Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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juridiques (sciences) (suite)

• Le cas de la législation pénale sur le chèque* (droit pénal des affaires). C’est un autre exemple de l’érosion du droit, condamné rapidement à de sévères mises à jour. La loi du 3 janvier 1972 vient profondément modifier la législation pénale du chèque (institué en 1865), réforme « souhaitée et attendue depuis longtemps ». Vu l’augmentation du nombre des chèques sans provision, une pression se fait sentir pour qu’une législation modifiée intervienne, évitant l’encombrement des parquets chargés des poursuites : quelque 1 million d’infractions annuelles, dont 300 000 font l’objet de poursuites pour aboutir à 50 000 condamnations ! Le « phénomène de masse » modifie la nature même des problèmes à résoudre : pour les solutionner, le législateur de 1972 institue le nouveau régime pénal du chèque.

• L’évolution de la procédure pénale. Le droit pénal général n’est pas exempt de modifications profondes sous la poussée de l’évolution de la vie sociale ; l’expertise*, ainsi, entre pour une part sensiblement plus importante dans l’administration de la preuve qu’il y a un siècle, la vie moderne étant susceptible de laisser beaucoup plus de bases palpables des agissements des individus auteurs de faits répréhensibles et les sciences auxiliaires de la justice ayant accompli des progrès considérables depuis cette époque.


La naissance de « droits nouveaux »

• Le cas du droit du travail.

Un cas typique, apparu dès le début du xixe s., d’insuffisance des « droits » existants (droits élaborés, en réalité, en pleine ambiance d’Ancien Régime) est révélé par l’absence totale d’un droit chargé d’un des secteurs les plus sensibles de la vie sociale : la vie des affaires et, plus précisément, la vie du travail. Le droit du travail, avant la fin du xixe s., n’existe pas, quand des millions d’individus déjà s’entassent dans les premières manufactures et que des contrats de travail innombrables ont été en fait conclus !

De toutes pièces, sous l’action du législateur parfois, des gouvernants en d’autres cas, de l’opinion publique (dont celle de l’Église) enfin, un droit du travail va être élaboré : la première législation française (1841) réglemente le travail des enfants dans les manufactures, puis la durée du travail (1848) ; la fin du siècle et la période contemporaine connaissent une floraison de textes fondamentaux qui souvent devront être codifiés (Code du travail) à l’instar des « vieux droits » : législation sur la grève (1864), sur les syndicats (1884), sur les conventions collectives (1919), sur les congés payés (1936), sur les comités d’entreprise et les délégués du personnel (1945), sur la section syndicale d’entreprise (1968), sur la formation* professionnelle (1971), etc. Mais la lacune a dû être comblée au prix d’un immense effort où tous les niveaux de création du droit ont collaboré.

• Les droits de la circulation.

Un autre exemple de lacune typique (mais qui, évidemment, ne peut être imputée à l’erreur du législateur du xixe s., tant l’apparition des techniques nouvelles de circulation est imprévisible en ce temps) est révélé par la réglementation — que durent assurer les textes, la jurisprudence et la doctrine — des nouveaux types de locomotion : législation de la circulation routière de 1899, 1921 et 1954, qui mènera aux Codes de la route, et droit aérien, doublé de nos jours du droit spatial réglementant l’usage des voies de communication extra-terrestres.

Aux sources du droit

• Première source : le contrat est la loi des parties. Article 1134 du Code civil : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. » (V. contrat.)

• La coutume. L’importance de la coutume a été historiquement considérable, mais elle tend à diminuer dans les systèmes juridiques évolués : le droit coutumier révélerait par excellence le style primitif de création de la règle juridique. En Inde, en Chine, au Japon, la norme coutumière continue d’avoir une notable importance dans les droits nationaux.

La coutume revêt encore une importance relative — dans les droits des pays occidentaux — dans les zones de la vie juridique dépourvues ou moins bien pourvues de systèmes sanctionnateurs précis — le droit constitutionnel, notamment, le droit international public — et, par ailleurs, dans les droits que l’on peut qualifier de lacunaires (cas de la législation du travail en France au xixe s.), où la coutume peut pallier l’insuffisance de la règle écrite.

• Le droit émané des « législateurs » : une « méthode des cas ». Le droit émanant du législateur est considéré traditionnellement comme constituant la forme la plus élaborée du droit. Elle correspond souvent à une conception d’un droit rationalisé où le groupe social, par l’intermédiaire de ses organes le représentant, préfère imaginer à l’avance des « cas » de vie relationnelle, en établissant des règles enserrant les manifestations de celle-ci, et des sanctions punissant l’éventuel manquement auxdites règles. Des listes de situations juridiques, au fond, sont établies à l’avance, qui constituent le droit légiféré. (Exemple : la responsabilité civile prévue par les art. 1382, 1383 et 1384 du Code civil.)

La supériorité du droit légiféré sur les autres sources de règles normatives apparaît particulièrement avec la conception de 1789 du rôle de la loi. La loi se voit attribuer une qualité éminente comme en Angleterre, où le Parlement peut tout, « hormis changer un homme en femme ». La loi émane d’une généralité de volontés exprimées (le mythe de la volonté générale), d’une part, et son objet, par ailleurs, a une portée générale. (En fait, il y eut parfois des lois à portée individuelle.) Le moule « loi » supporte une mesure, une décision à résonance juridique abstraite, non personnalisée (mais personnalisable), de portée universelle. « Il n’y a pas en France d’autorité supérieure à celle de la loi » (Constitution de 1791, titre III, chap. II, section première, art. 3). Cette conception sous-tend tout notre droit public, hormis celui des périodes autoritaires (Empire autoritaire [1852-1860], régime de Vichy [1940-1944], Constitution de 1958) ou des périodes de lassitude (IIIe République finissante), quand le Parlement délègue au gouvernement sa mission de faire la loi.