Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Inde (suite)

L’invasion des Grecs bactriens

Profitant de la chute des Maurya, le souverain grec de la Bactriane, Démétrios, envahit l’Inde du Nord-Ouest. Son œuvre devait être poursuivie par son lieutenant Apollodote et surtout Ménandre. Ce dernier, à partir de la principauté de Taxila, parvint à contrôler la plus grande partie de l’Inde du Nord-Ouest, établissant sa capitale à Sangala (Sialkot). La conversion au bouddhisme de celui-ci, appelé Milinda dans les textes indiens, entraîna une véritable synthèse entre bouddhisme et hellénisme, qui devait être matérialisée dans l’art gréco-bouddhique du Gāndhāra*.

À leur tour, les royaumes grecs du Gāndhāra devaient être victimes de nouvelles invasions qui relèvent d’une vaste migration de peuples.

Chassés d’Asie centrale par les Chinois, les Huns* auraient, à leur tour, poussé vers l’Inde des Scythes, ou Śaka, à partir de 80-75 av. J.-C. Puis une tribu nouvelle, les Kuṣāṇa, les renversa, établissant vers le début de l’ère chrétienne sa domination sur le Pendjab et le Gāndhāra.

Sous Kaniṣka (iie s. apr. J.-C.), l’Empire kuṣāṇa s’étendit même de la mer d’Aral à l’actuel État du Mysore (Maisūr). Nous connaissons assez mal ce règne. Tout au plus sait-on que, comme sous Aśoka, le bouddhisme bénéficia d’un traitement de faveur (mais ici pour des raisons essentiellement politiques). D’autre part, l’administration et la vie culturelle y connurent un grand développement. Toutefois, la domination des Kuṣāṇa ne fut jamais que marginale. L’Inde n’était pour eux qu’une source de profits, l’Asie centrale restant leur véritable patrie.

De la fin du iie s. au début du ive, l’Inde du Nord devait connaître une nouvelle période d’anarchie politique, qui prendra fin avec la dynastie Gupta.


La dynastie Gupta (v. 320 - v. 467)

Du Pendjab au Bengale occidental devait se dérouler sous cette dynastie une véritable renaissance politique et culturelle. Cette brillante dynastie atteignit son apogée avec Samudragupta (v. 335 - v. 375) : pacifique par tempérament, celui-ci sut limiter ses ambitions territoriales. Cette mesure même explique la solidité de son empire. Ses préoccupations sociales, son caractère le rapprochaient par plus d’un point d’Aśoka. Mais, au contraire de ce dernier, il fit toujours profession de foi hindouiste, ce qui n’empêcha pas le bouddhisme et le brahmanisme de coexister on ne peut plus pacifiquement.

Véritable âge d’or de l’Inde dans les domaines littéraire, artistique et religieux, cette époque a souvent été comparée au xiie s. français. Bien que souvent moins connu, l’essor scientifique fut tout aussi extraordinaire : les mathématiques en fournissent une bonne démonstration si l’on considère que les Indiens mirent alors au point des rudiments de trigonométrie, le système de numération décimale, des équations à plusieurs inconnues. L’astronomie connut un semblable progrès : théorie de la rotation de la Terre, calcul de la durée du jour avec précision..., autant de travaux dans lesquels Āryabhaṭa et plus tard Brāhmagupta s’illustrèrent.

La médecine devait être l’une des plus éminentes contributions de l’Inde au patrimoine scientifique universel. Utilisant au départ les seules médications à base de plantes (médecine āyurveda), elle mit au point, au début de notre ère, des médications chimiques (médecine rasāyana). Les prouesses chirurgicales furent encore plus étonnantes : greffes de peau, chirurgie esthétique du nez, sutures intestinales en sont autant de témoignages. Par ailleurs, les médecins indiens furent les premiers à analyser les corrélations existant entre le physique et le psychique. Le yoga, gymnastique autant mentale que corporelle et respiratoire, créait les bases de ce que la médecine psychosomatique redécouvre aujourd’hui.

Cette belle époque culturelle ne devait toutefois pas se prolonger longtemps sur le plan de la stabilité politique. La fin du règne de Kumāragupta (414-455) connut les premières attaques des Huns Blancs, ou Huns Hephthalites. Vaincus par Skandagupta en 455, ceux-ci réussirent cependant, après la mort de ce dernier, à s’infiltrer, puis à établir leur domination dans les provinces frontières (comme les Barbares à l’intérieur du limes romain).

Parallèlement à ce phénomène, la fin du ve s. vit une nouvelle féodalisation de l’Inde : les souverains, qui, en période de force du pouvoir central, lui faisaient allégeance, eurent tendance à secouer toutes marques de vassalité et à se proclamer mahārājā. Le déclin allait être rapide.

Avant les Moghols et les Britanniques, la dernière tentative de centralisation politique devait être celle d’Harṣa (606-647), qui, simple prince de Thānesar (région de Lahore), parvint à contrôler un empire assez semblable à celui des Gupta ; il ne réussit d’ailleurs pas plus qu’eux à établir sa domination sur le Deccan et l’extrême sud de la péninsule. Śivaïte au départ, il se convertit au bouddhisme et pratiqua dès lors une politique assez semblable à celle d’Aśoka. Sa mort provoqua une nouvelle période d’instabilité politique et facilita les débuts de la conquête musulmane.

Pendant ce temps, le sud de l’Inde restait fidèle à sa vocation : n’être que peu ou pas affecté par les invasions déferlant sur l’Inde du Nord. Il faut distinguer deux domaines.

• Le Deccan. Du ier au iiie s. de notre ère, il est dominé par la dynastie des Andhra (parfois appelés Sātavāhana), qui, au iiie s., parvint à commander un territoire allant de la mer d’Oman au golfe du Bengale. Cette dynastie fut poursuivie par celle des Cālukya (Chālukya) [petits princes vassaux des Andhra], dont un représentant, Pulakeśin II (608-642), devint le plus important souverain de l’Inde du Sud, s’opposant durement à Harṣa dans ses tentatives pour s’implanter au Deccan.

La chute de cet empire entraîna au viiie s. l’avènement des Rāṣṭrakūṭa, qui régnèrent jusqu’au xe s.