Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (campagne d’) [1943-1945] (suite)

Moins de deux mois après la capitulation germano-italienne du cap Bon (12 mai 1943), les Alliés débarquent le 10 juillet au sud-est de la Sicile, entre Licata et Syracuse, qui est prise dès le 12 par les Britanniques. À l’ouest, les Américains foncent sur Palerme, atteinte le 20, puis se rabattent sur Messine en suivant la côte. Au début d’août, les Alliés se heurtent autour de l’Etna à une vive résistance des Allemands, qui veulent couvrir le rembarquement de leurs forces. Ce n’est que le 17 août que Patton et Montgomery se rejoignent à Messine, laissant échapper 88 000 Germano-Italiens, qui sont évacués sur la Calabre. Dès le 18 juillet, lors de leur rencontre de Vérone, Hitler et Mussolini, estimant impossible de défendre la totalité de la péninsule italienne, avaient résolu de porter leur effort sur la zone industrielle de l’Italie du Nord. Les forces de l’Axe devaient retarder au maximum l’avance alliée pour permettre l’édification d’une puissante ligne défensive barrant cette zone de Pise à Rimini (ligne Gothique).

Ces intentions sont, toutefois, déjouées par la crise politique qui traduit la lassitude du peuple italien et son angoisse de voir la guerre déferler sur son propre sol. Accusé de jouer le seul jeu allemand, Mussolini est désavoué le 24 juillet par le Grand Conseil fasciste et arrêté le lendemain sur ordre du roi, qui confie le pouvoir au maréchal Badoglio*. Celui-ci entame aussitôt à Lisbonne des pourparlers avec les Alliés, qui aboutissent à la signature d’un armistice secret le 3 septembre à Syracuse.

Le même jour, deux divisions britanniques débarquent en Calabre et, sans coup férir, atteignent Tarente le 9 septembre. Au même moment, les forces de Clark débarquent à Salerne, où elles rencontrent une résistance opiniâtre des Allemands, que commande le maréchal Kesselring (intervention de la 82e division aéroportée américaine du général Ridgway). Le 17 septembre, Clark (qui a remplacé Patton) et Montgomery font enfin leur jonction à Agropoli, mais Clark mettra dix jours encore à atteindre Naples. Au début d’octobre, les deux armées alliées se heurtent à la ligne Gustav, position solidement organisée par la Xe armée allemande sur 120 km entre le Garigliano et le Sangro pour barrer la route de Rome. Ainsi, trois mois avaient été nécessaires aux Alliés pour prendre pied dans le sud de l’Italie, mais, pour eux, le résultat acquis était considérable. En dehors du fait essentiel de la capitulation italienne, leur aviation était maintenant à portée d’attaque de l’Allemagne du Sud comme des pétroles roumains ; un nouveau front immobilisait de vingt-cinq à trente divisions allemandes, distraites du front soviétique. En septembre, les forces de l’Axe évacuaient la Sardaigne et étaient chassées de Corse par un soulèvement dirigé par le colonel Colonna d’Istria, appuyé par les unités du général Henri Martin, envoyées d’Algérie par Giraud (9 septembre - 4 octobre 1943). Mais la Wehrmacht avait su réagir avec une rare énergie, occupant les grands centres italiens, désarmant les troupes italiennes, détruisant les installations portuaires (à Naples notamment) et montrant par l’occupation des îles de Rhodes, de Leros et de Samos qu’elle n’entendait pas abandonner la Méditerranée.


La bataille de la « ligne Gustav » et la percée sur Rome (nov. 1943 - sept. 1944)

Echelonnée en profondeur, sur un terrain mouvementé étayant la dorsale des Abruzzes, la ligne Gustav, défendue par une quinzaine de divisions allemandes et elle-même couverte par une ligne d’hiver, constitue un redoutable obstacle. Cependant, les vingt divisions du général Alexander viennent d’être renforcées par le corps polonais du général Anders (1892-1970) [à la VIIIe armée] et par le corps expéditionnaire français du général Juin, dont les premiers éléments, débarqués à Naples à la fin de novembre, sont engagés en décembre dans le secteur de la Ve armée américaine (Clark). Par une série d’opérations limitées, les Français réussissent à pénétrer dans la position allemande : 2e D. I. M. du général Dody au Pantano et à Le Mainarde du 10 au 30 décembre ; 3e D. I. A. du général de Monsabert et tabors du général Augustin Guillaume sur le Monte Monna Casale, Acquafondata, le Belvédère et le Monte Cairo en janvier 1944. Malgré ces succès, les Alliés sont bloqués devant Cassino, clé de voûte de la ligne Gustav, que les Allemands ont, en outre, doublée à l’arrière d’une seconde ligne fortifiée, la ligne Hitler, en travers de la vallée du Liri. Aussi, le 22 janvier 1944, les Américains débarquent-ils leur 6e corps à Anzio et à Nettuno, à 50 km au sud de Rome, mais ne réussissent pas à déboucher de leur tête de pont. L’offensive frontale doit être reprise. Son succès sera dû en grande partie au général Juin*, qui fera exécuter par ses unités (renforcées en mars par la 4e D. M. M. du général Sevez et en avril par la 1re D. F. L. du général Brosset) la manœuvre décisive dans la région des monts Aurunci, tenus pour infranchissables. Déclenchée le 11 mai, l’attaque de rupture conduit les Français, le 18, sur les arrières de la ligne Hitler (Monte Faito, Castel-forte, Monte Maio, San Giorgio a Liri, Esperia et Pico). Au même moment, les Britanniques franchissent le Rapido à Sant’Angelo, et les Américains s’emparent de Monterotondo. Encerclé, Cassino tombe enfin le 17 mai entre les mains des Polonais, et, le 23, le 6e corps américain, venant d’Anzio, réussit à rejoindre, près de Cisterna, les éléments de la Ve armée, qui ont progressé le long de la côte.

Les Allemands ne peuvent éviter l’encerclement que par l’abandon de la ligne Gustav, laissant ainsi ouverte la route de Rome, où les Alliés entrent en libérateurs le 4 juin 1944. Le lendemain, pour témoigner sa reconnaissance aux forces françaises, le général Clark prenait à ses côtés le général Juin pour monter au Capitole. Le 6 se déclenche l’opération Overlord du débarquement allié en Normandie ! Du 17 au 19 juin, les Français s’emparent de l’île d’Elbe. Les débris du groupe d’armées C allemand (Xe armée Vietinghoff et XIVe-Mackensen) doivent se replier en hâte sur la ligne Gothique, poursuivis par les Français, qui occupent Sienne le 3 juillet, les Polonais, qui arrivent à Ancône le 18, et les Américains, qui sont à Livourne le 19, tandis que les Britanniques entament la dernière ligne de résistance allemande en s’emparant de Florence le 19 août.