Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Japon (suite)

• 1600. La lutte, d’abord politique, se termine par un affrontement général entre les partisans de Ieyasu et ceux de Hideyori ; 200 000 hommes se trouvent en présence à Sekigahara. Cependant, nombre de daimyō, incertains de l’issue de la bataille, bien que présents à Sekigahara, attendent de voir de quel côté le vent tournera avant de s’engager, Ieyasu sait fort bien profiter de cette situation et défait complètement l’armée adverse. Les principaux chefs de celle-ci (dont le général Konishi) exécutés, Tokugawa reste le seul maître du Japon tout entier. Il a désormais peu à craindre d’une éventuelle coalition des daimyō « extérieurs ».

• 1601. Ieyasu confisque à son profit les mines d’or et fait battre monnaie. Il oblige les villes à lui céder leurs privilèges.

• 1603. Ieyasu établit alors son bakufu à Edo (auj. Tōkyō), sur le site d’un ancien fortin du xve s., et s’y fait construire un château. À partir de ce moment, il publie une série d’ordonnances qui, sans faire législation, ont cependant force de loi ; ces ordonnances sont destinées d’une part à accroître sa fortune (monopolisation du commerce de la soie, 1604) et de l’autre à contrôler très étroitement le peuple aussi bien que les samurai et les seigneurs. Pour ce faire, Ieyasu s’entoure de personnes habiles telles que le savant confucéen Hayashi Razan (ou Dōshun, 1583-1657), le navigateur anglais William Adams (qui s’était échoué en 1600 sur les côtes du Japon et que Ieyasu avait pris à son service afin qu’il créât une marine forte et moderne) ou de marchands influents et retors. Grâce à leur aide, il divise ses vassaux en trois classes distinctes : les fudai, qui dépendent directement de Ieyasu et qui ont combattu avec lui à Sekigahara, ces vassaux possédant des domaines qui valent environ 50 000 koku ; les hatamoto, ou vassaux mineurs, dont le revenu est inférieur à 10 000 koku ; enfin, les tozama, ou « daimyō extérieurs », dont les revenus peuvent aller jusqu’à un million de koku. Ces derniers sont très étroitement surveillés, car ils constituent une menace éventuelle. Aussi sont-ils obligés de venir vivre à Edo au moins pendant quatre mois par an et de laisser dans cette ville leur famille en garant de leur conduite loyale.

Si la vie des samurai est rigoureusement réglementée, si celle des paysans est minutieusement établie selon des règles fixes et soumise aux lois de la responsabilité collective instaurée par Hideyoshi, celle de la Cour et des nobles de Kyōto est également codifiée : l’empereur ne doit pas faire autre chose que de s’occuper de religion, d’études et de poésie...

• 1614-15. Cependant, les mécontents de toute sorte (parmi lesquels beaucoup de chrétiens) se sont regroupés autour de Hideyori dans son château d’Ōsaka et constituent une menace. En 1614, après bien des détours politiques, Ieyasu décide d’abattre cette puissance hostile. Il met le siège devant le château d’Ōsaka, oblige Hideyori à faire combler les fossés de celui-ci, puis, durant l’été de 1615, il attaque en force. Le château pris et Hideyori s’étant suicidé, les chefs hostiles sont passés au fil du sabre, et la forteresse rasée.

• 1616. Ieyasu meurt des suites d’une blessure reçue pendant le siège du château d’Ōsaka, et son fils Hidetada, déjà intronisé shōgun depuis 1605, lui succède. L’œuvre de Ieyasu a été immense, dans tous les domaines. Il a réussi, pour la première fois dans l’histoire du Japon, à unifier le pays sous une même autorité et légiféré de telle sorte que les rébellions politiques semblaient désormais vaines. Il a codifié le comportement des guerriers dans son célèbre « buke-shohatto », qui formera la base du futur « bushidō ». En renouant avec la Chine, il a permis au commerce de s’intensifier ; améliorant sa flotte, il a permis aux commerçants et voyageurs d’étendre leurs activités jusque dans le Sud-Est asiatique, et un daimyō du Nord, Date Masamune, pourra même envoyer une mission commerciale à travers l’océan Pacifique, par Hawaii et le Mexique, à Madrid et Rome (1613). Il a accueilli favorablement les marchands étrangers, surtout chinois, anglais et hollandais, qui ne tentaient pas de faire du prosélytisme religieux. Car si, au début, Ieyasu n’a pas vu d’un mauvais œil les prédications chrétiennes des Portugais et des Espagnols (contrairement à Hideyoshi, qui, sur la fin de sa vie, avait expulsé les chrétiens), il a fini par se rendre compte que les prêtres étrangers enseignaient une doctrine contraire à l’esprit de la « Voie des guerriers ». En 1614 (peut-être aussi parce que Hideyori s’était fait chrétien), il a proscrit l’activité missionnaire chrétienne et fait détruire les églises. En fait, il lui était indifférent que les paysans se convertissent : ce qu’il redoutait, c’était la collusion des féodaux avec les puissances étrangères, les missionnaires lui apparaissant comme des agents de celles-ci. Nombre de prêtres quittèrent alors le Japon. Quelques-uns cependant demeurèrent à Kyūshū, protégés par leurs fidèles. Mais Ieyasu n’ordonna aucune persécution contre eux.


La période d’Edo (ou des Tokugawa) [1616-1868]

Tokugawa Hidetada s’occupe principalement de consolider la position du bakufu auprès des grands daimyō et, en 1623, laisse sa charge à son fils Iemitsu. Celui-ci continue l’œuvre entreprise par ses deux prédécesseurs et prend de sévères mesures envers les étrangers. Déjà, en 1616, Hidetada avait interdit aux Européens de vivre au Japon et fermé tous les ports (sauf ceux de Hirado et de Nagasaki) au commerce avec les pays d’Europe, principalement afin de transférer au bakufu tous les monopoles commerciaux que possédaient encore certains daimyō. Les étrangers se livraient d’ailleurs une lutte d’influence dans les deux ports. Ayant été informé par des Anglais et des Hollandais de la présence active au Kyūshū de missionnaires portugais et espagnols, le bakufu commence les persécutions dès 1622.

• 1623-24. Les marchands portugais doivent quitter le pays, et les Japonais ne reçoivent plus l’autorisation de commercer avec Manille. Les Anglais, faisant de mauvaises affaires, ferment leur comptoir de Hirado.

• 1637. Une rébellion paysanne conduite par un samurai chrétien éclate à Shimabara. Après une répression sans pitié, le bakufu renforce ses lois d’exception, ferme le port de Hirado, interdit aux bateaux portugais de toucher les ports du Japon.