Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

Les vicissitudes de l’unité politique et de l’essor économique

La fin des guerres d’Italie plonge la péninsule sous la domination étrangère pour trois siècles. La différence Nord-Sud s’accroît, car le Sud, dominé par la papauté et les Espagnols, s’enfonce dans l’immobilisme économique, tandis que, dans le Nord, l’influence autrichienne est source de progrès. C’est aussi dans le Nord que se prépare la future unité politique grâce à l’action du royaume de Piémont-Sardaigne. Sous la Révolution française et l’Empire napoléonien, l’Italie retrouve un semblant d’unité avec la formation du royaume d’Italie, il est vrai assez vite transformé en « colonie économique ». Mais les Italiens prennent conscience de leur personnalité et de leurs possibilités. C’est alors que commence le Risorgimento, qui devait aboutir, sous la conduite obstinée de Cavour, à l’unité italienne (1861). L’histoire économique est ici essentielle pour comprendre la structure géographique moderne. Reposant sur une base bien fragile, l’Italie choisit une politique libre-échangiste. Cela permet la venue de capitaux et de produits étrangers. Une fois de plus, le Sud est sacrifié, car toutes les industries rurales (essentiellement textiles) du Sud sont ruinées, tandis que le Nord résiste mieux grâce à ses exportations de soie. Dans les années 1880, tout va changer. Un réseau ferroviaire étant créé, le marché national existe (1877) ; les industriels du Nord ont renforcé leurs établissements (industrie du coton et de la soie notamment), on peut revenir à une politique protectionniste (1887). C’est le moment où l’Italie a enfin les infrastructures nécessaires au « décollage économique » : en 1882, la voie ferrée du Saint-Gothard est ouverte ; en 1884, la société Edison est créée à Milan et amorce l’équipement électrique. Pendant ce temps, la paysannerie, écrasée par une fiscalité indirecte très lourde, subit les effets d’une grave crise agraire (le prix du blé italien de 1880 à 1887 s’affaisse de 30 p. 100) qui alimente un fort courant d’émigration vers l’étranger et aussi vers les centres industriels septentrionaux, qui trouvent ainsi une main-d’œuvre à bon marché. L’alliance entre les industriels du Nord et les agrariens du Sud se consolide. Les « capitaines d’industrie » fondent des usines puissantes, aidés par le capitalisme allemand et le système de la banque mixte (à partir de 1893). La Première Guerre mondiale, puis la politique autarcique et corporatrice du fascisme permettront une concentration croissante et la création d’un vaste secteur public, qui sont toujours la marque du système économique italien.


Le dynamisme démographique

Au siècle dernier, l’Italie semblait trop peuplée et fut alors un grand pays d’émigration, mais, après la Seconde Guerre mondiale, l’abondance de la population est devenue un facteur décisif de la réussite italienne.


La distribution de la population

Il n’y a pas de grands vides humains. Dès que les conditions sont favorables, il y a concentration de la population. La signification économique de la distribution de la population est variable. Elle exprime un niveau de grande activité au Nord, des formes de surpeuplement relatif au Sud. Elle est toujours caractérisée par l’intensité de la vie urbaine.

La répartition de la population est déterminée par deux séries de faits, le relief et l’activité économique. Au-dessus de 500 m d’altitude ne vivent que 12 à 13 p. 100 de la population. On note le vide relatif des Alpes, de l’Apennin, à l’exception des bassins, de la montagne sarde. Les zones de fortes concentrations sont les secteurs industriels, les riches espaces agricoles de la plaine padane, les rubans littoraux de la Ligurie, de la Toscane septentrionale, de l’Adriatique, le domaine de la fertile Campanie et celui de la féconde Sicile. Ailleurs, l’occupation humaine se distend, avec quelques foyers urbains vivaces. La densité moyenne est de 182 habitants au kilomètre carré, et les densités provinciales montrent de fortes variations, moins de 80 habitants au kilomètre carré dans les secteurs montagneux (34 hab. au km2 en Val d’Aoste) contre 2 354 habitants au kilomètre carré dans la province de Naples. En dix ans, les régions ayant connu les plus forts accroissements de population résidente sont celles qui possèdent les villes les plus importantes ; Latium, grâce à Rome ; Piémont et Lombardie, grâce aux centres industriels de Turin et Milan. Depuis une trentaine d’années, on note ainsi un glissement vers les grandes villes (les villes « millionnaires » principalement) et un allégement démographique des campagnes, sensible à la fois dans le Nord et le Mezzogiorno.

La vigueur du développement urbain est, en effet, un trait essentiel. Il existe en Italie quelque 8 000 communes (plus de 37 000 en France) avec une population moyenne de 6 300 habitants (presque cinq fois la moyenne française). Toutefois, des agglomérations de plusieurs milliers de personnes peuvent n’être que des bourgs à fonctions rurales. Si l’on suit les classifications statistiques, toujours formelles, la moitié de la population italienne vit dans des « communes rurales ». À l’intérieur de ce cadre communal, la population peut être dispersée, rassemblée dans les hameaux ou concentrée. Les taux les plus élevés de population dispersée se trouvent dans les régions de petite propriété de Toscane, d’Ombrie, dans les collines des Marches, des Abruzzes, dans celles du Piémont et dans les secteurs de bonification récente. L’habitat en hameaux et villages est caractéristique de l’Italie du Nord et du Centre. Dans le Sud domine l’habitat groupé en gros villages.

Toutefois, c’est la vie urbaine qui frappe par son importance. Lors du recensement de 1971, 331 communes abritaient de 20 000 à 100 000 habitants, 41 comptaient de 100 000 à 500 000 personnes, et 6 villes dépassaient 500 000 habitants. Il y a plusieurs générations de villes, avec des fonctions variées, mais deux observations retiennent l’attention. De tout temps, l’Italie a connu un vif développement urbain avec un centre historique tassé, souvent ceinturé de murailles et qui conserve une superposition de fonctions lui donnant une grande animation. Le retard de l’Unité et de l’industrialisation a permis le maintien de grosses villes équilibrées les unes par rapport aux autres, s’appuyant sur un semis de villes moyennes qui conservent leur originalité. Les vastes conurbations comme celles de Grande-Bretagne ou d’Allemagne fédérale sont absentes (sauf dans le cas milanais), et la domination d’une seule métropole comme Paris pour la France n’existe pas. Les métropoles régionales sont très vivantes et l’Italie a, en fait, deux capitales : la capitale politique, Rome, et la capitale économique, Milan.