Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Johnson (Lyndon Baines) (suite)

Après la puissante offensive communiste au Sud Viêt-nam de janvier-février 1968, le président Johnson n’est plus soutenu, d’après les sondages, que par un tiers de ses concitoyens ; les autres n’ont aucune confiance en lui, sauf s’il tente d’ouvrir des négociations de paix. C’est pourquoi Johnson annonce, le 31 mars, qu’il arrête les bombardements sur le Viêt-nam du Nord et qu’il ne se représentera pas aux élections de novembre. Avec l’ouverture des pourparlers de Paris, sa popularité augmente sensiblement. Mais ses dernières semaines à la Maison-Blanche lui apportent peu de satisfactions ; le candidat démocrate, Hubert Horacio Humphrey (né en 1911), le libéral devenu vice-président, fait campagne en se détachant le plus possible de Johnson ; il n’en est pas moins battu par Richard Nixon*.

A. K.

➙ Démocrate (parti) / États-Unis.

 R. Evans et R. Novak, Lyndon B. Johnson, the Exercise of Power (New York, 1966). / A. Steinberg, Sam Johnson’s Boy (New York, 1968). / E. F. Goldman, The Tragedy of Lyndon Johnson (New York, 1969).

Johnson (Uwe)

Écrivain allemand (Cammin, Poméranie, 1934).


Uwe Johnson a fait une brillante entrée dans les lettres, à l’âge de vingt-cinq ans, avec un roman aussitôt traduit en plusieurs langues et couronné d’un prix européen. C’est qu’il y avait traité, dans un style très personnel et souvent déroutant, d’une question très actuelle, celle de la division de l’Allemagne.

Johnson n’avait encore que dix ans à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Après des études à l’université de Leipzig de 1953 à 1956, il commençait une carrière d’homme de lettres quand, en 1959, il se vit refuser à Berlin-Est le manuscrit de son premier roman. Il s’adressa à un éditeur de l’Ouest, où il vint ensuite s’établir.

Avec lui apparaît ainsi une nouvelle génération d’écrivains, qui succède à celle des romanciers de la guerre et de l’immédiate après-guerre. Pour lui et ses contemporains, l’expérience déterminante aura été celle de la coexistence de deux Allemagnes avec une frontière qui sépare non seulement deux parties d’un pays autrefois uni, mais aussi deux mondes et deux façons de vivre. De part et d’autre, la langue allemande demeure, mais les mots ont un autre arrière-plan, traduisent une autre façon de sentir. Le pays divisé est aussi dédoublé, et les récits de Johnson doivent se lire sur deux plans. Il en résulte un effet de surimpression qui donne à l’écriture comme aux personnages à la fois de la profondeur et une incertitude calculée. Leur vie se poursuit le plus souvent en partie double ; ils pensent volontiers « à ce qu’ils seraient si » ; ils comparent des destins parallèles qui auraient pu être les leurs. Quelques-uns tentent le saut de l’un à l’autre, et certains même l’aller et retour. Dans un roman ainsi conçu, il faut renoncer à toute structure simple, et Johnson, dont c’est probablement l’originalité, a renoncé aussi au style narratif au profit d’un mode d’écriture qui tend à rendre, presque sans médiation, le courant de conscience. Il mêle perceptions et souvenirs, images et projets, ce qui s’entend et ce qui s’invente, ce qui se voit et ce que voient ses personnages, ce qui les fuit et ce qui les poursuit. Son premier roman s’intitulait Mutmassungen über Jacob (Conjectures sur Jacob ; traduit sous le titre la Frontière, 1959). Ce livre ressemble assez au récit d’une enquête sur les causes de la mort d’un cheminot dans une gare de triage, écrasé par une rame de wagons alors qu’il traversait les voies, comme chaque jour, après avoir terminé son service. Nous sommes en novembre 1956. L’accident est-il la seule explication possible ?

Jacob avait été élevé au bord de la Baltique ; son amie d’enfance, un peu plus jeune que lui, Gesine, est passée à l’Ouest et travaille comme secrétaire dans un bureau de l’O. T. A. N. Elle est surveillée par un agent de la sécurité de Berlin-Est qui voudrait aussi intéresser Jacob à son travail, mais Jacob refuse. Brusquement, Gesine revient, poussée par le mal du pays et la solitude où elle vit à l’Ouest. Tous se retrouvent, y compris l’agent secret et un assistant de l’université de Berlin qui rêve de « communisme libéré », pour une longue nuit de discussions au bord de la Baltique. Gesine repart ; Jacob, d’abord revenu à son travail, la rejoint bientôt au bord du Rhin, mais ne peut se résoudre à vivre à l’Ouest. Il revient vers l’Elbe, dans les brouillards de novembre, au milieu des transports de troupes soviétiques en route vers la Hongrie révoltée. À peine est-il revenu que survient l’accident où il meurt : « Étranger dans l’Ouest, il n’était pas non plus chez lui à l’Est. » Il meurt « pour avoir voulu traverser les voies ».

Das dritte Buch über Achim (l’Impossible Biographie, 1961) se situe de nouveau dans une « grande ville d’Allemagne moyenne », dans l’Est, mais fait intervenir constamment un journaliste venu de l’Ouest, Karsch, qui s’essaie à écrire une biographie d’Achim T., coureur cycliste très populaire, dont on a fait un député et un symbole de la nouvelle Allemagne communiste. Retracer la vie d’un homme né en 1930 donne l’occasion de revenir sur le « temps des crimes » — où Achim était encore bien jeune, mais où il aurait pu, le cas échéant, dénoncer son père (« c’était l’ordre ») —, sur les misères et les hasards de l’après-guerre, sur l’insurrection ouvrière du 17 juin 1953. Le reporter de l’Ouest, qui s’est promis de dire la vérité, ne sait plus, à la fin, que penser de son « héros » ni, par contrecoup, de lui-même, et il renonce à rédiger son ouvrage. Il l’avait entrepris à la demande de son amie d’enfance, l’actrice Karin, devenue la compagne d’Achim, le « héros sportif ». Le passé pèse trop lourd ; il est encore trop plein d’ambiguïtés pour soutenir le présent, qui demeure, lui aussi, indistinct, fait de « présomptions » entrecroisées dans lesquelles l’homme de bonne volonté est paralysé.