Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

islām (suite)

Le tombeau du Sāmānide Ismā‘īl, construit à Bukhārā (Boukhara) à la fin du ixe s. ou au début du xe avec une science extrême et un goût exquis, qui s’exprime dans le décor en vannerie, est le premier des monuments tétrapyles sous coupole, dont le type deviendra classique jusqu’au Maghreb. Un peu plus tard apparaissent des mausolées en forme de haute tour, parfois étoiles, coiffés de dômes et plus souvent d’une calotte conique abritant la coupole (Gombad-e Qābus dans le Gorgān, Iran, 1006). Antérieures aux Seldjoukides, ces tombes connaîtront avec ceux-ci un grand succès en Iran et seront importées en Anatolie (tour funéraire de Mevlānā Djalāl al-Dīn Rūmī dans le couvent des derviches tourneurs de Konya). Elles interviendront encore ultérieurement pour se combiner au plan moins original des mausolées circulaires ou polygonaux qui se développent parallèlement : au début du xve s., le haut tambour et la coupole étirée du Gur-e Mir de Samarkand en sont un net souvenir. La présence d’un miḥrāb à côté du cénotaphe, les dimensions de plus en plus grandes du mausolée en Iran (tombe de l’imām Alī al-Ridā à Mechhed), en Transoxiane (v. Ouzbékistan), en Égypte (tombeaux des califes) et sans doute le souvenir de la coutume primitive d’enterrer les princes dans les mosquées provoquent la naissance d’un type hybride, la mosquée funéraire (mosquée de Qā’it bāy au Caire, 1472). Cependant, à la même époque et plus tard, les Ottomans demeurent fidèles à la tour funéraire, qui a perdu progressivement sa hauteur, mais qui reste plus élevée que large : les mausolées turcs, traités avec soin, se groupent dans les cimetières (Muradiye de Brousse*), près des mosquées (tombeau Vert de Brousse, 1424), ou s’isolent sur les places, dans les champs.

Il en va autrement en Inde, où, plus que partout ailleurs, l’art funéraire s’épanouit librement. Après la période sayyid et lōdī, où l’on ne construit guère que des tombeaux (beaux monuments en grès ceints de portiques), le règne de Chīr Chāh et ceux des Grands Moghols voient la construction de véritables palais des morts, immenses bâtiments sis au milieu d’un bassin (tombe de Chīr Chāh à Sasaram, v. 1540) ou entourés d’un vaste jardin (tombe d’Humāyūn à Delhi, v. 1564). Le Tādj Maḥall d’Āgrā* (à partir de 1631), en marbre blanc, est le plus grandiose d’entre eux et, du même coup, un des plus beaux monuments du monde. Dans les provinces, des écoles souvent indépendantes sacrifient de la même façon au culte des morts : le Gol Gunbadh de Bijāpur (v. 1657), d’harmonieuses proportions, dresse dans le ciel le plus grand dôme jamais construit.


Madrasa

À l’époque seldjoukide apparaît en Iran oriental un nouveau type monumental, la madrasa, ou université religieuse. L’antique iwān sassanide, déjà utilisé à Sāmarrā, avait été aussi employé dans les palais des rhaznévides (Lachkari Bāzār et Rhaznī, xie-xiie s.), mais, répété quatre fois au milieu des quatre côtés de la cour, il avait donné aux édifices un plan cruciforme. Celui-ci, parfaitement adapté aux besoins de l’enseignement, passe donc du palais à la madrasa, sans autre transformation que le remplacement des portiques reliant entre eux les iwān par un ou deux étages de cellules. Des bâtiments annexes emplissent les bras de la croix. Selon ce schéma, en Iran, en Égypte, avec des modifications au Maghreb, en Turquie, la madrasa devient un monument indispensable. Généralement de grandes dimensions (madrasa de Sulṭān Ḥasan au Caire, 1356), elle peut aussi être conçue pour un professeur renommé, se faire plus petite, abandonner ses deux iwān latéraux (Ince minareli medrese de Konya, v. 1258). L habitude de prier dans les oratoires des universités et d’enseigner dans les mosquées rapproche des types monumentaux déjà apparentés et les amène parfois à se fondre en un édifice unique (mosquée-medrese de Murat Ier, Brousse, 1363).


Mosquées*

L’Occident, nous l’avons dit, va garder le plan « arabe » de la mosquée quand l’Orient l’abandonnera. Déjà, à Sāmarrā, la Malwiyya propose un nouveau type de minaret, et bientôt l’Iran s’essaie aux tours étoilées (minarets de Rhaznī, xiie s.), puis adopte le minaret cylindrique couronné d’un pavillon et vite coupé de galeries en encorbellement (minaret Kalyān à Bukhārā). Dérivé de celui de Djām, en Afghānistān (xiie s.), le Quṭb mīnār de Delhi (xiie-xiiie s.) présente une solution originale et brillante.

C’est une fois encore sous la domination seldjoukide que la mosquée subit une transformation radicale dont on ne connaît pas bien le processus. L’étude de la Grande Mosquée d’Ispahan* (xie s.) peut faire penser qu’une salle sous coupole a été insérée devant le miḥrāb, au cœur des nefs « arabes », comme un grand enclos pour le souverain (maqṣūra). Une évolution ultérieure fait apparaître les quatre iwān de la madrasa sur la cour. L’ordonnance cruciforme du ṣaḥn, la juxtaposition de l’iwān du fond, entrée du ḥarām, et de la salle sous coupole, que flanquent encore parfois des bas-côtés, le porche en iwān, sur lequel ou contre lequel se placent deux minarets jumeaux, donnent sa physionomie à la mosquée classique d’Iran (mosquée de Yezd, 1375 ; mosquée Royale à Ispahān, 1612-1630).

Celle-ci influence l’Inde sans empêcher que se fasse jour la forte personnalité indigène. La mosquée moghole se dresse sur une plate-forme entourée d’un muret clos ou ajouré ; trois portes lui donnent accès, toujours monumentales, parfois gigantesques (Buland Darwāza de Fatḥpūr-Sīkrī) ; la cour est de dimension inusitée, bien plus vaste que le ḥaram, qui, couvert par trois coupoles bulbeuses, est largement ouvert sur l’extérieur et divisé en trois nefs parallèles. Plusieurs minarets tronconiques et des tourelles prennent place aux angles et aux porches (mosquée du Vendredi de Delhi, 1644-1658).

La mosquée « arabe » conservée par les Seldjoukides d’Anatolie est tout d’abord transformée par les Ottomans, qui essaient de diminuer le nombre des nefs, de les couvrir de coupoles (Grande Mosquée de Brousse, xive-xve s.). Cet effort va dans le même sens que celui qui tend à adapter la mosquée iranienne au climat en même temps qu’au plan simple des petits sanctuaires turcs sous coupole unique (école de Brousse). Après la prise de Constantinople, l’exemple de Sainte-Sophie stimule les recherches. La grande mosquée, au haram clair et dégagé couvert par une large coupole posée sur des arcs ou sur un jeu de deux ou quatre demi-coupoles, donne la prééminence aux lignes verticales et crée un admirable effet pyramidal (mosquées Selemiye d’Edirne, Süleymaniye et Ahmediye d’Istanbul*, xvie-xviie s.).