Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Inde (suite)

• Bengali. Rām Mohan Roy (1772-1833) occupe une place importante comme fondateur du Brahmo Samāj. Connaissant le sanskrit, le persan, l’arabe et l’anglais, il traduit en prose bengali les Vedānta et les Upaniṣad. Il publie des périodiques en bengali, en anglais et en persan. Son style, expressif et direct, sera un exemple pour les auteurs contemporains et postérieurs. C’est à un élève du Hindu College, K. M. Banerjī, que revient le privilège d’avoir composé la première comédie anglaise écrite par un Indien, The Persecuted. Cet auteur est aussi le premier à traiter le thème psychologique et social du conflit créé dans l’âme indienne par le contact avec le matérialisme occidental. Un nouveau magazine, Vividhārthasangraha (Collections de sujets divers), lancé par le Comité pour la littérature vernaculaire et édité par Rājendralāl Mitra, publie des œuvres d’avant-garde, telles celles de Michael Madhusūdan Datta, poète et romancier en langue anglaise et en bengali, qui hésite entre le christianisme et l’hindouisme. Devendranāth Tagore (1817-1905) continue l’œuvre de Rām Mohan Roy en mettant au service de la cause son réel talent de prosateur. Les excellentes adaptations en prose de Iśvara Candra Vidyāsāgara (1820-1891), fondées sur des textes sanskrits, dote le bengali, dès la fin du siècle, de styles différenciés aptes à traiter tous les sujets. Le roman se prête tout particulièrement à l’étude des phénomènes sociaux. Dickens, Thackeray, William Wilkie Collins, Anthony Trollope, George Eliot sont des exemples qui enseigneront aux Indiens une méthode. Ils l’appliqueront à leur propre environnement. Pearney Cand Mitra est un pionnier, bientôt suivi d’un très bon romancier, Bankim Candra Catterjī (1838-1894). Ses premières œuvres sont consacrées à des sujets historiques traités avec un romantisme un peu mélodramatique ; mais son premier roman social, l’Arbre empoisonné (1873), aborde le problème alors passionnément discuté (et encore d’actualité) du remariage des veuves, qui, d’après la coutume hindoue, n’ont pas le droit de prendre un autre époux. Candrasekhar (1875) est un premier essai de psychologie suivie d’un personnage, et Rajanī (1877) utilise la technique du récit autobiographique. On note encore dans ces romans une certaine gêne à s’adapter à la méthode occidentale. L’habitude de la littérature traditionnelle se fait clairement sentir dans le ton volontiers moralisateur, la lenteur du développement et le souci exagéré du détail. Le sentiment nationaliste y apparaît déjà.

• Hindī. Comme on l’a vu, la prose hindī avait débuté à peu près en même temps que la prose bengali ; malheureusement, son développement devait souffrir d’une situation plus compliquée. Le souci des Européens de différencier systématiquement l’hindī et l’urdū, puis la rivalité politique des deux communautés qui se mêla au problème linguistique gênèrent considérablement l’évolution harmonieuse de la langue. D’autre part, le courant de renaissance inspiré par l’éducation anglaise atteignit plus tardivement les régions de l’Ouest et rencontra une résistance accrue dans un milieu où le brahmanisme traditionnel était le plus profondément implanté. Rājā Śiva Prasād (1823-1895) de Bénarès, inspecteur des écoles, lutte contre la tendance à séparer l’hindī de l’urdū, tandis que son contemporain Rājā Lakśman Siñgh représente l’opinion contraire. En contraste avec l’ouverture socio-religieuse du Brahmo Samāj, Dayānanda Sarasvati (1824-1883) fonde l’Āryā Samāj (1875) pour un retour à l’orthodoxie védique comme fondement des idées nouvelles. Le premier auteur hindī à s’inspirer des genres modernes venus d’Europe est Bhāratendu Hariścandra (1850-1883). Puisant profondément dans la tradition de la littérature et de la langue braj, qu’il utilise encore dans ses poèmes, il invente de nouveaux mètres et de nouvelles cadences, puis s’essaie à versifier en hindī moderne. En prose, il écrit des œuvres historiques (Caritāvalī), une histoire du Cachemire et un roman, Rāmlīlā.

• Urdū. La littérature urdū reste longtemps à l’écart de l’influence occidentale. Lakhnau (Lucknow) demeure le centre de la poésie urdū et connaît un poète très apprécié des musulmans, Mirza Asadullāh Khān, surnommé Ghālib (1797-1869). Appartenant à l’aristocratie d’Āgra, celui-ci aime la vie luxueuse, mais les circonstances lui réserveront une vie difficile, surtout après la grande mutinerie de 1857. Il écrit en persan et en urdū. Sa poésie, très conventionnelle et profane, reste loin des événements qui l’entourent, à l’exception de quelques références personnelles dans ses ghazals (rhazals). Son habileté de versificateur lui assure une grande notoriété, bien que sa langue reste très loin du langage parlé contemporain. Sir Sayyid Ahmad Khān (1817-1898) fonde un collège à Aligarh et lance un hebdomadaire urdū sur le modèle du Spectator, le Tahzib-ul-aglaq. Il est l’auteur d’un livre sur les monuments historiques de Delhi (traduit en français) et d’une étude sur la mutinerie de 1857, qu’il attribue au despotisme du gouvernement anglais et à l’activité trop zélée des missionnaires. Cependant, il réalise que sa communauté a tout à gagner en s’associant à l’effort d’éducation et met son style, facile, simple et direct, proche de l’urdū parlé, au service de l’entente anglo-musulmane. Son disciple Altāf Husain Hālī (1837-1914) est plus perméable aux idées nouvelles. Sa poésie est sincère et réaliste, et il se fait l’apôtre du réalisme en poésie. Son œuvre critique est également importante.

• Māraṭhī. Au Mahārāshtra, Damodar Pandurang (1814-1879) établit la première grammaire marathe et Lakṣmaṇa Sastri Halve (1861) écrit les premiers romans en cette langue : Muktamālā, Manjughoṣa, Vasanta-Kokila. Ram Candra Bhikaji Gunjikar (né en 1871) est l’auteur d’un roman historique. Mocangarh, et Harinārāyaṇa Apte (1864-1919) d’un roman social, Madhyalisthiti.

• Gujarātī. Narmadāśankara (1833-1886) est considéré comme le fondateur du gujarātī moderne. Poète et savant, il a écrit, outre plusieurs poèmes dignes d’intérêt, une Histoire universelle.

• Assamais. En Assam, province proche du Bengale, Rajanīkānta Bardolai, influencé par Walter Scott et Bankim Candra Catterjī, publie un roman en 1895, Mirī jeune fille, qui décrit la vie dans les tribus, ainsi que quelques romans historiques.