Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

judaïsme (suite)

Les Prophètes, qui apparurent dès le viiie s. avant l’ère chrétienne, rappelèrent avec feu ces principes, chacun selon son tempérament et les particularités du moment. Amos prêchait le repentir et la fidélité au Dieu qui acceptait la contrition. Osée parlait de l’amour de Dieu pour son peuple, comparable à l’amour du mari pour son épouse. Michée faisait de la justice, de l’amour, de la miséricorde et de l’humilité devant Dieu l’essence même de la religion. Isaïe parlait d’une nouvelle Jérusalem, centre d’un royaume universel, dispensant à tous les peuples la lumière. Guerre, tyrannie et misère disparaîtraient, au profit d’une nouvelle vie, dans un monde transformé. Jérémie déclarait que les épreuves d’Israël et son asservissement aux nations étaient la sanction de l’infidélité, et que la révolte contre Babylone, instrument du courroux divin, n’était que révolte contre Dieu. Ézéchiel, prophète de l’Exil, montrait l’importance de la responsabilité individuelle de chacun ; ce n’étaient pas les fautes d’autrui que l’on expiait. Mais le péché n’était pas inexpiable ; il pouvait être suivi de pardon si on le rejetait et si l’on se faisait « un cœur nouveau ». Il y avait une relation personnelle entre l’homme et Dieu, dont la Présence accompagnait partout son peuple : ses membres, artisans de leur propre salut, n’ont pas nécessairement besoin de la médiation des sacrifices du Temple. L’adoration de Dieu n’excluait pas la loyauté à une nouvelle patrie. La fin de tout serait la restauration politique d’Israël sur sa terre. Le Messie rétablirait le Trône de David en vue d’un rassemblement de tous les peuples, collaborant à la fondation de « nouveaux cieux et d’une nouvelle terre ». Ces idées sont également exprimées dans les derniers chapitres d’Isaïe.

L’idée de la parenté spirituelle de l’homme avec Dieu et de la responsabilité de l’homme est également développée par les Psaumes et les livres de Sagesse (Proverbes et Ecclésiaste). Le Livre de Job aborde le redoutable mystère de la justice divine. Le dernier Prophète, Malachie, parlant après les autres Prophètes post-exiliques, Aggée et Zacharie, qui poussèrent à la reconstruction du Sanctuaire, insiste sur la fidélité à la Torah pour glorifier un Dieu, « dont le Grand Nom se répand parmi les Nations. » Ce Dieu ne saurait se contenter d’un culte formel.

La connaissance de tous ces enseignements de la Torah et des Prophètes fut répandue par le « scribe » (sofer) Esdras (ou Ezra), en Israël comme à Babylone. Ainsi se forgea une remarquable unité spirituelle, dont les soferim (scribes), successeurs d’Esdras, répandirent le message et dont ils expliquèrent soigneusement les termes. Naquit ainsi un véritable culte de la Torah, dont l’étude fut érigée en un devoir obligatoire. La dévotion s’exprima dans la récitation quotidienne des prières et des Psaumes. Les explications des soferim, fondées sur des traditions remontant à l’époque même de la révélation du Sinaï, formèrent la « Loi orale », complément de la Loi écrite.

Cette Loi écrite, contenue dans la Bible, qui réunit la Torah, les discours des Prophètes, les livres historiques, les livres de Sagesse, les Psaumes et différents autres ouvrages, est la source première de la connaissance du judaïsme. La Bible fut traduite en grec, à l’usage des Juifs d’Alexandrie, vers 250 avant l’ère chrétienne.


La première menace contre la pérennité du judaïsme

Ce fut la persécution déclenchée par le monarque hellénistique Antiochos IV Épiphane (169-164). Celui-ci interdit la possession et l’étude des livres sacrés ainsi que la pratique du culte, rendue impossible par la profanation du Temple. En même temps, il imposa aux Juifs la fréquentation obligatoire des cérémonies païennes. Les Juifs n’hésitèrent pas à encourir le martyre pour résister à ces décrets. Les Maccabées triomphèrent de cette oppression et restaurèrent le culte dans une Palestine libérée ; ils fondèrent une nouvelle dynastie, bientôt déchirée par une lutte de partis, entre les sadducéens et les pharisiens.

Les premiers rejetaient le magistère de la Loi orale et la croyance à la survie de l’âme et à la rémunération dans l’au-delà. Leurs adversaires, fidèles à la tradition la plus authentique, estimaient que le peuple juif était le peuple de Dieu ; toutes les lois du pays devaient donc être tirées de la Loi de Dieu, écrite et orale. Dieu était le Maître de l’humanité ; l’âme était immortelle ; elle serait jugée et rétribuée dans l’au-delà.

Ce sont les idées des pharisiens qui ont prévalu et restent encore celles du judaïsme. Les pharisiens accordaient aussi une grande importance à l’espérance messianique. Plus tard, à l’époque d’Hérode, nommé roi en 40 avant l’ère chrétienne, les pharisiens les plus représentatifs furent Hillel et Shammaï. Chacun d’eux avait sa méthode d’interprétation des textes sacrés ; celle d’Hillel était plus adaptée à la nécessité de trouver dans la Torah les solutions qu’il fallait pour les problèmes d’actualité. C’est elle qui fut adoptée dans l’ensemble.

Les esséniens n’ont pas contribué, par leurs croyances et leurs pratiques, à la formation du judaïsme traditionnel. Leurs idées reflètent toutefois des données de la littérature des Apocalypses (Livres d’Énoch et des Jubilés) qui ont influé sur les représentations des temps messianiques, que l’on retrouve dans la littérature talmudique.

Après la destruction de Jérusalem par les Romains en 70 après l’ère chrétienne, la vie spirituelle de la nation vaincue eut son centre à Yabne ; là, le Sanhédrin, grand conseil doté d’attributions judiciaires et religieuses, s’occupa de l’éducation, de la législation et de la vie du peuple. Il devint l’autorité centrale, reconnue jusqu’aux lointaines provinces de l’exil. Son chef, le Nassi, devint le représentant de la nation devant les Romains ; le premier Nassi fut Rabban Gamaliel, descendant de Hillel. Le Sanhédrin s’attacha à transmettre le contenu de la Loi orale par les méthodes parallèles de l’étude (Midrash) des particularités graphiques du texte biblique et de la répétition (Mishna) d’enseignements oraux formant des règles (Halakha). Ceux qui les enseignaient étaient les Tannaïm. Mais des confusions et des incertitudes étaient nées de l’abondance de la matière et des troubles de l’époque. Le Sanhédrin résolut les divergences ; puis il veilla à la conservation de ce que l’on avait soigneusement défini ; il commença aussi à mettre tout par écrit. Les premiers rédacteurs furent Rabbi Akiba, mort en 132, et Rabbi Me’ir, son disciple. Akiba avait établi un classement méthodique des règles par matières.