Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

innovation (suite)

Les méthodes systématiques procèdent essentiellement par recensement et par modifications des caractéristiques d’un objet ou d’un procédé. Si l’on prend, par exemple, une série de produits a, b, c, d ayant les caractéristiques A, B, C, D, on essayera de combiner les différents produits et les différentes caractéristiques jusqu’à ce qu’un nouveau produit viable en sorte (méthode des attributs).

Une autre méthode consiste à utiliser une liste d’actions types (méthode des listes de contrôle), par exemple : rechercher d’autres usages, adapter, modifier, augmenter, diminuer, substituer, arranger, inverser, combiner, dissocier.

Les méthodes intuitives cherchent à stimuler le fonctionnement du cerveau humain en éliminant les blocages qui peuvent s’y produire. Les deux méthodes les plus connues sont celles d’A. F. Osborn, le « brainstorming », et celle de W. Gordon, la « synectique ». Ces méthodes, qui ont pour but de délier l’imagination, s’appuient sur les principes suivants :
— le processus de la découverte n’est pas en réalité le fruit du hasard ; il peut donc être reproduit volontairement ;
— ce processus est invariable, quel que soit le domaine d’application ;
— la découverte ne se fait pas au niveau conscient, mais inconscient ; il faut donc que le cerveau puisse fonctionner librement et ne pas être bridé par des critiques a priori ;
— les découvertes sont rarement le fait de spécialistes ;
— la découverte naît de la superposition de deux idées ;
— la découverte est favorisée par l’utilisation d’associations d’idées les plus fantastiques, qu’il convient donc de stimuler ;
— les idées qui viennent à l’esprit ne seront jamais rejetées avant d’avoir été analysées.

On dispose ainsi d’un ensemble de procédures qui favorisent au niveau de l’entreprise l’éclosion de l’innovation : elles risqueraient cependant de n’être pas très productives si un environnement propice au développement de l’innovation n’existait pas.


L’environnement de l’innovation

Pour que les découvertes puissent passer du stade de l’invention à celui du produit, il est nécessaire que l’information concernant les découvertes puisse circuler. Des efforts nés de l’initiative privée et de l’initiative publique ont permis la création de ce que le « Livre blanc de l’innovation » a appelé le « marché des idées ». Celui-ci comprend toute une série d’institutions qui se proposent de mettre en relation les gens qui recherchent des idées et ceux qui en ont.

Jusqu’à une période très récente, il n’existait que deux sortes d’opérateurs sur le marché des idées : les grosses entreprises (plus particulièrement celles de la chimie et de l’électronique), qui s’échangeaient et se vendaient les brevets et les licences ; les conseils en brevets d’invention, cette dernière profession étant désormais — en France — une profession réglementée depuis le décret du 29 octobre 1965. L’article premier du décret exclut, notons-le, des activités du conseiller (qui a pour mission de procéder aux formalités juridiques préalables aux dépôts des brevets), les transactions sur les brevets et licences. Depuis peu de temps, des intermédiaires privés sont apparus sur le marché. Encore peu nombreuses et de taille modeste, leurs entreprises semblent cependant appelées à se développer (il en existe une centaine aux États-Unis).

Une loi du 3 janvier 1967, suivie d’un décret d’application du 10 juillet 1968, est à la base de l’Agence nationale de valorisation de la recherche (l’A. N. V. A. R.), qui est placée sous la double tutelle du ministère de l’Éducation nationale et du ministère du Développement industriel et scientifique. L’A. N. V. A. R. a pour mission de concourir à la mise en valeur des découvertes effectuées par le secteur public et peut, de même, apporter son concours au secteur privé à condition de ne pas exploiter elle-même les brevets. Elle comprend le centre de diffusion de l’innovation, qui a pour mission de faire connaître les innovations à l’aide d’une revue, le Marché de l’innovation, un centre de documentation et un centre de renseignements technologiques qui est encore à créer.

Un exemple de complexe favorisant l’innovation : la Route 128

Le complexe dénommé « la Route 128 » est un ensemble d’entreprises tournées vers la technologie avancée, qui s’est créé dans des conditions si favorables à l’innovation qu’il en est devenu le symbole, au plan de l’innovation proprement dite et de la création d’une zone à technologie avancée. Cette réussite a d’ailleurs inspiré en France la création du Foyer d’innovation Paris-Sud, dans la région d’Évry, au sud de Paris. En effet, cette zone est un lieu où de nombreuses facultés et écoles sont déjà implantées et des projets d’aménagements importants en train de s’ébaucher.

Le complexe de la Route 128 a été dénommé ainsi car il flanque de part et d’autre la route 128 qui contourne l’agglomération de Boston. Sa réussite est due à un ensemble de facteurs et à un environnement qui ont permis la création et la croissance des firmes qui s’étaient créées dans cette zone. La Route 128 a regroupé plus de 700 laboratoires de recherche et entreprises de pointe à la périphérie de Boston.

Ces facteurs sont d’abord de nature psychologique : il existait là (et il existe encore) un « modèle » de l’entrepreneur qui prend ses risques et développe une idée qu’il a eue. Cet entrepreneur est issu souvent d’un grand laboratoire de recherche ou de l’université, qui, il faut le remarquer, ne fait pas obstacle au départ du chercheur et devient souvent alors l’un de ses principaux clients.

L’ensemble des entreprises a eu comme premier client l’État, soit pour des besoins de la Défense nationale, soit ensuite pour l’industrie aérospatiale. La création des entreprises a été rendue possible par l’existence de financements spécifiques en faveur des sociétés innovatrices et par les facilités fiscales accordées par le Code des impôts américain, prévoyant que les pertes en capital sont déductibles des revenus sous certaines conditions (tandis que les gains de capital à long terme sont imposés à 25 p. 100). Il faut aussi mettre en ligne de compte l’existence d’un marché (qualifié « over the counter ») où peuvent s’échanger les titres de sociétés qui n’ont pas encore atteint les dimensions de cotation à la Bourse officielle des valeurs.