Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Jeanne d’Arc (sainte) (suite)

Présenté au tribunal le 28 mars 1431 par le promoteur Jean d’Estivet, l’acte d’accusation en 70 articles, réfutés l’un après l’autre par Jeanne, est résumé le 2 avril en 12 articles dont le contenu n’est pas soumis à Jeanne, toujours accusée de sorcellerie, de dévergondage, d’outrecuidance et d’orgueil. Pour l’inciter à reconnaître le caractère diabolique de sa mission, Cauchon la fait mettre en présence des instruments de torture le 9 mai, mais n’obtient d’elle qu’une promesse de rétractation anticipée de tout ce que la douleur pourrait lui arracher. Plus habilement, le 24 mai suivant, il l’amène à renoncer à ses habits d’homme et lui fait signer d’une croix une discutable formule d’abjuration au terme d’une longue, épuisante et humiliante exposition publique sur un échafaud dressé dans le cimetière de l’abbaye de Saint-Ouen. Condamnée aussitôt à la prison perpétuelle, mais de nouveau remise aux fers sous la garde des soldats anglais, qui n’auraient peut-être mis à sa disposition que des vêtements d’homme, Jeanne se reprend le 27. Déclarée hérétique et relapse le 29, mais autorisée quand même à communier, elle est alors livrée aux Anglais, qui la font périr le 30 mai sur le bûcher élevé par leurs soins sur la place du Vieux-Marché, à Rouen.

Morte impénitente en prononçant le nom de « Jésus », sur lequel s’achève sa Passion, Jeanne inquiète encore les Anglais, qui font disperser ses cendres dans la Seine et obtiennent de Cauchon qu’il réunisse, le 7 juin, sept de ses assesseurs pour témoigner par écrit que Jeanne aurait abjuré définitivement ses erreurs devant eux le 30 mai au matin.

Acte de pure propagande politique destiné à calmer les scrupules de ceux d’entre eux qu’a bouleversés la mort héroïque de Jeanne, cette ultime irrégularité judiciaire des Anglais ne leur rend pas la victoire.

De défaite en défaite, le 10 novembre 1449, ils doivent évacuer Rouen, où Charles VII ordonne dès le 15 février 1450 à son conseiller Guillaume Bouille de procéder à une enquête sur les circonstances du procès et du supplice de Jeanne. Cette enquête, complétée par celle du cardinal Guillaume d’Estouteville en 1452, sert de base juridique au procès de réhabilitation auquel consent le pape Calixte III par le rescrit qu’il délivre à Isabelle Romée et à Pierre et Jean d’Arc le 11 juin 1455. Commencé en décembre 1455 à Rouen, poursuivi dans tous les lieux où a vécu Jeanne et où 115 témoins au total sont interrogés, ce procès se termine par la sentence de réhabilitation prononcée solennellement le 7 juillet 1456 dans la grande salle du palais archiépiscopal de Rouen sous la présidence de l’archevêque de Reims, Jean Juvénal des Ursins. Le texte des deux procès de Jeanne est, pour l’historien, une source capitale.


Jeanne d’Arc devant l’histoire

Ayant contribué plus que tout autre à la naissance du sentiment national en France, ainsi que l’a constaté Michelet, le personnage de Jeanne d’Arc est devenu celui d’une héroïne nationale dont le souvenir est honoré comme tel tous les ans le 8 mai, jour anniversaire de la délivrance d’Orléans, qui a été également choisi par l’Église pour célébrer la sainte tardivement béatifiée en 1909 et canonisée en 1920. Mais force est à l’historien de reconnaître que, si son personnage historique se laisse assez bien cerner à travers les textes, il reste impuissant à déterminer l’origine exacte de sa mission : non pas diabolique, certes, mais humaine ou divine. Après avoir entendu la voix si envoûtante de Jeanne à travers les minutes de son procès, à chacun de se déterminer en fonction de ce qu’il est, de ce qu’il pense, de ce qu’il croit.

P. T.

➙ Cent Ans (guerre de) / Charles VII.

 SOURCES. J. Quicherat, Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne d’Arc, dite la Pucelle (Renouard, 1841-1849 ; 5 vol.). / E. O’Reilly, les Deux Procès de condamnation, les enquêtes et la sentence de réhabilitation de Jeanne d’Arc (Plon, 1868 ; 2 vol.). / P. Champion, Procès de condamnation de Jeanne d’Arc (Champion, 1920-21 ; 2 vol.). / P. Doncœur et Y. Lanhers, Documents et recherches relatifs à Jeanne la Pucelle (Desclée de Brouwer, 1952-1961 ; 5 vol.). / P. Doncœur, la Minute française des interrogatoires de Jeanne la Pucelle (d’Argences, 1953). / P. Tisset et coll., Procès de condamnation de Jeanne d’Arc (Klincksieck, 1961-1972 ; 3 vol.).
A. Lang, The Maid of France : Life and Death of Jeanne d’Arc (Londres, 1908 ; trad. fr. la Pucelle de France, Nelson, 1911). / P. Doncœur, le Mystère de la Passion de Jeanne d’Arc (Éd. de l’Orante, 1948 ; 2 vol.). / E. Thomas, Jeanne d’Arc (Gallimard, 1952). / R. Pernoud, Vie et mort de Jeanne d’Arc, les témoignages du procès de réhabilitation (Libr. gén. fr., 1953) ; Jeanne d’Arc (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1959 ; 2e éd., 1966) ; Libération d’Orléans, 8 mai 1429 (Gallimard, 1969) ; Jeanne devant les Cauchons (Éd. du Seuil, 1970). / A. Bossuat, Jeanne d’Arc (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1968). / H. Guillemin, Jeanne, dite Jeanne d’Arc (Gallimard, 1970). / G. et A. Duby, les Procès de Jeanne d’Arc (Gallimard, 1973).

Jefferson (Thomas)

Homme d’État américain (Shadwell, Virginie, 1743 - Monticello, Virginie, 1826).



Les débuts

Sa famille est aisée, et lui-même possédera plusieurs milliers d’hectares et jusqu’à 240 esclaves. Il poursuit ses études au collège de William and Mary et devient avocat en 1767. Mais, très vite, son entourage, la situation politique et son amour pour la Virginie le poussent vers les affaires politiques. Dans la querelle qui sépare de plus en plus la métropole et ses colonies, Jefferson n’hésite pas. Il a lu les philosophes, Locke en particulier, qui a glorifié la révolution anglaise de 1688 ; aussi s’affirme-t-il un farouche défenseur de la liberté contre la tyrannie britannique. De 1769 à 1775, il siège à la Chambre des bourgeois de Virginie et rédige en 1774 A Summary View of the Rights of British America pour proclamer que le Parlement de Londres ne peut en aucun cas gouverner les colonies d’Amérique. L’année suivante, il est délégué au Congrès continental : ses talents littéraires, la vigueur de sa pensée et son immense culture expliquent qu’il fasse partie de la commission chargée de rédiger la Déclaration d’indépendance. Il y met toutes ses idées, à l’exception toutefois de l’abolition de l’esclavage, que le Congrès rejette. Il participe également à l’élaboration de la Constitution de Virginie, dans laquelle il fait inscrire la suppression du droit d’aînesse, la séparation de l’Église anglicane et de l’État et l’établissement d’un enseignement public.