Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

justice (organisation de la) (suite)

Notre organisation judiciaire actuelle achève de se dessiner avec la loi du 27 ventôse an VIII, qui établit dans chaque arrondissement un tribunal de première instance et institue les tribunaux d’appel d’un degré supérieur aux précédents ; le même texte attribue aux avoués le monopole pour postuler et conclure dans la procédure, en même temps qu’il substitue à l’élection la nomination de certains magistrats par le gouvernement, disposition qui sera étendue par la suite. L’Empire paracheva cette œuvre, notamment par le décret du 30 mars 1808 contenant le règlement sur la police et la discipline des tribunaux, dont un grand nombre de dispositions sont encore en vigueur, et par la promulgation de la loi du 20 avril 1810, dite « loi sur l’organisation judiciaire et l’administration de la justice » ; enfin, il promulgua un Code de procédure civile mis en vigueur en 1807.

Toute cette organisation ne subit guère de modifications importantes pendant plus d’un siècle : à la suite des deux guerres mondiales, les tribunaux de première instance, primitivement tribunaux d’arrondissement, furent plusieurs fois réorganisés, et la Cour de cassation, qui s’était substituée très vite au Tribunal de cassation, n’échappa pas aux réformes.

En 1958, le gouvernement entreprend une profonde réorganisation qui est à l’origine de notre organisation judiciaire actuelle : il s’agit des textes promulgués le 22 décembre 1958, qui prennent effet le 2 mars 1959 et dont un certain nombre ont été modifiés depuis lors.

(Les tribunaux judiciaires ne sont pas les seuls organes investis d’une fonction juridictionnelle ; il ne s’agira ici que des tribunaux judiciaires, au sens étroit du mot, des magistrats qui les composent et des personnes qui concourent avec eux à l’administration de la justice ; les tribunaux administratifs, le Conseil d’État, le Tribunal des conflits, la Cour des comptes font l’objet d’autres développements. V. administration.)


Organisation générale

La justice est la même pour tous, en ce sens qu’à conditions similaires tous les individus doivent être également traités. Le juge saisi d’un litige ne peut refuser de statuer sans se rendre coupable d’un « déni de justice », et il ne peut juger par voie générale : il rend une « décision d’espèce » qui, devenue définitive, revêt à l’égard des parties l’autorité de la chose jugée et ne peut être remise en cause. Tout justiciable a droit au double degré de juridiction : tout procès, sauf les crimes et les litiges de peu d’intérêt, peut être soumis, après une première décision, à une nouvelle juridiction d’un degré supérieur par la voie de l’appel, tandis qu’une cour suprême pourra être amenée à vérifier la régularité de la décision.

La justice est collégiale ou, du moins, lorsque la juridiction est constituée d’un juge unique, la décision en appel est déférée à une juridiction collégiale pour nouvel examen. Elle est publique, mais, par exception, certains débats se déroulent « à huis clos », hors de la présence du public. Elle est, en principe, gratuite, sous réserve du paiement des droits du Trésor public et de la rémunération des auxiliaires de justice, tous frais que l’institution de l’« aide judiciaire » a pour objet de couvrir lorsque le plaideur est nécessiteux.

Les juridictions judiciaires comprennent des juridictions de droit commun, à compétence générale, et des juridictions d’exception, qui ne peuvent être saisies que des litiges pour lesquels la loi leur donne compétence ; cette distinction existe tant en ce qui concerne les juridictions civiles, chargées de connaître des différends entre particuliers, qu’en ce qui concerne les juridictions de nature pénale ou répressive, qui font application de la loi pénale. L’ordonnance du 22 décembre 1958 a placé sur le même plan, dans son article premier, les tribunaux de grande instance et les tribunaux d’instance, bien que ces derniers ne semblent pas avoir perdu tout à fait le caractère de juridiction d’exception qui était attaché aux justices de paix ; pour la clarté de l’exposé, ces deux catégories de tribunaux de première instance seront traitées sous cette rubrique.


Les juridictions de droit commun (civiles et pénales) de première instance

• Tribunal d’instance et de police.

• Le tribunal d’instance. Les tribunaux d’instance ont été substitués aux anciennes justices de paix, qui, en vertu de la loi des 16-24 août 1790, siégeaient à l’origine aux chefs-lieux de canton, mais dont certaines avaient été, par la suite, regroupées sous l’autorité d’un même magistrat cantonal tant en raison des difficultés de recrutement de cette magistrature que par souci de plein emploi.

L’ordonnance du 22 décembre 1958 institue, à la place des anciennes justices de paix, les tribunaux d’instance, juridictions à juge unique dont le siège est établi dans des chefs-lieux de canton ou d’arrondissement et dont le ressort est très variable selon les cas : le législateur a institué, en principe, un tribunal d’instance par arrondissement avec siège au chef-lieu de cette circonscription et ressort de l’ordre d’une dizaine de cantons. Le nombre des tribunaux d’instance est présentement de 456, contre 2 000 justices de paix lors de leur création. La loi du 19 juillet 1970, complétée par le décret du 2 juillet 1971, a fusionné les juges d’instance avec les magistrats du tribunal de grande instance : désormais, les magistrats du siège qui assurent le service d’un tribunal d’instance sont choisis parmi les magistrats du tribunal de grande instance dans le ressort duquel est situé le tribunal d’instance. Leur suppléance et leur remplacement provisoire sont assurés par ordonnance du président du tribunal de grande instance. Les tribunaux d’instance comprennent un ou plusieurs juges, mais les jugements sont rendus par un seul magistrat, qui siège avec l’assistance d’un secrétaire-greffier ; lorsqu’un tribunal d’instance comprend plus de deux juges, l’un d’entre eux est nommé juge directeur, chargé d’administrer le tribunal, et répartit le service entre les juges. Les décisions de ces tribunaux sont portées, en appel, devant la cour d’appel ; elles peuvent faire l’objet d’un recours en cassation lorsqu’elles ont été rendues en dernier ressort.