Calligraphe, potier amateur et décorateur japonais (1558-1637).
Descendant d’une famille d’experts en lames de sabre, Honnami Kōetsu a joué un rôle important dans le monde cultivé des grands marchands de Kyōto au début du xviie s. Dans le cercle d’artistes et d’artisans rassemblés autour de lui s’élabore l’esthétique nouvelle de la riche bourgeoisie. Elle puise son inspiration dans les traditions de l’époque Heian, restées en faveur auprès de la Cour et de l’aristocratie, mais les anime d’un souffle résolument moderne.
Jusqu’au début du xviie s., Kōetsu poursuit le métier de son père tout en cultivant la calligraphie, genre dans lequel il devient un maître incontesté. Vers 1610, pour l’impression de recueils de textes anciens, il fournit des modèles d’écriture et choisit les papiers décorés de fleurs ou de plantes aux coloris raffinés qui s’inspirent de ceux de l’époque Heian.
Peu après, Kōetsu obtient du shōgun Tokugawa Ieyasu* l’autorisation de s’établir avec quelques amis à Takagamine, dans un beau paysage de collines au nord-ouest de Kyōto. L’artiste, alors âgé de 57 ans, vient de perdre sa mère et désire se recueillir en toute quiétude. Il semble donc, d’après les études récentes japonaises, que Takagamine n’ait pas été réellement un village d’artisans dirigé par Kōetsu, mais plutôt une réunion de membres des grandes familles marchandes de la ville qui, parvenus à l’âge de la retraite, voulaient s’adonner à leurs dévotions et à leurs passe-temps favoris.
Grand adepte de la cérémonie du thé*, Kōetsu profite de cette retraite pour créer ses propres bols à thé, objets aujourd’hui encore de l’admiration des amateurs. Il s’inspire des bols à petit pied (raku) exécutés au xvie s. par Chōjirō. Les formes simples, montées à la main et travaillées comme une sculpture, sont ornées de glaçures aux tons mats dont les changements inattendus de couleurs, au cours de la cuisson, suggèrent à l’artiste des noms poétiques (Sommet nuageux, Moment pluvieux, Mont Fuji...).
Ce milieu artistique a eu sans doute une influence déterminante sur la formation de Sōtatsu* (beau-frère de Kōetsu ?), qui possédait un atelier spécialisé dans la fabrication d’éventails et de papiers décorés. Si la parenté entre les deux artistes n’est pas certaine, leur collaboration est prouvée (bien que certaines œuvres soient probablement dues à leurs descendants) par les nombreux rouleaux et albums où des poèmes superbement calligraphiés par Kōetsu s’harmonisent avec les formes peintes au lavis d’or et d’argent par Sōtatsu. Dans les rouleaux sur les Fleurs des quatre saisons, les Fleurs de lotus ou les Biches, l’accord entre le dessin, la beauté cursive de l’écriture et la poésie atteint une subtilité sans égale.
En outre, le nom de Kōetsu est lié au décor d’écritoires célèbres dont il aurait fourni le modèle à des artisans en laque*. L’une des écritoires les plus connues représente le Pont de bateaux de Sano. Un rang de barques gravées sur fond d’or opaque est traversée par une large bande de plomb qui évoque le pont. Rehaussant l’heureux contraste entre les deux matières, des caractères en relief d’argent transcrivent le texte d’un poème du xe s., excepté les mots « pont de bateaux », suggérés par le dessin.
L’art de Kōetsu et de Sōtatsu trouvera au xviiie s. son véritable successeur en Kōrin*, initié aux œuvres des deux maîtres par son père et surtout par son grand-père, qui avait séjourné au village de Takagamine.
F. D.
T. et S. Hayashiya, Kōetsu (en japonais, Tōkyō, 1964).