Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Indochine (guerres d’) (suite)

Sur deux points les accords se révélèrent d’exécution plus aisée ; les derniers soldats américains quittèrent le Viêt-nam du Sud le 29 mars 1973, tandis que les formations de l’U. S. Air Force basées en Thaïlande restaient capables d’intervenir en Indochine ; l’échange de prisonniers se fit sans retard excessif entre Américains et Nord-Vietnamiens mais il n’en fut pas de même entre camps vietnamiens opposés. Le 21 février un accord de cessez-le-feu était signé gour le Laos et le 15 août 1973 les États-Unis cessaient leur intervention aérienne au Cambodge. On estimait alors les pertes américaines à 56 000 tués et 303 000 blessés ; celles du Viêt-nam atteindraient environ deux millions de personnes.

P. R.

➙ Cambodge / Hô Chi Minh / Indochine française / Laos / Viêt-nam.

 P. Jeandel, Soutane noire et béret rouge (la Pensée moderne, 1957). / J. Lacouture et P. Devillers, la Fin d’une guerre, Indochine 1954 (Éd. du Seuil, 1960) ; Viêt-Nam, de la guerre française à la guerre américaine (Éd. du Seuil, 1969). / D. Lancaster, The Emancipation of French Indochina (Londres, 1961). / L. Bodard, la Guerre d’Indochine (Gallimard, 1963-1967 ; 3 vol.). / E. O’Ballance, The Indo-China War, 1945-1954 (Londres, 1964). / P. Richard, Cinq Ans prisonnier des Viets (S. E. R. P. E., 1964). / V. N. Giap, Guerre du peuple, armée du peuple (Maspéro, 1966). / B. Fall, Les deux Viêt-Nam (Payot, 1967). / P. Rocolle, Pourquoi Dien Bien Pnu ? (Flammarion, 1968). / G. Chaffard, les Deux Guerres du Vietnam (la Table ronde, 1969). / W. Burchett, The Second Indochina War (Londres, 1970 ; trad. fr. la Seconde Guerre d’Indochine, Éd. du Seuil, 1970). / J.-J. Fonde, Traitez à tout prix. Leclerc et le Viêt-Nam (Laffont, 1970). / R. Salan, Mémoires (Presses de la Cité, 1970-71 ; 2 vol.).

Indochine française

Nom donné autrefois à la réunion des colonies ou protectorats français de la péninsule indochinoise.



Formation de l’Indochine française

La souveraineté française fut progressivement étendue à un ensemble de pays qui n’avaient jamais été unifiés et qui se trouvaient au confluent des influences indiennes et des influences chinoises. Des géographes furent ainsi conduits à nommer Indochine des territoires morcelés par le relief et partagés entre plusieurs ethnies.

Au demeurant, la formation de l’Indochine avait obéi au même cycle que la constitution de l’Algérie, de l’Afrique-Occidentale française et d’autres colonies : elle n’avait pas été le fait d’une politique persévérante et concertée, mais elle était le résultat d’initiatives successives et d’événements occasionnels.

Cependant, si l’on cherche à discerner des étapes dans l’établissement de la souveraineté française sur les pays du Mékong et du fleuve Rouge, on voit se dessiner trois phases.


L’époque des missionnaires et des commerçants

L’histoire de la colonisation a presque toujours comporté l’afflux simultané des messagers du Christ et des messagers du négoce. Les missionnaires sont apparus dans les deux deltas et en Annam, alors que le pouvoir des dynasties Nguyên et des dynasties Trinh était encore l’objet des fréquents conflits de la féodalité.

Les communautés chrétiennes du Tonkin et de l’Annam furent donc soumises alternativement à des interdictions et à des mesures de tolérance tout au long des xviie et xviiie s. Il en fut de même pour les marchands installés dans les villes, cependant que la France semblait n’accorder d’attention qu’à ses établissements de l’Inde.

La perte des Indes n’incita pas les gouvernants français à conquérir d’autres territoires ou simplement à créer des comptoirs au-delà du golfe du Bengale.

On le vit bien lorsque Mgr Pigneau de Béhaine (1741-1799) proposa une intervention dans les affaires annamites, en particulier lors de la rébellion des Tây-son (c’est-à-dire des montagnes de l’Ouest) en 1773. Ce mouvement, qui tenait de la jacquerie et du conflit féodal, aboutit à renverser les dynasties régnantes de l’ancien Annam au bout de quelques années. Toutefois, Pierre Joseph Pigneau de Béhaine, qui avait été sacré évêque d’Adran en 1770, avait épousé la cause de Nguyên Anh, l’héritier des seigneurs de Huê. Il vint dans cet esprit à Versailles en 1787 et obtint qu’en échange d’avantages commerciaux la France aiderait Nguyên Anh à reconquérir le pouvoir. Mais l’accord ne fut pas honoré, et l’évêque d’Adran dut recruter lui-même des volontaires et des aventuriers pour mener campagne contre les Tây-son. C’était en 1790-91, et la France révolutionnaire se désintéressa d’une entreprise qui aboutit en 1802 à la victoire complète de Nguyên Anh. Devenu empereur sous le nom de Gia Long (1802-1820), celui-ci régna désormais sur l’ensemble du Tonkin et de l’Annam.

Gia Long resta favorable aux influences françaises ; mais la monarchie absolue, qui s’était instaurée avec lui, pouvait ensuite céder à la xénophobie et à la persécution des missionnaires. On le vit bien au milieu du xixe s.

Quoi qu’il en soit, la jeune Église d’Indochine avait doté ce pays d’une transcription de la langue annamite en caractères alphabétiques. Alors que la pensée chinoise resterait prisonnière de la traduction rebutante par idéogrammes, les Annamites disposeraient d’un instrument moderne de diffusion.


« L’Indochine des amiraux »

On utilisa souvent cette expression pour caractériser la période de l’établissement de la souveraineté française. De fait, trois amiraux successifs furent les artisans de l’implantation française dans la péninsule.

Et pourtant le premier d’entre eux, l’amiral Rigault de Genouilly (1807-1873), avait appareillé non pas pour débarquer en Annam, mais pour intervenir en Chine. Certes, l’expédition franco-anglaise de 1857-58 était lancée pour remédier à la situation anarchique résultant du soulèvement des Touping (T’ou-p’ing) [1850-1865] et les forces navales de l’Angleterre et de la France venaient défendre les intérêts que les deux nations s’étaient fait reconnaître à partir de la guerre de l’Opium (1840-1842). Mais l’amiral Rigault de Genouilly avait également reçu la mission d’intervenir en Annam dès que les opérations contre la Chine en laisseraient le loisir.

L’empereur d’Annam Tu Duc (de 1848 à 1883) avait, en effet, manifesté son hostilité aux missions catholiques, et, d’ailleurs, le même amiral, Rigault de Genouilly, s’était déjà présenté dans la baie de Tourane (auj. Da Nang) en 1847 pour protéger des missionnaires français.