Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

justice (organisation de la) (suite)

La justice militaire

C’est la justice exercée, sous l’autorité du ministre des Armées, par certaines hautes autorités militaires. Elle est applicable aux militaires ainsi qu’aux personnes assimilées à ces derniers et rendue par les tribunaux militaires conformément aux dispositions du Code de justice militaire.

L’installation de juridictions pénales particulières aux forces armées a toujours et dans tous les pays répondu à une nécessité. Il existe, en effet, un ordre public particulier aux armées, qui repose sur une obéissance qu’il est parfois indispensable d’imposer. Cette situation engendre des obligations qui sont propres à la vie militaire et qui sont tellement essentielles à l’existence même des armées, ainsi qu’à l’exécution de leurs missions, qu’il est nécessaire, en toutes circonstances et à tout moment, d’en faire assurer le respect.

Le commandement dispose évidemment de pouvoirs disciplinaires qui lui procurent les moyens de sanctionner les manquements mineurs, mais la répression des fautes graves ne peut s’exercer en dehors de garanties que seule peut assurer une organisation judiciaire appliquant les principes généraux du droit. C’est ainsi que l’institution des juridictions militaires permet, dès le temps de paix, de concilier les impératifs de la défense nationale avec la protection des libertés individuelles.

Des conseils de guerre aux tribunaux militaires

Les premières juridictions militaires ayant siégé sur le sol de France ont sans doute été les tribunaux militaires des armées romaines. Mais, avec l’écroulement de l’Empire romain, toute trace de l’existence de ces tribunaux disparaît, et c’est seulement au milieu du xiiie s. que fut créé le tribunal de la connétablie, première en date des juridictions françaises spécialisées dans le jugement des gens de guerre. L’augmentation continue des effectifs, leur dispersion sur le territoire, les circonstances de guerre et les coutumes du temps amenèrent bientôt la création de nouveaux tribunaux militaires : juridiction des prévôts des maréchaux, tribunal des maréchaux de France, tribunaux du point d’honneur, présidiaux, conseils de guerre enfin. Ces derniers, institués par Louis XIV, peuvent être considérés comme les véritables ancêtres des tribunaux militaires de l’époque moderne ; ils reçurent par ordonnance du 25 juillet 1665 compétence pour le jugement de toutes les infractions intéressant la discipline et l’honneur des armées françaises, et certaines des règles fixant leur composition comme leur fonctionnement ont été reprises par les différentes lois pénales militaires qui sont entrées en vigueur par la suite.

Si la Révolution de 1789 entraîne la suppression des juridictions militaires de l’Ancien Régime, des cours martiales sont créées dès l’année 1790 et connaissent des infractions aux lois militaires. Plusieurs systèmes sont ensuite successivement mis à l’épreuve pour aboutir finalement à une nouvelle organisation, réalisée par le Code de justice militaire du 9 juin 1857.

L’étude de l’histoire des juridictions de l’armée de mer montre que l’institution d’une justice maritime, par ordonnance du 15 avril 1689, suit de très près la création d’une grande marine royale sous l’impulsion de Colbert*. L’organisation des juridictions de l’armée de mer subit à l’époque révolutionnaire des bouleversements analogues à ceux qui ont affecté la justice militaire de l’armée de terre, pour aboutir à son tour à la promulgation, le 4 juin 1858, d’un Code de justice militaire pour l’armée de mer.

Les deux Codes (1857 pour l’armée de terre et 1858 pour l’armée de mer) furent eux-mêmes remplacés par ceux du 9 mars 1928 (applicable à l’armée de terre, puis à l’armée de l’air par la loi du 2 juill. 1934) et du 13 janvier 1938 (applicable à la marine). Bien qu’ils aient déjà réorganisé les justices militaire et maritime dans le sens du droit commun et qu’ils aient présenté de grandes analogies, ces deux derniers Codes ne parurent plus adaptés, après la Seconde Guerre mondiale, aux réalités et perspectives de l’époque moderne. La fusion des services centraux en 1949, celle des juridictions en 1953, puis celle des corps en 1956 pouvaient être déjà considérées comme le prélude à la promulgation par la loi du 8 juillet 1965 d’un Code unique de justice militaire, qui est entré en vigueur le 1er janvier 1966. Ce Code a unifié et coordonné la législation répressive militaire, simplifié l’organisation des juridictions des forces armées et modelé la procédure pénale militaire sur celle du droit commun tout en sauvegardant les caractères spécifiques du droit pénal militaire. Ce mouvement vers le droit commun a été confirmé, en 1966, par la loi du 30 juin relative à l’exercice des fonctions judiciaires militaires, dorénavant confié à des magistrats civils, et, en 1971, par la loi du 24 décembre, qui a transposé dans la procédure pénale militaire les innovations instituées, en 1970, dans la procédure civile, tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens par l’institution du contrôle judiciaire et la modification du régime de détention, par exemple.

P. D.

Glossaire succinct de la justice militaire

Chambre de contrôle de l’instruction. Organisme chargé de surveiller la bonne marche de l’instruction préparatoire, de statuer sur les référés, appels ou requêtes concernant les décisions du juge d’instruction et d’arbitrer les conflits entre ce dernier et le commissaire du gouvernement. Les trois membres qui composent cette chambre, magistrats civils, magistrats et juges militaires, diffèrent selon la nature des tribunaux et selon qu’il s’agit du temps de paix ou du temps de guerre.

Commissaire du gouvernement. Magistrat militaire qui assume auprès des tribunaux militaires les fonctions du ministère public.

Défense. La défense du prévenu militaire est assurée à son choix soit par un avocat inscrit au barreau, soit par un militaire agréé par l’autorité militaire, ou bien, enfin, en temps de guerre seulement, par un officier défenseur.