Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

infanterie (suite)

Survint l’invention des armes à feu, et l’infanterie de ligne retrouva du crédit non sans connaître une mue difficile. Les premières arquebuses étaient si lourdes et leur tir si lent et imprécis qu’un corps formé uniquement d’arquebusiers n’eût pas résisté à une charge vigoureuse. Il fallut donc conserver côte à côte des formations de piquiers et d’arquebusiers jusqu’au moment où l’adoption du fusil* et de la baïonnette (qui fut réalisée vers la fin du xviie s.) permit de créer des unités homogènes.

Cet événement avait été précédé en France par l’apparition des premières unités d’infanterie permanente sous le signe de bandes soldées par le roi, comme celles de Picardie (1480), de Piémont (1508). En 1569, Filippo Strozzi (1541-1582), colonel-général de l’Infanterie, réunit à La Rochefoucauld des formations de cette arme, qu’il divisa en « régiments ». Ainsi naquirent les quatre premiers, auxquels leur ancienneté valut plus tard la dénomination de quatre Vieux : Picardie, Piémont, Navarre et Champagne (ancêtres des 1er, 3e, 5e, et 7e régiments d’infanterie française), sans parler des célèbres gardes françaises (v. garde), créés en 1563 mais qui appartiendront ensuite à la maison du roi.

Sous le règne de Louis XIV, cette infanterie fut considérablement augmentée et finit par atteindre en 1789 le chiffre d’une centaine de régiments, dont 24 de recrutement étranger. Mais il existait également des formations d’infanterie légère comme les chasseurs de Fischer (1743), que l’on doit considérer comme les ancêtres des chasseurs à pied.

Au cours de la période qui s’étend de la fin du xviiie s. à la Première Guerre mondiale, la physionomie de l’infanterie ne subira pas de modification profonde. Lorsque fut adopté le célèbre principe divisionnaire, c’est-à-dire la réunion permanente de formations d’infanterie, de cavalerie et d’artillerie au sein d’une grande unité, le dosage des trois armes donna une part prépondérante à l’infanterie. La division comporta en effet quatre régiments d’infanterie groupés en deux brigades. Napoléon misera sur la rapidité des déplacements tactiques et stratégiques de son infanterie ; elle lui permit de remporter de nombreuses victoires avec les seules jambes de ses soldats.

Les campagnes d’outre-mer déterminèrent ensuite, au cours du xixe s., la réorganisation des troupes de marine, qui, augmentées d’unités d’infanterie à recrutement autochtone (tirailleurs sénégalais...), formèrent en 1900 une véritable armée coloniale. Dans le même temps, la conquête de l’Algérie avait déterminé la création, dans l’armée métropolitaine, de nouveaux corps : zouaves, Légion étrangère, tirailleurs (v. coloniales [troupes]).

L’infanterie légère avait subsisté tant en Afrique dans les bataillons de ce nom (dont les hommes furent appelés familièrement les joyeux) qu’en France avec les bataillons de chasseurs à pied ou alpins.

Alors qu’une confiance irraisonnée dans le fusil Chassepot avait conduit l’infanterie française de 1870 à se croire invincible et à rechercher une victoire défensive sur de « beaux champs de tir », celle de 1914, méconnaissant les leçons de la guerre russo-japonaise et de la guerre des Boers, fut animée d’un esprit d’offensive à outrance. Mais après la surprise des premiers engagements, les exigences de la guerre de tranchée amenèrent de profondes modifications dans les structures de l’arme. Jusqu’alors, l’uniformité de son armement (fusil) avait fait que chacun de ses éléments, de l’escouade au régiment, était interchangeable. Désormais, l’adoption du fusil mitrailleur, des divers types de grenades, du mortier et du canon d’infanterie ainsi que la généralisation de la mitrailleuse imposeront des spécialisations. Chacun des trois bataillons du régiment d’infanterie compta trois compagnies de fusiliers voltigeurs et une compagnie de mitrailleuses. La cellule élémentaire de la compagnie de fusiliers voltigeurs, articulée en trois ou quatre sections, devint le groupe de combat (3 par section) dont le chef dispose d’une équipe armée d’un fusil mitrailleur et de voltigeurs armés de fusils et de grenades à main. La compagnie de mitrailleuses compta, à la fin de la guerre, trois ou quatre sections de quatre mitrailleuses. Dans la période séparant les deux guerres mondiales, cette unité devint compagnie d’accompagnement en conservant ses sections de mitrailleuses mais en comptant aussi deux mortiers de 81 dont les éléments se portaient à dos d’homme et un canon de 37 mm remplacé ensuite par deux canons antichars. Enfin, on vit apparaître des sections et des compagnies de commandement réunissant à chaque échelon les moyens de transmission*, les organes d’observation et les véhicules indispensables aux divers ravitaillements.

Jusqu’en 1939, l’infanterie, tout en perfectionnant son armement, créa une infanterie de forteresse, vouée au service des ouvrages tels que ceux de la ligne Maginot, mais aussi une infanterie motorisée (c’est-à-dire transportée en camions et combattant à pied) et quelques unités de chasseurs portés sur voitures pour l’appui des chars. À l’étranger furent également expérimentées les premières unités d’infanterie parachutistes (v. aéroporté).

La Seconde Guerre mondiale sembla marquer d’abord la prépondérance de l’arme blindée et le déclin de l’infanterie. Celle-ci avait pourtant bénéficié d’un nouveau renforcement de son armement (armes antichars et antiaériennes, canons d’infanterie, etc.) et surtout de la généralisation des moyens de transmissions radiophoniques, tandis que son transport était largement assuré par moyens automobiles. Mais il apparut dès 1940 que le char avait autant besoin du fantassin que celui-ci du char, d’où la nécessité de réaliser des unités d’infanterie dotées de véhicules chenilles et légèrement blindés, susceptibles d’épouser la manœuvre très souple des unités de chars. Ce furent en Allemagne les Panzergrenadiere (grenadiers blindés), qui reçurent en France le nom d’infanterie mécanisée.

Depuis 1945, la généralisation de la menace atomique a entraîné la disparition progressive de l’infanterie motorisée. La tendance est, d’autre part, à transformer en véhicules de combat les engins de l’infanterie mécanisée.

La Seconde Guerre mondiale vit aussi le développement des unités parachutistes, qui, avec l’appoint d’unités d’artillerie et du génie, furent groupées en divisions aéroportées. Après la guerre, l’emploi généralisé des hélicoptères conférera à toutes les unités d’infanterie la même souplesse d’intervention que les formations parachutistes.