Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

justice (organisation de la) (suite)

Tribunaux militaires. Juridictions appelées à juger les militaires ayant commis l’une des infractions d’ordre militaire prévues par le Code de justice militaire ou encore, exceptionnellement, une infraction de droit commun commise à l’intérieur d’un établissement militaire ou dans le service. À l’étranger, ces juridictions ont aussi compétence pour juger des infractions commises par les personnels civils employés par les armées ou par les familles. En temps de guerre, leur compétence est sensiblement plus étendue.

Ces tribunaux statuent en premier et en dernier ressort sous le contrôle de la Cour de cassation, qui est, en temps de guerre comme en temps de paix, la juridiction suprême. Ils ne se prononcent enfin que sur l’action publique, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent réparer le préjudice éventuel subi par des tiers.

On distingue :
— les tribunaux permanents des forces armées, ainsi nommés parce qu’ils siègent en tout temps sur le territoire de la République ; leur nombre, leur siège et leur ressort territorial sont fixés par décret (en 1972, Paris, Lille, Rennes, Bordeaux, Metz, Lyon, Marseille et Papeete) ; chacun de ces tribunaux est composé de cinq membres : un président et un assesseur, qui sont tout deux des magistrats civils, et trois juges militaires dont le grade est fonction de celui du prévenu et, le cas échéant, de sa qualité ; il existe en outre un Haut Tribunal permanent des forces armées dont la composition est analogue, mais qui est destiné à juger les maréchaux, les officiers généraux, les contrôleurs et les magistrats militaires ; son ressort s’étend sur tout le territoire de la République ; son siège est à Paris, mais il peut se réunir en tout point de son ressort ;
— les tribunaux militaires aux armées ; en temps de paix, ils ne peuvent être établis qu’à l’étranger (en 1972, Landau, Dakar, Tananarive) ; en temps de guerre ou en cas de rupture des communications avec le gouvernement, ils peuvent aussi être établis en métropole ; ils comprennent chacun un président, qui est un magistrat militaire, et quatre juges militaires choisis parmi des militaires blessés ou appartenant aux troupes combattantes ;
— les tribunaux prévôtaux, qui jugent en territoire étranger les infractions de simple police ; chaque tribunal comprend l’officier de gendarmerie prévôt, qui siège seul, assisté d’un gendarme greffier ; les jugements de ces tribunaux sont les seuls qui ne sont susceptibles d’aucune voie de recours.

P. D.

J. B.

➙ Administration / Contravention / Crime / Délit / Instruction judiciaire / Jugement / Jury / Procédure.

 La Justice (les Cahiers français, 1972). / L’Organisation judiciaire en France (la Documentation française, 1972).

Justin (saint)

Philosophe chrétien, le plus célèbre des apologistes grecs (Flavia Neapolis [auj. Naplouse], Palestine, v. 100 - Rome v. 165).



L’itinéraire spirituel d’un philosophe

Justin, que Tertullien* appelle « philosophe et martyr », est considéré comme l’apologiste grec le plus important du iie s.

Il raconte lui-même dans son Dialogue avec Tryphon son odyssée philosophique en quatre étapes et le cheminement intellectuel qui le conduit au christianisme. Il le fait de façon fort savoureuse. Il se met d’abord à l’école d’un stoïcien. « Je restai dans sa société, écrit-il, le temps qu’il fallut, mais je m’aperçus bientôt que je ne progressais aucunement dans la connaissance de l’être de Dieu. Mon maître lui-même n’en savait rien et il considérait cette science comme inutile. » Il s’adresse ensuite à un péripatéticien. Justin, qui dans son ardeur de néophyte a pris le bâton du pèlerin de l’absolu, va éprouver une autre déception. « Il laissa passer les premiers jours, mais, au bout de ce temps, il me pria de convenir avec lui des honoraires afin que notre commerce soit plus fructueux. À ces paroles, je le quittai, l’estimant indigne du nom même de philosophe. » Toujours poussé par son désir de savoir, il va trouver un pythagoricien. Mais las ! son nouveau maître lui demande d’apprendre d’abord la musique, l’astronomie et la géométrie. « Je lui confessai mon ignorance et sans plus il me congédia. » Enfin Justin découvre Platon* : « La théorie des idées donnait des ailes à mon esprit et j’espérais dans ma naïveté arriver bientôt à la contemplation de Dieu, car tel est le but de la philosophie de Platon. »

C’est alors que Justin rencontre dans sa solitude un sage qui, après lui avoir montré que la philosophie de Platon ne peut amener à une connaissance profonde de Dieu, lui révèle les prophètes et le Christ. Ce cheminement spirituel dont la présentation est sans doute un arrangement littéraire schématise et simplifie les étapes successives de sa conversion au christianisme. « Je trouvais que cette philosophie-là était la seule sûre et utile. C’est en ce sens et pour cela que je suis philosophe. »


Le philosophe chrétien

Après sa conversion, il garde le manteau de philosophe, insigne de la profession, et se voue, simple laïque, à l’enseignement et à la défense de sa foi. Arrivé à Rome sous le règne d’Antonin* le Pieux, il y fonde une école, la première école chrétienne dont les méthodes d’enseignement s’inspirent des écoles philosophiques païennes.

Mais le maître chrétien ne se contente pas de parler, il écrit. L’historien Eusèbe* de Césarée connaissait huit ouvrages de Justin ; trois seulement nous sont parvenus. Deux Apologies, qui se présentent comme un exposé et une justification de la foi chrétienne en même temps qu’une défense des chrétiens calomniés et persécutés. Le genre n’était pas nouveau ; d’autres écrivains chrétiens, Quadratus (v. 124 ou 129) et Aristide d’Athènes (v. 140), l’avaient déjà utilisé. Les Apologies de Justin, adressées à l’empereur, peuvent être datées de la période qui va de 148 à 161.