Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Japon (suite)

La musique japonaise connaît et utilise plusieurs gammes, composées de deux tétracordes à trois sons, d’où résultent des gammes pentatoniques. Il existe quatre sortes de tétracordes — minyō, ritsu, miyakobushi et ryūkyū —, suivant la position que prend le son intermédiaire. Dans les formes musicales, les éléments apparaissent simplement juxtaposés ; ils ne font que rarement l’objet d’un développement. L’artiste marque une préférence pour des sonorités complexes et des timbres raffinés.

Le rythme apparaît tantôt métrique, tantôt non métrique. Métrique, il obéit à deux temps, mais on ne trouve que rarement des alternances entre temps faible et temps fort. L’agogique et la dynamique obéissent à une totale liberté. Le facteur harmonique ne se rencontre que dans le gagaku ; les ensembles à plusieurs voix ou instruments relèvent du genre hétérophonique.


Des origines à l’ère Meiji

La musique paraît avoir été très estimée dans les sociétés primitives. On en a retrouvé de nombreuses traces, mais on ne sait rien de précis à son sujet.

Au viie s., le Japon importe la musique coréenne (gigaku, sankangaku, sangaku et tōgaku, musique originaire de la Chine des Tang [T’ang]) et la musique bouddhiste de l’Inde par l’intermédiaire de la Chine. Ces différents genres esthétiques sont assimilés et conservés par les classes dirigeantes.

À l’époque de Heian (794 à 1185), toutes les musiques étrangères originaires de Chine, de Corée, d’Inde, d’Indochine et de l’Asie centrale qui ont été jusqu’alors introduites au Japon font l’objet d’une classification. S’y annexent de nouveaux genres vocaux, comme le saibara, le rōei, l’imayō. Héritier de ces traditions, le gagaku, musique de cour pour une grande formation instrumentale, fait son apparition.

À cette époque naît également le wasan, genre purement japonais, qui relève de la musique liturgique bouddhique (shōmyō).

Jusqu’alors réservée à l’aristocratie, la musique étrangère commence à se répandre dans les différents milieux populaires.

L’époque médiévale « Chūsei » (de la fin de Heian jusqu’au début du xviie s.) voit l’apparition et l’évolution du katarimono, genre narratif, et du nō.

À l’époque « Chūsei » s’implante le heikyoku, qui raconte l’histoire de Heike, avec accompagnement d’une sorte de luth, le biwa. Le Heike-monogatari cédera sa place à l’Histoire de la princesse Jōruri.

Aux xive-xve s., Kanami et Zeami, qui doivent être tenus pour les créateurs du nō dans sa forme actuelle, élaborent à partir du sarugaku no nō, première cellule du nō, dérivée du sangaku, importé du continent et devenu très populaire, et du dengaku, de caractère populaire (danses agrestes), cette nouvelle forme théâtrale. Le nō parvient à se diffuser rapidement parmi les samurai. S’améliorant et se perfectionnant, il ne devient plus accessible qu’à une caste d’initiés. À l’époque Edo (1616-1688), il apparaît dans les cérémonies officielles du shōgun et des daimyo, qui font partie de l’aristocratie militaire.

Vers la fin du xvie s., le Japon s’enrichit de quelques éléments de plain-chant et de quelques instruments occidentaux. Mais la fermeture des ports aux navires étrangers arrêtera l’évolution des influences occidentales. Cette politique de repli permettra la création de genres nouveaux essentiellement japonais.

Le shamisen, qui est une sorte de guitare à trois cordes, a sans doute été ramené de Ryūkyū à la fin du xvie s. Il servait d’abord à accompagner les chants populaires ; le regroupement de ces ensembles folkloriques a permis par la suite la formation d’une suite de chants intitulés le shamisen-kumiuta, qui se situe à l’origine du jiuta. Les danses qui accompagnaient ces chants devinrent vite très populaires dans le pays. Plusieurs d’entre elles subirent une certaine élaboration, jusqu’à être assimilées aux danses du kabuki.

Accompagné du shamisen, le jōruri fut utilisé pour le théâtre de marionnettes, qui devint le bunraku. Durant la période qui s’étend de 1688 à 1703 (genroku), Takemoto Gidayū (1651-1714) rassembla et ordonna les différentes mélodies du jōruri, en y ajoutant des éléments originaux, et créa ainsi le gidayū-bushi.

Le jōruri connut plusieurs écoles, et le bungo-bushi, bien qu’interdit pour les expressions trop crues qu’il utilisait, se divisa en quatre écoles, qui ont survécu jusqu’à nos jours. Parmi celles-ci, le shinnaibushi, réservé à un certain milieu pour son caractère indécent, s’est situé en marge de cet essor.

Instrument à treize cordes, le koto a été utilisé à l’origine pour le gagaku. D’abord influencé par le shamisen, il a connu ensuite une vie indépendante et a été cultivé tour à tour par les écoles (ryū) de Tsukushi, de Yatsuhashi, d’Ikuta et, à la fin du xviiie s., par celle de Yamada. De nos jours, seules les deux dernières ont gardé une certaine autorité.

Jusqu’au début du xviiie s., la musique japonaise semble avoir connu une évolution semblable à celle de la musique occidentale. Mais, après la période de genroku (1688-1703), elle perd de son envergure pour gagner au contraire, en raffinement. C’est ainsi que la seconde moitié de l’époque Edo voit l’apparition de courts chants maniérés (hauta, kouta, utazawa).

À la fin de la période Edo, la musique destinée au koto subit peut-être l’influence de l’art occidental, et, à la veille de l’ère Meiji, la musique militaire de l’Occident fait son apparition au Japon. La modernisation du pays s’annonce.


De l’ère Meiji à nos jours

Après la fin du régime shōgunal, la société japonaise se transforme complètement, en se modelant sur l’Occident. La musique japonaise va vivre en contact étroit avec la musique européenne. Cette dernière entre dans les programmes de l’enseignement primaire. En 1887, un centre de musique occidentale devient le premier conservatoire de musique nationale. Les étudiants qui viennent y travailler vont constituer dès lors l’élite des musiciens japonais.

Ceux-ci, à dater des années 1900, commencent à composer des mélodies de style européen ; dans le domaine du lied, Rentarō Taki (1879-1903) fait preuve d’originalité.

Certains étudiants vont travailler à Berlin. C’est le cas de Kōsaku Yamada (1886-1965), qui, de retour dans son pays natal, poursuit une carrière de compositeur et organise le premier orchestre symphonique japonais. On peut le tenir pour le fondateur de l’école musicale japonaise actuelle.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, certains compositeurs essayent de se dégager d’une simple imitation du style occidental, et, après la Seconde Guerre mondiale, la musique japonaise atteint un niveau international : elle combine des éléments de musique traditionnelle et des aspects d’écriture et de langage d’avant-garde.

La vie musicale s’est intensifiée dans la plupart des grandes villes. Tōkyō compte plusieurs orchestres symphoniques, de nombreuses formations de musique de chambre et plusieurs écoles de musique.

K. T.