Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Japon (suite)

En de nombreux points du pays, mais surtout dans le Hokuriku (mer du Japon), la terre glisse avec lenteur le long de pentes argileuses ; ces fleuves de terre ont de 2 à 4 km de long sur 50 à 500 m de large et 10 à 20 m d’épaisseur ; ils entraînent avec eux, à une Vitesse de 2 à 7 m par an, les rizières qu’ils portent et qu’on doit redistribuer périodiquement. Le sol des grandes villes enfin s’affaisse, de plusieurs centimètres par an, en raison des pompages excessifs d’eau potable ou opérés à l’occasion des grands chantiers de construction et détruisant l’équilibre physique du sol. Tōkyō, Nagoya, Ōsaka en souffrent particulièrement.


Désastres d’origine climatique

Les typhons sont les plus violents ; ils ont fait 20 000 morts et détruit 300 000 maisons de 1945 à 1961. Août, septembre et octobre sont les mois les plus meurtriers, et c’est l’Ouest qui en souffre le plus. Les hommes protègent leurs habitations en les entourant de hautes murailles (Shikoku) ou de haies. Celles-ci abritent également des vents d’hiver qui balaient, chargés de neige, toute la façade sur la mer du Japon ou, secs et glacés, la plaine du Kantō. Typhons et vents estivaux amènent d’énormes abats d’eau (jusqu’à 200 mm pour un typhon ; on a enregistré 1 000 mm de pluie en deux jours, en septembre 1971) qui gonflent brusquement les cours d’eau.

La fonte des neiges au printemps entraîne des dégâts identiques, mais c’est surtout à l’état solide que la neige est coûteuse pour les installations humaines, coupant routes et voies ferrées, bloquant les trains, effondrant les constructions et ensevelissant les villes (Hokuriku) sous un manteau humide durant de longues semaines. Réduites en eau, les neiges se dirigent vers l’aval rapidement (comme font aussi les eaux de pluie qui se déversent lors des typhons ou durant la « pluie des prunes »), déchaussant les piles des ponts, brisant leurs digues et recouvrant les rizières d’une couche de débris. Parmi les autres violences dues au climat japonais, il faut citer les sécheresses prolongées qui frappent toujours quelque région, les étés anormalement frais qui ruinent la récolte de riz dans le Nord, les brumes estivales de l’est de Hokkaidō, qui ont le même effet, les gelées tardives ou précoces réduisant dangereusement la période végétative.

C’est ainsi comme une terre peu hospitalière que doit être considéré le Japon ; sur un fond de douceur que les peintres et les poètes ont chanté à l’envi, ces cataclysmes s’acharnent d’une façon brutale ou sournoise sur les constructions humaines, obligeant à un constant réaménagement du paysage occupé. La mise en valeur du pays est ainsi une œuvre jamais achevée et toujours menacée par les éléments. On ne saurait comprendre la géographie humaine du Japon, ni sans doute la psychologie de ses habitants, sans connaître au départ ce trait fondamental de sa géographie physique.


Les régions naturelles

Par leurs variations régionales, le relief, le climat, les paysages végétaux et les sols, les excès de la nature enfin définissent des régions naturelles où les types de temps, les formes de la topographie, les plantes et leur mode de culture s’associent de façon durable et fixe. Ces régions naturelles diffèrent des régions géographiques en ce que les hommes ont pu créer dans des conditions naturelles semblables des paysages différents, ou qu’inversement ces paysages se retrouvent identiques, ceux de la rizière par exemple, à travers des zones de reliefs, de sols ou de climats divers. Des limites naturelles jouent ici un certain rôle : le thé s’arrête ainsi au parallèle de Niigata, le mûrier au nord du Kantō (alors que le riz est en théorie cultivable partout) ; ailleurs, les pentes trop raides ne se laissent pas niveler en terrasses ; ailleurs encore, la neige ou le gel arrêtent la végétation en hiver et interdisent une culture secondaire alternant avec le riz.


La zone septentrionale

Le Tōhoku et Hokkaidō ont en commun leur hiver long et froid, donc une période végétative brève. La fonte des neiges y alimente les cours d’eau dès le printemps. Le relief y compartimente étroitement les plaines, ce qui a favorisé le développement de communautés humaines poursuivant isolément la mise en valeur du territoire qui leur était échu. Cet isolement se retrouve à son degré maximal entre le Tōhoku et Hokkaidō, séparés par le détroit de Tsugaru, que balaie en hiver un vent violent. Il est vrai que l’avion a réduit en partie cet inconvénient. Quatre régions naturelles se distinguent aisément dans ce Nord japonais. Le nord-est de Hokkaidō (1) forme la région la plus isolée et la plus ingrate du pays : hivers interminables, étés frais et brumeux, sols marécageux ou durcis par le gel, région hostile, drapée de vastes forêts de pins que l’homme défriche à grand-peine. À l’ouest d’une ligne cap Sōya - cap Erimo (2), le relief s’humanise ainsi que le climat, de belles plaines ouvrent le pays, et un été bref mais chaud permet la riziculture ; de belles forêts de feuillus alternent avec la taïga. L’ouest du Tōhoku (3) reçoit de plein fouet la mousson neigeuse, toute culture hivernale demeure compromise au départ. Enfin, dans le Centre et sur le Pacifique (4) au contraire, un climat continental froid et sec, un hiver rude mais ensoleillé, un été chaud et humide, de longs couloirs méridiens propres à la circulation constituent un milieu plus favorable.


La zone centrale

Correspondant au centre de Honshū, elle se divise nettement aussi en quatre régions. La plaine du Kantō (5) est la plus vaste du pays (7 000 km2) ; plate et d’un seul tenant, balayée en hiver de vents glacés, elle est moyennement arrosée en été, mais les typhons ne l’épargnent pas. Plus au sud, le centre de Honshū (Chūbu) oppose deux façades bien différentes à un centre montagneux et fermé. Sur le Pacifique (au sud de Tōkyō jusqu’à Nagoya), le littoral du Tōkai (6) forme un merveilleux adret ouvert au sud-est et échelonnant menues plaines et collines en une succession d’expositions favorables. L’hiver y demeure sec et froid. Il s’adosse à la massive région du Tōsan (7), où quelques bassins fermés (Kōfu, lac Suwa, Matsumoto, Nagano, Takayama) s’ouvrent au milieu de hauteurs. Le climat est fortement continental, et la forêt couvre ici d’immenses superficies. Sur la mer du Japon enfin, les belles plaines du Hokuriku (8) : Niigata, Toyama, Kanazawa, Fukui alternent avec des sections montagneuses ; partout, l’enneigement hivernal leur donne une uniformité parfaite qu’en été la nappe des rizières ne détruit point. Sur la côte, battue des vagues rageuses de la mer du Japon, plages, dunes et promontoires se succèdent.