Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Joyce (James) (suite)

De nombreux critiques ont essayé sans grand succès de dégager de la biographie et des écrits de Joyce une position politique cohérente. Dès Gens de Dublin (« Une douloureuse affaire »), le socialisme est associé à l’inefficacité. Les allusions à l’Union soviétique dans Ulysse et Finnegans Wake participent beaucoup plus de l’universalité de son projet que d’un souci politique clairement formulé ; ce sont plus des données historiques que des données idéologiques. Son biographe officiel Herbert Gorman note que Joyce a effectivement lu très tôt des auteurs socialistes, mais que son socialisme était instable, peu consistant, mal informé et qu’il en était conscient. En effet, il s’agissait plus d’une sympathie diffuse que d’une conviction, d’un sentiment que la liberté totale, accompagnée d’un minimum de lois contraignantes, est un idéal qu’on ne peut qu’ardemment souhaiter. Rien ne permet de penser que les cycles de Vico (philosophe catholique) qui ordonnent Finnegans Wake et en particulier le passage d’un âge ou d’un type de société à un autre puissent être assimilés à une détermination révolutionnaire ou même à un quelconque concept politique préexistant. Joyce dénonce les conditions imposées à l’individu créateur dans la société irlandaise du début du siècle bien plus en fonction de sa situation personnelle qu’à travers une analyse politique. D’aucuns vont même jusqu’à affirmer que la destruction du langage social à laquelle il se livre dans sa dernière œuvre n’est que la conséquence logique de son indifférence, voire de son mépris pour les événements du monde (il passe le temps de la guerre en Suisse en se déclarant « au-dessus de la mêlée »), Finnegans Wake n’apparaissant alors que comme le reflet littéraire des forces de destruction qui existent au sein de la société capitaliste.

Au-delà de ces critiques, on peut retenir la persévérance de l’homme toujours fidèle à lui-même dans la réalisation d’un projet individuel. T. S. Eliot, dans la préface au catalogue de l’exposition Joyce à Paris (1949), insiste avec raison pour que soit reconnue la continuité logique de cette œuvre pensée comme un tout : « Ses dernières œuvres doivent être comprises à travers les premières, et les premières à travers les dernières, c’est tout le trajet et non une étape quelle qu’elle soit qui lui assurera sa place parmi les grands. »

J. P.

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József (Attila)

Poète hongrois (Budapest 1905 - Balatonszárszó 1937).


Le futur poète avait trois ans quand son père, ouvrier savonnier, abandonne sa famille. Sa mère, qui doit exercer le dur métier de blanchisseuse, entretiendra longtemps ses trois enfants dans l’illusion que leur père est allé tenter la fortune en Amérique. Mais elle ne peut empêcher que le jeune Attila ne prenne conscience de leur misère et en reste définitivement marqué. En 1919, elle meurt ; il est absent ; toute sa vie, il ressentira cette mort comme un nouvel abandon, qu’il dénoncera maintes fois dans ses vers (Lamentation tardive, 1935). À la suite d’une première tentative de suicide, il doit quitter le lycée. Certes, le poète Gyula Juhász (1883-1937) le remarque, et dès 1922 paraît son premier recueil. Mais, inscrit à la faculté des lettres de Szeged, József est exclu à cause du nihilisme anarchisant de son poème — aujourd’hui célèbre — Cœur pur ; un procès est même intenté contre lui à cause d’un autre poème : József se persuade — non sans raison — qu’on ne le laissera pas devenir professeur et se sent persécuté.