Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

inadaptée (enfance) (suite)

Il paraît curieux d’en parler au niveau de l’enfance inadaptée. En réalité, l’évolution du débile moyen ou profond n’est pas obligatoirement rythmée par les caps normaux tels que puberté et majorité. La plupart des déficients mentaux arrivent à l’âge dit « adulte » sans avoir forcément terminé leur évolution intellectuelle et affective, et sans pouvoir rejoindre le circuit normal. Il leur faut un travail protégé, c’est-à-dire conforme à leurs possibilités, et un accueil particulier, adapté à leur personnalité. C’est pour eux que l’on crée des ateliers protégés, des centres d’assistance par le travail et des foyers spécialisés.


Surhandicapés et cas sociaux

Deux catégories méritent une mention particulière : les surhandicapés et les cas sociaux.

• Les surhandicapés sont les enfants qui présentent deux ou plusieurs handicaps. Le plus souvent, il s’agit de l’association de débilité mentale plus ou moins grave avec un handicap sensoriel (cécité, surdité) ou moteur (infirmité motrice cérébrale). La réadaptation de tels enfants demande des techniques très complexes et souvent encore peu connues.

La relative rareté de ces cas demande des établissements à recrutement géographique assez large, donc impliquant l’internat ; à ces institutions, on peut préférer la formation de sections spécialisées dans les établissements soignant le handicap majeur.

• Les cas sociaux regroupent les enfants dont la personnalité est peu ou pas atteinte, mais dont la situation familiale et sociale risque de mettre en danger leur équilibre affectif ; c’est le cas, en particulier, des enfants dits « en danger moral ». Il faut disposer pour eux d’un équipement à la fois souple et léger, où ils puissent trouver un soutien affectif adapté. Ce sont par exemple les internats dits « de cas sociaux », les placements familiaux spécialisés, les foyers de jeunes travailleurs, etc. Actuellement, ces infrastructures sont très largement insuffisantes, et cela est particulièrement dû aux difficultés de financement.


Organisation administrative

Nous ne ferons ici qu’en fixer quelques caractéristiques essentielles influant de manière importante sur le domaine de l’enfance inadaptée.


Au niveau national

Plusieurs ministères sont intéressés à des titres différents : le ministère de l’Éducation nationale au premier titre, puisque tout enfant a droit à l’instruction gratuite ;

• le ministère de la Santé et de la Sécurité sociale, qui organise et prend en charge tout ce qui concerne les traitements (il agit sur l’ensemble du domaine par son secrétariat à l’action sociale et à la réadaptation) ;

• le ministère de la Justice, qui s’occupe particulièrement des enfants en danger moral, des prédélinquants et des délinquants (il a souvent ses structures propres, son personnel et son financement autonomes).


Au stade régional et départemental

Il existe des structures représentant la plupart de ces ministères : direction régionale ou départementale de l’action sanitaire et sociale, organismes de sécurité sociale, inspection académique, etc.

Par ailleurs, les structures juridiques des établissements de l’enfance inadaptée sont actuellement soit publiques, directement promues par l’État, soit privées, fonctionnant habituellement sous forme d’association sans but lucratif, régies par la loi de 1901 et sous contrôle des ministères de tutelle.

Des organismes spécifiques ont été mis en place pour conseiller du point de vue technique les administrations, les associations, les personnes intervenant au niveau de l’enfance inadaptée. Ce sont au niveau régional les Centres régionaux pour l’enfance et l’adolescence inadaptées (C. R. E. A. I.), au niveau national le Centre technique national pour l’enfance et l’adolescence inadaptées (C. T. N. E. A. I).


Formation du personnel

Toute approche thérapeutique, rééducative et pédagogique de l’enfant inadapté demande un personnel très spécialisé, travaillant en équipe au niveau de la structure spécifique : psychiatres, psychologues, rééducateurs, éducateurs, assistantes sociales, pédagogues spécialisés doivent prendre en charge l’enfant et son entourage chacun dans son domaine et ensemble au niveau d’un projet rééducatif global. Ce capital humain et technique est encore très insuffisant, et un effort considérable doit être fait dans ce sens. Cette carence intervient pour beaucoup dans les difficultés de fonctionnement qui se posent actuellement à de nombreuses structures.


Critiques et perspectives d’avenir

Nous avons vu que la prise en charge spécifique de l’enfant inadapté était dans l’ensemble un fait relativement récent. L’organisation qui se met peu à peu en place est encore incomplète et insuffisante.

Il existe tout d’abord des lacunes quantitatives même dans les domaines les moins mal équipés. Quant à la déficience mentale pure, par exemple, les besoins réels ne sont satisfaits qu’à 30 ou 40 p. 100, et ce seulement pour les handicapés de moins de vingt ans.

Nous avons signalé au passage des carences très graves : insuffisance d’établissements pour les cas sociaux, absence quasi totale d’établissements pour surhandicapés, insuffisance d’ateliers et de foyers pour déficients adultes moyens et profonds (dans la région parisienne, il y a actuellement 500 à 600 places en atelier, là où il en faudrait au moins 25 000, dont une grande partie en foyers).

Il n’existe pratiquement pas d’établissements pour adolescents malades mentaux de quotient intellectuel normal. Ce ne sont là que quelques exemples des lacunes les plus criantes.

Mais, nous l’avons dit, cette carence relative en places, au sens architectural, se double d’une encore plus grande lacune en personnel spécialisé, particulièrement éducateurs et pédagogues. Ce qui aboutit au fait que non seulement les places manquent, mais qu’un grand nombre d’établissements fonctionnent mal, ne répondant pas réellement à leur vocation.