Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

industrielle (révolution) (suite)

En Angleterre, le mouvement est d’abord contrecarré par les lois et les édits gouvernementaux. Mais, au xviiie s., le pouvoir favorise au contraire le partage des communaux et la constitution de grandes fermes d’un seul tenant. À la même époque, une révolution du mode de production agricole lui-même accélère le mouvement : la suppression des jachères, le passage du système de l’assolement triennal à une alternance des cultures (luzerne, navets, plantes fourragères) introduisent l’agriculture scientifique, qui se généralise en Angleterre. Outre la réduction des nécessités en main-d’œuvre, l’augmentation de la rente foncière accélère l’expropriation des paysans pauvres : celle-ci tient à la substitution au système de bail emphytéotique (bail qui garantit aux familles paysannes l’utilisation du sol pendant un grand nombre d’années [99 ans généralement]) d’un « bail bref » de neuf ans au maximum, avec augmentation régulière de la rente. Enfin, la disparition de l’assolement triennal rend peu rentable l’exploitation de parcelles dispersées. À la fin du xviiie s., la grande masse des paysans, n’ayant plus de moyens de subsistance du fait du partage des communaux, quitte la terre pour se diriger vers les villes. En France, ce mouvement reste faible au xviie s. et au xviiie s. et ne connaîtra de développement important qu’après la Révolution de 1789.

Ainsi, on assiste en Angleterre, au xviiie s., à un double mouvement : l’un qui tend à créer dans les villes une masse de producteurs auxquels a été retiré tout contrôle de leurs moyens de production, l’autre qui tend à créer une grande masse de travailleurs chassés de la campagne, où ils ne peuvent plus subsister. C’est de la rencontre de cette nouvelle classe, qui ne peut plus vivre qu’en louant sa force de travail, et des propriétaires d’un capital important que naît la forme moderne de l’industrie : une classe propriétaire des moyens de production et une classe productrice de plus-value.


L’apparition du mode de production capitaliste : les grandes inventions en Angleterre

L’apparition de la grande production industrielle suppose l’élargissement continuel du marché, donc la baisse du prix des produits fabriqués : celle-ci n’est possible que par l’introduction du machinisme dans l’industrie. Elle commence dans le textile, continue par l’utilisation industrielle de la houille et du fer, s’accompagne de la découverte de la machine à vapeur.

Dans le textile, l’industrialisation commence au xviiie s. par l’invention, en 1733, de la navette volante de John Kay (1704-1764). Celle-ci bouleverse le rapport entre fileurs et tisseurs : il y avait auparavant besoin de quatre fileurs pour un tisseur ; l’accélération du tissage par ce procédé exige une importante augmentation du nombre des fileurs. Dès lors une modification des procédés de fabrication du fil devenait nécessaire. Entre 1764 et 1769, James Hargreaves (v. 1710-1778) met au point la machine à filer (spinning jenny), tandis que sir Richard Arkwright (1732-1792) invente le water frame (1769). Cette machine à filer, qui utilise l’énergie de l’eau, a une productivité bien supérieure à celle de la « jenny », mue à la main. Samuel Crompton (1753-1827) invente en 1779 une machine qui permet d’éviter les inconvénients de la « jenny » (fil trop faible) et ceux du « water frame » (fil solide, mais trop gros) : sa « mule » combine les avantages des deux instruments. Elle reste fondamentalement semblable aux machines les plus modernes.

Cependant, alors qu’on se servait pour filer de machines extrêmement modernes, le tissage restait effectué à la main. Edmund Cartwright (1743-1823) invente en 1785 le métier à tisser mécanique, mais cette invention reste particulièrement impopulaire jusque vers 1800 : au début du xixe s., les filatures comptaient plusieurs milliers de broches, mais seulement quelques centaines de métiers automatiques fonctionnaient dans toute l’Angleterre. L’industrie du coton se développera cependant dès lors avec une grande rapidité.

La production du fer et de l’acier en quantités industrielles était une condition du développement des autres industries. Or, la métallurgie anglaise restait stationnaire : le seul combustible connu était le charbon de bois, menacé par la disparition progressive des forêts. Le fer importé de Suède revenait fort cher, et la métallurgie anglaise s’éteignait lentement. De 1709 à 1735, les Darby, maîtres de forge, découvrent le procédé de la fonte au coke et améliorent son utilisation : on ne pouvait jusque-là utiliser la houille crue, car elle dégage des composés sulfureux qui rendent la fonte cassante. Par un procédé de cuisson de la houille, on obtint le coke, qui rendait inutile l’usage du charbon de bois.

Mais lorsqu’on put produire de la fonte en grandes quantités apparut la nécessité de trouver un procédé d’affinage plus rapide que le procédé traditionnel (par utilisation d’un creuset placé à ras de terre). Le puddlage fut inventé à la fois par Peter Onions et par Henry Cort (1740-1800) en 1783 et 1784. Ce procédé permettait de transformer la fonte en fer malléable par brassage de la masse en fusion à l’aide d’un crochet, ou ringard. S’y ajoutait l’invention par Cort du laminoir, qui remplaçait avantageusement le martelage traditionnel (il permettait de produire 15 t dans le temps nécessaire autrefois pour produire 1 t de fer).

Vers 1750, Huntsman découvre un procédé de fabrication de l’acier fondu, en mélangeant à la fonte de petites quantités de charbon de bois et de verre pilé. De nouveaux centres métallurgiques se formèrent dans le Yorkshire, autour de Sheffield, en basse Écosse, dans le pays de Galles... Entre 1776 et 1779, John Wilkinson (1728-1808) fait construire par l’usine des Darby le premier pont en fer, sur la Severn. Commence dès lors l’utilisation générale du fer dans la construction des bateaux, des tuyaux, etc., toujours à l’initiative de Wilkinson.