Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Indiens (suite)

Il faut encore signaler l’extrême rigueur des cérémonies indiennes, l’économie des moyens qu’elles mettent en œuvre, d’où elles tirent un redoublement de puissance pour bouleverser le spectateur. De l’inscription de signes sur une tente, de l’usage de boucliers historiés par les puissances antiques, qui règlent le cours ultérieur des choses, de l’emploi d’instruments ménagers marqués au chiffre des réalités miroitantes de la vie onirique, on voit ce qui permet de passer à l’art cérémoniel, aux peintures corporelles, à la dramaturgie sublime des fêtes indiennes. Il semble aisé d’en parler, aussi bien que de tout ce qui est indien ; mais en parler n’est possible qu’après une condamnation sans équivoque de toutes les tentatives liquidatrices ou réductrices. La danse du Soleil nous invite à nous faire Indiens. En faisant nôtres les raisons, les volontés des danseurs, il est ici possible de danser la danse du Soleil, comprenant en quoi elle importe à l’intelligence des choses du xxe s.

V. B.

 H. B. Alexander, l’Art et la philosophie des Indiens d’Amérique du Nord (Leroux, 1926) ; The World’s Rim : Great Mysteries of the North American Indians (Bison, 1935 ; trad. fr. le Cercle du monde, Gallimard, 1962). / B. Péret, Anthologie des mythes, légendes et contes populaires d’Amérique (A. Michel, 1960). / F. J. Dockstader, Indian Art in America, the Arts and Crafts of the North American Indian (New York, 1961 ; 3e éd., 1968). / C. Miles, Indian and Eskimo Artifacts of North America (Chicago, 1963). / E. Siebert, W. Forman et N. Smirnova, l’Art des Indiens d’Amérique (trad. du tchèque, Cercle d’art, 1967).


L’expression littéraire des Indiens d’Amérique latine

On pourrait distinguer dans la production littéraire en langues indigènes d’Amérique latine deux périodes : avant et après les conquêtes espagnole et portugaise. On constate cependant une continuité assez remarquable, la principale différence étant évidemment le mode de représentation : les manuscrits dessinés et peints sont complétés ou remplacés par des textes en caractères latins enseignés par les missionnaires.

Les anciens codex sont faits de matière végétale (variétés d’agaves) et se présentent généralement sous la forme de longues bandes pliées en accordéon et pouvant atteindre plus de dix mètres. On les classe selon le domaine culturel auquel ils appartiennent ou selon les thèmes traités : astronomiques, historiques, topographiques.

Les représentations imagées sont accompagnées de glyphes, encore peu identifiés en ce qui concerne le maya, mais grandement analysés dans le cas du nahuatl. Le codex Mendoza, par exemple, a été commenté et expliqué au début du xvie s. par les Indiens, et c’est une source précieuse pour l’explication des glyphes.

Le procédé fondamental est celui du rébus ou de révocation phonique. Ainsi, Itztlan, toponyme signifiant littéralement « lieu de l’obsidienne », est représenté par une lame d’obsidienne (itz-) et par des dents (tlan-, « dent »). La combinaison, une fois évoquée, est réinterprétée comme le nom de lieu, dans lequel il y a bien itz, mais le second élément est en réalité -tla, -tla-n, « lieu ».

En Amérique du Sud, les signes graphiques sur les pierres, les tissus ainsi que les quipus ou bien n’ont pas été déchiffrés ou bien sont des séquences mnémotechniques qui ne constituent pas vraiment une écriture.

La notion de « langue littéraire » pouvait, à époque ancienne, s’appliquer aux trois domaines linguistiques suivants : nahuatl, au Mexique ; maya, au Mexique et au Guatemala principalement ; quechua, au Pérou (cette langue s’étant considérablement étendue par la suite). Ce sont les trois idiomes considérés comme « classiques ». On trouve des textes en caractères latins en d’autre langues (mixtèque par exemple), et une littérature populaire a certainement existé dans la plupart des aires culturelles. C’est ainsi qu’on a recueilli dernièrement de grands textes mythiques en zone guarani, au Paraguay.

Les missionnaires ont, depuis le xvie s., traduit en langues indigènes les catéchismes, des prières et des fragments de la Bible. À l’heure actuelle, les missions protestantes développent notablement ces traductions dans un très grand nombre de langues, pour lesquelles elles représentent leur première manifestation écrite.


Le domaine nahua

Les conquérants espagnols ont trouvé au Mexique un peuple de haute civilisation, les Aztèques, qui parlaient le nahuatl. Celui-ci servit de langue générale de communication sur un vaste territoire. Une partie importante des documents anciens ont été perdus ou détruits, mais les missionnaires ont joué un grand rôle dans la conservation des traditions orales en les fixant en écriture latine, en particulier sous l’impulsion de Fr. Bernardino de Sahagún (1500-1590). Les textes transcrits sont des fragments épiques (légendes, hauts faits historiques), des poèmes lyriques ou religieux, des pièces dramatiques, des proverbes, des écrits didactiques (fables et contes éducatifs).

La langue nahuatl, dans laquelle la combinaison des éléments est très libre, se prêtait bien à une expression riche et originale : nombreuses métaphores, procédés affectifs (interjections, vocatifs), compositions lexicales innovatrices et goût pour l’archaïsme.

Parmi les quelques textes coloniaux importants, les Anales históricos de la nación mexicana (v. 1528) narrent la migration nahua vers Tenochtitlán et expriment une vision indigène de la conquête, l’Historia tolteca-chichimeca (v. 1542) contient de précieux renseignements sur l’histoire de la culture toltèque, le Codex Chimalpopoca a été rédigé par des disciples de Sahagún dans la seconde moitié du xvie s., l’Historia general de las cosas de la Nueva España, œuvre de Sahagún, est essentielle pour la connaissance ethnographique et linguistique des premiers temps de la Conquête.


Le domaine maya

On ne connaît que trois codex mayas : celui de Dresde, de 74 pages ; celui de Paris (codice Peresiano), de 22 pages (dialecte tzeltal) ; celui de Madrid (Tro-Cortesianus), qui comprend deux parties : Troano, de 70 pages, et Cortesiano, de 42 pages. Soit au total 208 pages et près de treize mètres d’étendue.