Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Japon (suite)

• 1853. Le commodore Matthew Perry vient avec quatre bateaux de guerre apporter une lettre du président des États-Unis et annonce son intention de revenir l’année suivante. Les savants japonais, curieux depuis toujours de la science occidentale, et de nombreux hommes d’État commencent à s’opposer à la politique du bakufu. Le pays se divise entre les partisans de l’ouverture du pays et les xénophobes.

• 1854. Lors du retour du commodore Perry, le bakufu, effrayé par la puissance des bateaux américains, consent à contrecœur à ouvrir deux ports, Shimoda (dans l’actuelle préfecture de Kōchi) et Hakodate (traité de Kanagawa), et accepte de recevoir un consul américain. Il est obligé de signer des accords semblables avec l’Angleterre et, en 1855, avec la Russie et la Hollande. Bon gré, mal gré, le Japon s’ouvre donc à l’Occident européen.

• 1856. L’arrivée du Premier consul américain Townsend Harris fait se déchaîner les passions. Le Japon se scinde véritablement en deux, pour et contre les étrangers. Townsend Harris est finalement reçu en 1857 par le shōgun Iesada.

• 1858. Le bakufu ayant signé des traités avec les États-Unis, la Russie, la Hollande et la France, une partie du pays se soulève, indignée de le voir céder à la peur des « barbares ».

• 1860. Le conseiller le plus écouté du bakufu, li Naosuke, est assassiné. Perplexe, le shōgun, pour la première fois depuis près de deux siècles et demi, demande conseil à l’empereur, aux côtés duquel se rangent tous les ennemis du bakufu.

• 1862-63. Après l’assassinat d’un Anglais, une flotte britannique bombarde le port de Kagoshima.

• 1863. Un bateau américain ayant été attaqué par les batteries côtières de Shimonoseki, une escadre de bateaux anglais, américains, hollandais et français prend la ville de Shimonoseki et oblige le daimyō du Chōshū à payer une lourde indemnité.

• 1864. Les troupes du bakufu sont battues par les partisans de l’empereur révoltés à Kyōto. Le shōgun Yoshinobu succède à Iemochi († en 1866), tente de rétablir l’ordre, puis offre sa démission à l’empereur, l’année suivante. Un gouvernement provisoire est établi, excluant les Tokugawa. Les troupes du shōgunat tentent de résister, mais la vague des partisans du rétablissement de l’empereur les balaie.

• 1868. Après avoir vaincu les dernières résistances armées, le jeune empereur Mutsuhito, 122e souverain du Japon, monte sur le trône. Il prend personnellement le pouvoir, transfère son gouvernement à Edo, qui devient dès lors, sous le nom de Tōkyō (capitale de l’Est), la nouvelle capitale du Japon. Ainsi se terminent 700 années de pouvoir militaire. L’autorité civile est rétablie dans sa légitimité, et une ère nouvelle commence, à laquelle on donne le nom de Meiji, c’est-à-dire de « gouvernement éclairé ».


L’ère Meiji (1868-1912) et ses suites (1912-1926)

À peine l’empereur est-il réinstallé dans tous ses pouvoirs que les clans, longtemps brimés par les Tokugawa, relèvent la tête et demandent la reconnaissance de leurs droits féodaux. Y consentir serait revenir en arrière et diviser de nouveau le Japon. Le jeune empereur Mutsuhito refuse, met à la raison les récalcitrants et promulgue une série de réformes qui vont modifier de manière profonde et durable la société japonaise. Le pays est redivisé en arrondissements, sans tenir compte des anciennes frontières féodales. Le peuple est organisé en classes, puis le droit de porter le sabre est retiré aux samurai. Enfin, une nouvelle loi agraire est élaborée, qui donne la propriété des terres aux paysans (1868), rétablit la liberté d’achat et de vente des terres (1871) ainsi que celle du commerce intérieur et extérieur (1872-73). L’impôt foncier est réorganisé, le système des pensions révisé. Des écoles et universités sont créées (1872), et le gouvernement modernisé.

• 1874-1877. Cependant, des samurai mécontents de ces réformes se groupent autour de Saigō Takamori et de Etō Shimpei. Ils entrent bientôt en dissidence. L’armée impériale, instituée en 1871 en remplacement de celles des seigneurs, se porte à la rencontre des rebelles et, après des luttes acharnées, réussit à réduire ceux-ci. Etō est vaincu et décapité dès avril 1874, mais il faut plusieurs années, jusqu’en 1877, pour venir à bout de la résistance de Saigō, qui, acculé, se suicide.

Malgré la Constitution, ou plutôt à cause d’elle, les opinions divergent au sein du gouvernement et, sous l’influence des doctrines européennes, de nombreux partis se forment, réclamant l’extension des droits civiques à tous, l’égalité devant la loi et le régime constitutionnel. Les partis progressistes sont encore peu nombreux et ont des effectifs faibles. Mais ils sont l’indice d’une profonde modification des esprits et de la fin des prérogatives des clans et de la classe des samurai. Les ouvrages des philosophes et, entre autres, de Fukuzawa Yukichi (1834-1901) répandent de plus en plus le désir de se mettre au pas de l’Occident, que, selon eux, il s’agit d’imiter afin de pouvoir un jour l’égaler en tout. Les gens alors au pouvoir, descendants des anciens chefs de clan, ne sont guère favorables à ce nouvel esprit. Mais l’empereur passe outre.

• 1885. L’empereur supprime le Conseil impérial et établit un « cabinet parlementaire » de style occidental présidé par Itō Hirobumi (1841-1909). Après un ou deux changements de ministère, le projet de Constitution définitive est établi, et l’empereur le promulgue le 11 février 1889. Cette Constitution n’est pas cependant acceptée par tous, et les assassinats politiques appuient les protestations. Ce moyen d’action de l’opposition deviendra coutumier dans les années qui suivent, sans pour cela modifier la volonté de l’empereur de faire du Japon un pays moderne. La nouvelle Constitution confère des pouvoirs extensifs à l’empereur. Elle crée deux chambres législatives (Diète), la Chambre des pairs, aux membres désignés par l’empereur, et la Chambre des représentants, élus par les électeurs âgés de 25 ans au moins et payant un minimum de 15 yen d’impôts directs. Cette seconde assemblée sera successivement réorganisée par des décrets en 1900 et 1902. La Constitution affirme les droits du citoyen (sous réserve des lois en vigueur). D’autre part, la justice est refondue, s’inspirant des codes français et allemands. L’armée et la marine reçoivent des instructeurs européens, le service militaire est rendu obligatoire pour tous les hommes âgés de 20 ans (1873). Des lois ultérieures modifieront progressivement l’organisation de l’armée. Parallèlement à l’évolution politique, le commerce et l’industrie se développent dans le sens de l’occidentalisation. L’exploitation des mines est intensifiée, de nombreuses usines nouvelles se créent grâce à l’activité des grands marchands et banquiers. L’État subventionne les industries lourdes. Peu à peu, les usines créées par l’État sont prises en charge par des entreprises privées. Le commerce suit l’évolution générale, et, après une période où les importations de produits l’emportent aisément sur les exportations, l’équilibre finit par s’installer. Le gouvernement, afin d’intensifier les échanges et de faciliter le commerce, crée des lignes de chemin de fer (1870-1872 : Tōkyō-Yokohama ; 1874 : Kōbe-Ōsaka ; 1873-1877 : Ōsaka-Kyōto), puis laisse les compagnies privées, à partir de 1888, s’occuper de les développer. Les routes sont améliorées, des ponts sont construits. Le télégraphe s’installe ainsi qu’un service des postes moderne. Grâce à toutes ces mesures et à la liberté de l’entreprise privée, les conditions de vie s’améliorent, et la population, jusqu’alors relativement stable, augmente fortement en nombre.