Angelico (Fra) (suite)
Les dernières œuvres réalisées à San Marco précisent le sens nouveau que Fra Angelico donne désormais à son art ; dans une figure comme celle du Christ aux outrages, la minutie un peu étriquée des petits plis serrés a fait place à un style plus ample : les grands plis de la robe du Christ s’étalent généreusement sur le sol. Lorsqu’en 1447 il est appelé à Orvieto pour exécuter aux voûtes de la cathédrale une scène de jugement dernier, il est en pleine possession de ses moyens ; la figure du Christ est caractéristique de la dernière étape de sa carrière, marquée par deux séjours à Rome. Interrompu par la mort, le second fut court. C’est sans doute durant le premier, vers 1447-1449, qu’il compose au Vatican deux ensembles de fresques, dont un seul subsiste, celui de l’oratoire de Nicolas V : sur les murs sont figurées des scènes de la vie de saint Étienne et de saint Laurent, la voûte étant réservée aux évangélistes et les pilastres d’angles aux docteurs de l’Église. La vie des saints se déroule dans un cadre d’architecture antiquisante, les perspectives s’ouvrent sur des paysages fidèlement décrits, l’ombre portée des personnages les intègre définitivement à l’espace. L’inspirateur n’est plus Giotto, mais son grand contemporain à Rome, Pietro Cavallini (v. 1250 - v. 1340).
Toutes ces recherches du peintre, sa curiosité naturelle à l’égard des réalisations les plus récentes dans le domaine de l’art, le fondement doctrinal qu’il apporte à son œuvre le placent bien dans le milieu intellectuel florentin du quattrocento, où l’on redécouvre Platon et les philosophes de l’Antiquité, où la perspective donne lieu à des constructions de l’esprit qui, au nom de la réalité mathématique, pourraient perdre de vue un sens de l’humain plus simple, plus direct. Ici, Fra Angelico s’écarte de ses contemporains, il compose avec deux époques, entre l’acquis gothique et les apports nouveaux, entre la poésie et le réalisme, pour élaborer une somme à partir de laquelle l’âge d’or de la seconde Renaissance sera possible.
J. B.
G. Bazin, Fra Angelico (Hypérion, 1941). / J. Pope-Hennessy, Fra Angelico (Londres, 1952). / G. C. Argan, Fra Angelico (Genève, Skira, 1955). / M. Salmi, Il Beato Angelico (Milan, 1958). / S. Orlandi, Beato Angelico (Florence, 1964). / R. Chiarelli, l’Angelico al convento di San Marco (Genève, 1965). / U. Baldini, Tout l’œuvre peint de Fra Angelico (Flammarion, 1973).