine en effet est une protéine très digestible. En alimentation humaine, si elle est rarement utilisée directement en raison de son manque de goût, elle est de plus en plus incorporée sous forme de caséinates dans différents types d’aliments et en particulier dans les aliments de régime.


Les fromages

La fabrication des fromages consiste essentiellement à extraire du lait une partie de ses constituants (matière grasse, matières azotées, sels minéraux), à en éliminer partiellement l’eau et les matières solubles et à favoriser une transformation ménagée des constituants ainsi obtenus.


La fabrication des fromages

Ces trois phases de la fabrication sont la coagulation du lait, l’égouttage du caillé et la maturation, ou affinage, des fromages.

• Coagulation du lait.
Coagulation par les acides. Si l’on abandonne du lait cru à lui-même, les ferments lactiques qu’il contient élaborent de l’acide lactique à partir du lactose, et, au bout d’un temps variable suivant les variétés de ferments lactiques, et suivant la température, la caséine du lait flocule : il se forme un gel, un coagulum qui est homogène si le lait n’est pas agité, mais qui est floconneux et divisé si le lait est agité. La coagulation du lait (dans le langage courant on dit que le lait « tourne ») se produit lorsque la concentration en acide lactique est telle que le pH du lait atteint une valeur de 4,6, point isoélectrique de la caséine.

Coagulation par les enzymes. En mélangeant aux laits certaines enzymes, on obtient également une précipitation de la caséine et la formation d’un coagulum. Plus la dose d’enzyme est importante, plus la coagulation est rapide.

Dans la pratique fromagère, l’enzyme la plus employée est encore la présure extraite de la caillette (quatrième poche de l’estomac des ruminants) de veaux non sevrés. Actuellement apparaissent sur le marché des présures d’origine végétale, et surtout d’origine microbienne. Et dans les extraits de présure, on tend à ajouter une certaine dose de pepsine.

Les caillés lactiques et les caillés enzymatiques ont des propriétés très différentes : les premiers sont de consistance fragile, ils sont très perméables et laissent facilement exsuder le liquide enserré dans le réseau formé par la caséine ; les seconds sont de consistance beaucoup plus compacte et sont beaucoup moins perméables.