Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Jeunesses musicales de France (suite)

En 1959, bien qu’au faîte du succès, les J. M. F. traversent une crise financière due à la suppression de certains concours privés. Pour sauver le mouvement, un plébiscite national est organisé. Le Figaro ouvre une campagne de presse. « Europe no 1 » consacre toute une soirée de l’émission « Vous êtes formidables ! », animée par Pierre Bellemare, à l’organisme en péril. Ce soir-là, 15 millions affluent dans les caisses, la foule parisienne conviée par radio envahit la salle Pleyel, le mouvement est sauvé et la subvention gouvernementale est doublée.

L’histoire des J. M. F. est celle d’une croisade déterminée par un « croyant » étoffé d’un homme d’action persévérant : René Nicoly, aidé de collaborateurs et conférenciers tels que Roland-Manuel, J. Feschotte, B. Gavoty, N. Dufourcq, C. Rostand, etc. Bel exemple d’initiative privée substituée à la carence des pouvoirs publics, dans le but de prouver aux observateurs et aux bénéficiaires que la musique entre pour autant dans la culture de l’être humain que la physique, la technique et les sports. Geste de défense collective des jeunes générations contre un abandon de plus d’un demi-siècle et destiné à ressusciter une tradition française millénaire qui avait survécu à la Révolution et faisait de la France le pays où la musique avait pénétré profondément dans certaines couches de la société. Sans prétendre à l’enseignement — qui suppose un professeur, une chaire, des élèves, des diplômes —, le mouvement J. M. F. dispense une initiation sérieuse à ses adhérents, éveillant leur curiosité et leur ouvrant de substantiels aperçus techniques, historiques et littéraires. En une phrase lapidaire, Albert Schweitzer résumait l’esprit de cette immense entreprise : « Dans la nuit d’une civilisation matérialiste, les Jeunesses musicales de France ont allumé un phare qui guidera bien des âmes à la dérive. » N’oublions pas que nombre de jeunes interprètes doivent aux J. M. F. d’avoir effectué leurs débuts grâce aux tournées organisées par le siège central dans la province et outre-mer.

Le temps et l’expérience aidant, les Jeunesses musicales de France se sont vues conduites à intensifier leur action au niveau des classes primaires, où l’enseignement de la musique est particulièrement négligé. En 1971-72, 865 séances ont été données dans 140 villes de France, touchant plus de 300 000 enfants, que l’on a mis en présence et, peut-on dire, au contact réel d’un orchestre, d’un pianiste, d’une chorale, etc. Cette éducation par l’œil et par l’oreille est de loin supérieure à celle, impersonnelle et froide, que dispense le disque. De plus en plus, les exécutants ont été formés à la présentation par eux-mêmes des instruments et des ouvrages interprétés : ceux-ci « couvrent », dans un parfait souci d’éclectisme, toutes les époques de l’art, depuis les origines médiévales jusqu’aux dernières recherches contemporaines, en passant par les chefs-d’œuvre classiques et romantiques. Ce travail d’équipe n’a pu être réalisé que grâce à une hiérarchie rigoureuse unissant les efforts des délégués régionaux au travail de direction assumé à Paris par René Nicoly, puis par son successeur Jean de Lavigne.

La pépinière d’auditeurs bien et dûment formés représente un effort considérable du « privé » et une incitation vigoureuse à l’endroit des pouvoirs publics. Une croisade comme celle des J. M. F. ne prendra son vrai sens que le jour où l’enseignement inclura la musique au nombre des disciplines jugées essentielles à la formation harmonieuse et complète de l’individu.

Les Jeunesses musicales dans le monde

La France n’est pas le premier pays qui ait fondé un mouvement de Jeunesses musicales. Dès 1940, Marcel Cuvelier (1899-1959) créait les Jeunesses musicales belges. Cinq ans plus tard, il jetait, avec René Nicoly, les bases d’une Fédération internationale des Jeunesses musicales, dont la présidence était confiée à Claude Delvincourt (1888-1954). Une politique d’échanges de jeunes artistes, de nation à nation, fut alors décidée, pour le plus grand profit des interprètes comme du public. Tour à tour, la Suisse, les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Italie, l’Autriche, le Canada, l’Espagne, le Brésil, Haïti, la Grande-Bretagne, l’Uruguay, les États-Unis suivirent l’exemple de la France et de la Belgique. En 1972, la Fédération internationale réunit 33 pays membres. C’est avec la Suisse, la Belgique et le Canada que la politique d’échanges artistiques continue de donner aujourd’hui les meilleurs résultats. C’est aussi dans ces pays que le mouvement J. M., né des années terribles de l’Occupation, s’est maintenu avec le plus de fidélité à la doctrine originelle. Un public très important a été, de la sorte, suscité. On le retrouve aujourd’hui dans les salles de concert, où il se fait remarquer par sa compétence et sa ferveur.

B. G.

jeux (réglementation des)

Les jeux sont des divertissements de société, soumis à des règles convenues à l’avance et qui donnent lieu à un bénéfice matériel. La passion qu’ils provoquent a amené la puissance publique à les réglementer dans un triple but d’ordre public, de moralité et de fiscalité.


Le phénomène social constitué par les jeux se mesure au chiffre des sommes engagées ou retirées : 324 millions pour les seuls cercles et casinos en 1970, et 7 700 millions pour le Pari mutuel urbain. De plus, dans la seule Région parisienne, étaient fichés 4 130 établissements pratiquant le jeu clandestin. On pourrait ajouter à ce tableau le nombre de billards électriques (valeur annuelle des machines importées : 7 millions de francs).


Historique

Dès 1254, Louis IX prohibe totalement le jeu de dés, mais, aux xviie et xviiie s., la cour de Versailles, malgré les ordonnances, donne l’image d’un immense tripot, et Paris voit affluer les tricheurs internationaux, désignés sous le nom générique de « grecs ».

Le Consulat tente d’endiguer le fléau en instituant la ferme des jeux groupant neuf maisons, qui, en 1837, rapporteront 9 millions de francs. Or, cette même année vit la fermeture obligatoire de ces jeux publics, remplacés par des cercles, imités des clubs anglais. L’année précédente, les loteries avaient été interdites. En 1891, on réglemente les paris sur les champs de courses en créant une sorte de monopole (le P. M. U.) ; un décret-loi du 31 août 1937 prohibe les appareils distributeurs d’argent et de jetons de consommation moyennant un enjeu et reposant sur l’adresse ou le hasard. Mais une loi du 31 mai 1933 avait institué la Loterie nationale pour créer des ressources au gouvernement. En 1962 est autorisée l’organisation des paris couplés et du tiercé partant d’un minimum de paris de base libellés sur des bordereaux perforés.