Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

information (suite)

Les nouvelles techniques de diffusion ont présidé dès le début du xxe s. à un bouleversement à la lois quantitatif et qualitatif de l’information. Celle-ci s’est à proprement parler industrialisée. La grande presse, les magazines, la radiodiffusion et la télévision sont tous des moyens d’expression liés au phénomène d’industrialisation. On peut donc estimer très schématiquement que l’information qui fait son apparition avec le xxe s. est spécifique et radicalement originale en ce qu’elle est produite et diffusée selon une technique industrielle.

De spontanée, l’information devient ainsi proprement volontaire. En effet, dans une société dépourvue de toute technique de diffusion collective, l’information n’existe que comme phénomène spontané : elle se fait à l’occasion de rencontres plus ou moins accidentelles et constitue une espèce de sous-produit des autres échanges sociaux. De plus, cette information emprunte le canal du bouche-à-oreille, ce qui lui confère à la fois une grande précarité et une relative pauvreté. En revanche, dès lors que l’information s’industrialise, d’abord avec la grande presse, ensuite avec la radiodiffusion et la télévision et bientôt avec les câbles, les satellites et les vidéo-cassettes, elle devient progressivement une institution sociale. L’information cesse alors d’être spontanée pour exprimer une volonté collective. L’industrialisation de l’information, qui se concrétise par la mise en place des entreprises de presse, des stations de radiodiffusion ou de télévision et des sociétés productrices de films, a permis à la transmission des nouvelles de devenir une véritable institution sociale avec son organisation, son éthique et ses moyens propres en hommes et en équipements. Désormais, une part de la communication sociale est le fait d’entreprises de diffusion spécialement créées à cet effet. Le reste de la communication sociale est comblé par les relations interpersonnelles où rien, ou presque rien, ne s’interpose entre le réalisateur du message et son destinataire. Ce serait en effet une erreur de croire que l’information industrialisée a chassé complètement la rumeur et l’information spontanée des sociétés d’autrefois. En réalité, les conversations subsistent dans les sociétés les plus urbanisées et les plus industrialisées. L’observation empirique montre même que c’est dans les relations de face à face que les opinions individuelles se forgent, plutôt qu’à l’occasion des actions de persuasion dont peuvent être suspectées la grande presse ou les autres techniques de diffusion collective. L’information moderne est donc faite de cette coexistence, souvent heureuse, mais jamais définitive, entre une communication sociale spontanée, mais limitée, et une information volontaire, produite et diffusée selon une technique proprement industrielle.


L’information et l’observation sociales

Doter la société des moyens de se révéler à elle-même, c’est lui proposer les moyens de vouloir et non vouloir pour elle. L’information industrialisée, c’est aussi cet instrument miraculeux qui, comme la langue d’Ésope, peut véhiculer à la fois le pire et le meilleur. Jamais en tout cas les sociétés n’ont disposé de techniques aussi raffinées pour se connaître elles-mêmes. Elles ont mis en place des « observatoires sociaux », capables de rendre compte des données non seulement économiques, mais également sociales et culturelles de la société : ces institutions, dont la première en date en France fut la comptabilité* nationale, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ont aujourd’hui une double vocation. Elles permettent non seulement une connaissance plus large des faits sociaux les plus importants, mais elles attirent également l’attention de tous sur certains éléments de la réalité sociale avant que ceux-ci n’aient pris une pente d’évolution irréversible.

Les possibilités nouvelles de l’informatique promettent pour un avenir relativement proche le développement de cette espèce particulière d’information. Assurément, la mise en place de ces divers « tableaux de bord » peut rendre plus clairs les choix relatifs au destin collectif et moins incertaines ou plus efficaces les solutions pour les atteindre.

Cette observation sociale, que l’ordinateur symbolise aujourd’hui dans l’esprit du public, nourrit des attitudes parfaitement contradictoires. La première de ces attitudes consiste à bannir les nouvelles technologies de l’information et de la documentation sociales et à défendre pied à pied les libertés publiques auxquelles les machines et ceux qui les maîtrisent sont censés porter atteinte. La seconde attitude n’est pas moins dangereuse, qui consiste à tout attendre de l’observation sociale jusqu’à souhaiter la centralisation la plus poussée de toutes les données qui peuvent être recueillies concernant les citoyens et leurs activités. Ainsi définies, ces attitudes sont assurément poussées jusqu’à la caricature : elles ne constituent pas moins les références implicites de l’opinion publique actuelle, dans toutes les sociétés dites développées. Si l’on consent à éviter ces réactions tour à tour obscurantistes et mystificatrices, il convient de circonscrire les limites de l’observation sociale et d’en envisager peut-être les principes d’application ou d’utilisation.

On peut dire que le développement probable de l’observation sociale pose aux sociétés modernes deux séries de problèmes. Il s’agit de savoir, d’une part, quelles seront les informations qui pourront être collectives et quels seront les secteurs qui, en tout état de cause, devront rester secrets ; d’autre part, il conviendra de déterminer l’identité de ceux qui, individus ou collectivités, auront accès à ces informations ou à ces observations, les collecteront, les géreront et pourront ensuite les utiliser.

Ces deux premiers problèmes ressortissent respectivement à la question du droit au respect de la vie privée et à celle du droit à l’information. Les réponses qui peuvent leur être apportées sont, à n’en pas douter, essentiellement politiques.