Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Japon (suite)

• 1203. Le fils de Yoritomo, Yoriie, incapable et brutal, nommé shōgun à la mort de son père, est obligé d’abdiquer au profit de son frère Sanetomo. Il est assassiné dans des circonstances assez mystérieuses l’année suivante. Sanetomo étant mineur, c’est Hōjō Tokimasa qui prend le titre de shikken (régent du shōgun). Des querelles opposent Masako, veuve de Yoritomo, et Makiko, épouse de Tokimasa. Masako triomphant, Hōjō Tokimasa est obligé de démissionner en 1205. Son fils Hōjō Yoshitoki lui succède en tant que shikken.

• 1219. Sanetomo est assassiné à l’instigation d’un fils de Yoriie. Le bakufu semble chanceler sur ses bases, et l’empereur, alors Go-Toba, va tenter de reprendre le pouvoir.

• 1221. Go-Toba déclare le bakufu rebelle et appelle les seigneurs à la révolte. Yoshitoki bat les troupes impériales près de Kyōto, à Uji. Cette victoire affermit la position du bakufu et permet à celui-ci d’étendre ses possessions, les terres des seigneurs vaincus allant en récompense aux vassaux fidèles. Les shōgun (en fait les shikken) ont désormais le pouvoir — l’empereur ayant été exilé — de nommer les souverains retirés en obligeant les empereurs à abdiquer prématurément.

• 1222. Le bakufu fait faire un recensement général des terres afin d’asseoir l’impôt de manière plus juste et de mieux organiser son administration.

• 1230. À la suite d’une famine, le bakufu remet les dettes, suspend les impôts et fait faire des distributions de riz aux paysans.

• 1232. Un code de lois du bakufu, appelé Jōei Shikimoku, en 51 articles, définit les droits et les devoirs de chacun, paysans comme nobles et vassaux. Il est rédigé en langue japonaise. Ce code recevra par la suite, en 1243 et 1286, des additions qui le compléteront et en feront véritablement un code « national » remplaçant l’ancien ritsuryō, devenu caduc et qui n’était plus observé que par quelques nobles de la cour de Kyōto. Ses principes seront suivis jusqu’en 1868.

• 1247. Quelques nobles s’étant révoltés, le shikken Hōjō Tokiyori les attaque, les bat et confisque au profit du bakufu leurs immenses domaines. Désormais, les shōgun seront choisis dans la famille impériale, cela afin de donner une légitimité plus grande au bakufu ; mais ils sont toujours mineurs et le pouvoir réel reste entre les mains de la famille des Hōjō, les shōgun n’ayant qu’un rôle effacé. Il résulte des contacts suivis que le bakufu a désormais avec la cour de Kyōto une sorte d’« aristocratisation » du bakufu et des grands vassaux de celui-ci. Empereurs, shōgun, shikken, épidémies, famines se succèdent, mais le pays, bien tenu en main et bien administré, connaît cependant une ère de stabilité qui lui permet de surmonter toutes les difficultés.

• 1266-1268. L’empereur mongol de Chine, Kūbīlāy khān, envoie des ambassadeurs au Japon demandant la soumission de ce « petit pays ». Le bakufu, alarmé par ces prétentions, fait aussitôt renforcer les défenses des côtes nord de l’île de Kyūshū, où, selon les Coréens qui informent les shikken, Kūbīlāy a l’intention de débarquer. En 1271, une autre ambassade mongole est renvoyée.

• 1274. Vers la fin novembre, une flotte d’environ 30 000 hommes, composée de Mongols et de Coréens, investit les îles d’Iki et de Tsushima et débarque dans le nord de Kyūshū, à Hakata. Ils attaquent avec des armes puissantes, et le bakufu ordonne alors à tous les guerriers de Kyūshū de se porter à la rencontre de l’ennemi. La Cour, mise au courant, est atterrée. Mais, contrairement à toute prévision, les forces mongoles se retirent la nuit suivante, selon, semble-t-il, un plan prévu. Peut-être n’est-ce là qu’une expédition destinée à reconnaître les côtes et à tester les forces de résistance japonaises. La Cour offre des prières et implore les Ancêtres.

• 1275. De nouveaux envoyés du khān demandant la soumission du Japon sont purement et simplement exécutés. Le bakufu fait construire une flotte afin de combattre celle des Mongols et ordonne d’ériger un mur de pierre le long des côtes de la baie de Hakata. Toutes les ressources du Japon et toutes les forces militaires sont mobilisées afin de prévenir un second débarquement mongol, qui, toujours selon les Coréens, ne peut tarder.

• 1281. Deux flottes mongoles et coréennes, fortes de 40 000 et de 100 000 hommes, prennent Iki et Tsushima et débarquent en deux points de la côte nord de Kyūshū. Les combats sont acharnés et durent sept semaines. Les Mongols utilisent des bombes et des fusées, leurs arcs et arbalètes surclassent les armes plutôt rudimentaires des samurai ; en outre, ils n’observent pas les lois chevaleresques de la guerre « à la japonaise ». Le Kyūba-no-michi, ou « Voie de l’arc et du cheval », leur est inconnu. Les Japonais sont sur le point de succomber et de voir leur pays envahi lorsque, le 14 août, un typhon disperse les bateaux ancrés sur les côtes et force les assaillants à se rembarquer sur les rares navires qui ont résisté à la tempête. Les Chinois, Mongols et Coréens demeurés à terre sont tous massacrés, sauf trois qui sont relâchés afin de rendre compte en Chine du désastre subi par leur armée. Le Japon est sauvé de l’invasion, mais une nouvelle tentative des Mongols est à redouter ; le bakufu estime sage de maintenir toutes ses troupes sur le pied de guerre. En effet, les Coréens ont informé le bakufu que Kūbīlāy prépare une autre expédition pour l’année 1293. Mais le khān abandonne ce projet pour se consacrer à l’unification de son empire et meurt en 1294. Ses successeurs abandonnent définitivement leur projet de conquérir le Japon. Cependant, le bakufu, ayant démobilisé ses troupes, se trouve dans une fâcheuse position. Les seigneurs, qui ont vaillamment combattu les Mongols et se sont ruinés en hommes et en équipement, en subsistance, demandent des récompenses ou tout au moins le remboursement de leurs dépenses. Mais le bakufu, n’ayant gagné ni terres ni richesses, n’a pas de quoi satisfaire ces demandes qui, en l’absence d’un sentiment nationaliste, paraissent légitimes. En 1294, il déclare qu’aucune réclamation ne sera plus admise, risquant ainsi son existence même. Il n’y a cependant aucune rébellion. Il est vrai que les seigneurs sont aussi démunis que le bakufu, et nul d’entre eux ne peut assumer les frais d’une guerre. Leur pauvreté les amène même à transgresser les lois du Jōei Shikimoku et à vendre tout ou partie de leurs domaines à des personnes (marchands ou artisans) ne faisant pas partie de la classe des samurai, afin de survivre.