Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
K

Kūbīlāy khān (suite)

Kūbīlāy revendiqua alors la suzeraineté sur tous les pays de l’Asie orientale. En 1274, puis en 1281, à la suite de plusieurs missions infructueuses, il lança contre le Japon deux campagnes qui se soldèrent par des échecs ; la seconde fois, ce fut un « vent des dieux » (kamikaze), c’est-à-dire une tempête, qui vint au secours des Japonais. Kūbīlāy ne fut guère plus heureux en Asie du Sud-Est ; une flotte expédiée contre le Champa (1283) et deux armées envoyées à travers le Tonkin (1285 et 1287) n’obtinrent que des succès sans lendemain ; néanmoins les rois du Dai Viêt et du Champa jugèrent plus prudent de faire acte de vassalité. En Birmanie, les troupes mongoles avaient occupé le défilé de Bhamo (Bamô) dès 1277 ; en 1283-84, elles envahirent le pays et, en 1287, atteignirent la capitale Pagan, qu’elles occupèrent ; en 1297, le nouveau roi Kyawswa (Coswa) se reconnut vassal. En 1293, enfin, Kūbīlāy lança une flotte contre Java avec un corps expéditionnaire de 30 000 hommes ; après une première victoire à Kediri, les troupes chinoises furent défaites par Raden Vijaya, un prince javanais qui profita de la situation pour créer la nouvelle dynastie de Majapahit.

En Chine même, la politique de Kūbīlāy fut plus positive. Celui-ci s’efforça de rallier à la cause des Yuan la plus grande partie des fonctionnaires chinois et sut faire appel à des conseillers d’origine Han. L’un d’eux Liu Bingzhong (Lieou Ping-tchong) [1216-1274], un moine bouddhiste défroqué, lui adressa un Mémoire en dix mille caractères wanyanshu (Wan-yen-chou), qui était un exposé de politique et d’administration, et qui reprenait notamment le célèbre adage « On conquiert le monde à cheval, mais on ne peut le gouverner à cheval ». Ce fut le même Liu Bingzhong qui, à partir de 1267, fut chargé d’aménager la nouvelle capitale : — en mongol Khānbalik, en chinois Dadu (Ta-tou) —, sur le site de l’actuelle ville de Pékin*. Kūbīlāy étendit également à la Chine le système mongol des postes et fit remettre en état les routes de l’empire ainsi que les caravansérails qui les jalonnaient. Pour ravitailler la capitale et y faire parvenir le riz produit dans la région du bas Yangzi (Yang-tseu), il fit creuser un nouveau grand canal entre le Yangzi et Khānbalik. Il remit en vigueur le système des greniers de prévoyance et encouragea la reprise de l’agriculture. Moins heureux en matière financière, il reprit le système du papier-monnaie en vigueur sous les Song, mais ne put empêcher l’inflation. Il continua à appliquer le système de discrimination ethnique et de cloisonnement social, mis en place par ses prédécesseurs. En matière de religion, il eut de grandes sympathies pour le bouddhisme, mais se montra tolérant par ailleurs. Il favorisa les marchands musulmans de l’Asie centrale, qui eurent le monopole fructueux de la levée des impôts. Le marchand vénitien Marco Polo* se présenta à la Cour en 1275 et travailla plusieurs années dans les administrations Yuan ; dans le récit qu’il nous a laissé, il considère Kūbīlāy comme « le plus puissant homme et de gens et de terres et de trésors, qui oncques fust au monde, du temps de Adam notre père, jusques aujourd’hui... »

C. L. S.

➙ Chine / Gengis khān / Mongols / Polo (Marco).

 C. D’Ohsson, l’Histoire des Mongols depuis Tchinguiz-khan jusqu’à Timourbey ou Tamerlan (La Haye, 1834-35 ; 4 vol.). / R. Grousset, l’Empire des steppes. Attila, Gengis-Khan, Tamerlan (Payot, 1939).

Ku Klux Klan

Société secrète américaine.


L’histoire du Ku Klux Klan se divise en deux périodes nettement distinctes. Le premier Klan naît en 1865, quelques mois après la fin de la guerre civile. Des jeunes gens qui s’ennuient se déguisent dans une petite ville du Tennessee et font peur aux Noirs — récemment émancipés. Puis, ils contribuent à fonder « l’Invisible Empire du Sud », ou Ku Klux Klan (les deux premiers mots viennent du grec kyklos, le cercle ; le troisième évoque les ancêtres écossais des fondateurs ou crée l’allitération). Très vite, le Klan s’organise, et la convention de 1867 porte à sa tête le général Nathan B. Forrest, qui a servi dans l’armée confédérée. L’Empire, commandé par le Grand Sorcier, se divise en royaumes, en dominions, en provinces et en « tanières ». Des cyclopes, des géants, des titans, des dragons, des génies, des hydres, des furies, des sentinelles, des Turcs, etc., encadrent le mouvement, qui, bien entendu, est clandestin. Le Klan recrute surtout dans le Tennessee, l’Alabama et la Caroline du Nord. En Louisiane se sont créés les Chevaliers du Camélia blanc, au Texas les Chevaliers du Soleil levant, ailleurs les Visages pâles, la Fraternité blanche, la Ligue blanche, etc. Toutes ces organisations ont le même but : défendre la suprématie des Blancs dans le Sud, que les Noirs menacent par leurs appétits sexuels, leur présence dans les milices locales et leur participation à la vie politique. Dans toutes les classes de la société blanche du Sud, le succès est immédiat : le Klan, comme les autres organisations, fournit l’occasion de refuser les conséquences de la défaite des armées confédérées ; à partir de 1867, c’est une forme de résistance violente à la violence des radicaux du Nord, qui s’emploient à « reconstruire » le Sud.

Pour le klansman, le Noir n’est pas le seul ennemi, car tout aussi dangereux sont ses alliés blancs du Bureau des affranchis, de l’Union League, les scalawags (sudistes partisans des idées du Nord) et les carpet-baggers (aventuriers du Nord venus s’installer dans le Sud). Vêtu de sa robe blanche, dissimulé sous sa cagoule, le klansman lynche, tue, pille, fouette, mutile ou noie, intimide ; il est certain de son bon droit et de la justice de sa cause, puisque les leaders de l’opinion sudiste l’encouragent et souvent participent aux mêmes « exploits » que lui.