Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
K

Kerenski (Aleksandr Fedorovitch) (suite)

Kerenski doit de plus faire face au processus d’autonomie régionale, les soviets locaux luttant contre le pouvoir central, comme en Ukraine ou chez les Cosaques du Don. Au lendemain de l’affaire de Petrograd, le gouvernement décide l’évacuation de la capitale, se déconsidérant ainsi aux yeux du peuple russe. Après le vote du comité central, la fameuse déclaration « à la population de Petrograd » de Lénine appelant à l’insurrection éclate comme une bombe. Le gouvernement donne l’ordre à la garnison de Petrograd, gagnée aux bolcheviks, de partir pour le front ; aussitôt, un comité militaire révolutionnaire se forme et s’empare des armes de l’Arsenal.

Le 6 novembre, la presse bolchevik est interdite, l’arrestation des chefs du soviet de Petrograd et des membres du conseil militaire est ordonnée. Kerenski présente alors sa démission dans un discours où « la passion le dispute à l’incohérence », comme le souligne John Reed, et où il n’hésite pas à qualifier les masses russes révoltées de « populace », expression demeurée fameuse et que l’histoire retiendra contre lui.

L’insurrection éclate et triomphe rapidement (7-8 nov. [24-25 oct. ancien style]). Après la prise du palais d’Hiver, les ministres sont faits prisonniers ; Kerenski parvient à fuir vers le front, où il rassemble des troupes fidèles, dont les Cosaques. À leur tête, il revient aux portes de la capitale, qu’il tente de reprendre, mais il est repoussé. Ses propositions de négociations n’étant pas acceptées, il s’enfuit déguisé en matelot.


L’exilé

Kerenski devient alors une sorte de symbole de l’insuccès politique, voire de l’incapacité à gouverner. Il réapparaît à Londres en juin 1918, puis vient à Paris, où il édite le journal socialiste révolutionnaire Dni. Après un séjour aux États-Unis, en 1927, il s’y installe en 1940, écrivant pour les journaux, multipliant les déclarations contre le régime de Moscou, élaborant ses Mémoires. Il se met alors au service de la propagande anticommuniste.

G. H.

➙ Révolution russe de 1917.

Keynes (John Maynard)

Économiste britannique (Cambridge 1883 - Londres 1946).


Après des études au King’s College à Cambridge, Keynes devient professeur d’économie politique. Par la suite, il sera président d’une compagnie d’assurances sur la vie et un conseiller, à la fois écouté et contesté, du gouvernement et du Trésor. Anobli en 1942, il devient lord Keynes, baron de Tilton.

Le nom de J. M. Keynes évoque pour tout économiste un renouveau de la pensée économique, renouveau qui a permis non seulement à la théorie économique, mais aussi à l’économie appliquée de sortir de l’ornière où elles avaient été entraînées à la suite des mutations consécutives à l’industrialisation. Brosser un panorama de l’apport de J. M. Keynes à la théorie économique est une entreprise impossible en quelques lignes. On peut seulement définir le concept d’équilibre keynésien en l’opposant à la théorie classique.

Pour cette dernière, l’équilibre entre les flux économiques est toujours atteint, car il existe toute une série d’éléments régulateurs qui entrent en fonction et qui assurent l’égalité des flux. Si l’on accepte, par exemple, la fameuse loi des débouchés de Jean-Baptiste Say, « tout produit offert trouve immédiatement son débouché », c’est, d’une façon évidente, faire complètement abstraction du phénomène de la thésaurisation, qui fait que certains individus ne consomment pas tout leur revenu, et donc, n’emploient pas toutes les sommes qu’ils ont gagnées.

À cet équilibre, défini une fois pour toutes et a priori, Keynes substitue ce que l’on appelle une fonction d’équilibre (l’équilibre n’est atteint que si certaines conditions sont remplies) :

où Y est le revenu* ; C, consommation ; S, épargne.

D’autre part, Keynes considère que la consommation est elle-même fonction linéaire du revenu :

où C est la consommation ; Y, revenu ; a, paramètre dénommé propension à consommer, c’est-à-dire part du revenu consacrée à la consommation ; b, consommation incompressible, qui ne dépend pas du revenu, mais des besoins vitaux.

Pour compléter les relations d’équilibre, Keynes postule par ailleurs que l’épargne (S) est égale à l’investissement (I) : S = I. Cet équilibre (S = I) est naturellement toujours vérifié ex-post, c’est-à-dire à la fin de la période retenue pour l’étude. Mais, pour que l’équilibre fondamental (Y = C + S) puisse être atteint, Keynes postule de surcroît que l’épargne doit être égale à l’investissement ex-ante, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une condition nécessaire de réalisation de l’équilibre.

On raisonnait avant Keynes en considérant que la monnaie était un bien comme les autres, c’est-à-dire que sa détention n’était pas envisagée autrement que la détention de tout autre produit, autrement dit que cette monnaie était neutre. C’était l’optique des théoriciens classiques, et c’est sur ce point précis que J. M. Keynes va apporter une série d’idées originales ; la monnaie est détenue pour plusieurs raisons : pour faire face à un besoin de précaution, à un besoin de transaction ou à un besoin de spéculation. Les sommes affectées à chacun de ces besoins dépendent de facteurs qui sont très différents. L’intégration du schéma monétaire au schéma de la théorie classique va conduire à une série de recommandations en ce qui concerne la lutte contre le sous-emploi : la principale d’entre elles va être la recommandation de l’utilisation des dépenses publiques pour endiguer le chômage.

Outre The Economic Consequences of the Peace (1919) et Treatise on Money (1930), Keynes est l’auteur de The General Theory of Employment, Interest and Money (1936), qui devait le rendre célèbre.

A. B.

➙ Consommation / Économique (science) / Épargne / Friedman / Investissement / Monnaie.