Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hus (Jan) (suite)

Son procès, ouvert le 5 juin 1415, n’est qu’une longue suite d’accusations et d’humiliations. Comme on le somme de se rétracter, il répond : « Parmi les articles que je dois abjurer, beaucoup n’ont jamais été acceptés par moi et je ne puis, sans mentir à ma conscience, me reconnaître coupable d’erreurs que je n’ai pas commises ; d’autres me paraissent vrais et je les soutiendrai tant qu’on ne m’aura pas démontré leur fausseté par l’Écriture. Je ne veux pas scandaliser le peuple que j’ai conduit dans la vérité et compromettre le salut de mon âme. » Après un mois durant lequel vexations et tortures alternent, lui laissant cependant la force d’écrire de bouleversantes lettres d’adieu, il est conduit au bûcher, le 6 juillet, et y meurt en s’écriant : « Jésus-Christ, fils du Dieu vivant, aie pitié de moi ! » Dès lors, la Bohême entière le vénère comme un martyr, la conscience populaire tchèque est marquée par lui de façon décisive, et les historiographes modernes de Hus pourront parler à son propos de la « première réforme ».


La postérité : les hussites

Dès 1415, le peuple de Bohême, galvanisé par la mort de son héros, se dresse contre Rome et contre l’empereur. Après avoir « défenestré », le 30 juillet 1419, les notables catholiques, les hussites se soulèvent ouvertement et résistent durant dix-huit ans à toutes les tentatives faites pour les écraser. En 1420, ils formulent leur programme : libre prédication de l’Évangile, communion sous les deux espèces, confiscation des biens du clergé, répression des scandales publics, tout cela dans le contexte d’une « praguerie » (révolution) sociale et nationale.

Il s’ensuivra une longue période de troubles, au cours desquels le mouvement se divisera en une aile radicale (les pauvres, fanatisés par des prédicateurs millénaristes, créateurs de structures égalitaires de vie commune, organisateurs d’une armée redoutable, qui, après avoir libéré toute la Bohême des troupes étrangères, entreprend des « chevauchées magnifiques », raids victorieux et missionnaires à travers l’Allemagne, l’Autriche et la Hongrie), et une aile modérée (les notables et riches des villes et des campagnes, qui, redoutant pour leurs privilèges les conséquences des victoires des radicaux « taborites », finissent par conclure un compromis avec Rome et par écraser, en 1434, les révolutionnaires).

Cependant que la majorité de la population tchèque abandonnera le mouvement et passera, pour une bonne part, au luthéranisme lorsqu’il se répandra en Europe, l’« Unité des frères » se crée en 1457, qui va maintenir vivant l’héritage de Hus. C’est encore lui que représente aujourd’hui l’« Église des frères tchèques », rattachée au Conseil œcuménique des Églises, remarquable par sa vigueur en face des oppressions successives auxquelles elle a dû faire face.

La faculté Comenius de Prague est le centre vivant d’une recherche théologique qui s’inscrit dans la ligne du mouvement hussite. Elle a été illustrée par de grands théologiens, à la tête desquels Josef L. Hromádka (1889-1969), qui a été un des animateurs de la résistance spirituelle œcuménique au national-socialisme, l’initiateur d’une approche chrétienne positive du socialisme marxiste et, ainsi, un des pères des théologies contemporaines de l’histoire et du politique et un des interlocuteurs éminents du dialogue entre chrétiens et marxistes entre 1958 et l’écrasement du « printemps de Prague ». C’est sur la devise de Hus : « La vérité vaincra », qu’il avait fondé la « Conférence chrétienne pour la paix », mouvement international de mobilisation des chrétiens contre la menace atomique, la guerre froide, les conflits entre les peuples et le sous-développement.

G. C.

➙ Bohême.

 P. Roubiczek et J. Kalmer, Warrior of God : the Life and Death of John Hus (Londres, 1947 ; trad. fr. Jan Hus, guerrier de Dieu, Delachaux et Niestlé, 1951). / J. Boulier, Jean Hus (Club français du livre, 1958). / J. Macek, Jan Hus (en tchèque, Prague, 1963) ; le Mouvement hussite en Bohême (Prague, 1965). / M. Spinka, John Hus’ Concept of the Church (Princeton, 1966). / J. L. Hromádka, Pourquoi je vis ! (Éd. du Cerf, 1968).

Husserl (Edmund)

Philosophe allemand (Prossnitz, Moravie, 1859 - Fribourg-en-Brisgau 1938), fondateur de la phénoménologie.



Un « fonctionnaire de l’humanité »

Fidèle à la définition qu’il donne du philosophe dans la Crise des sciences européennes, Husserl a su identifier la majeure partie de son existence aux principales étapes de sa recherche. Après des études d’astronomie, de physique et de mathématiques à Leipzig, il présente à Vienne sa thèse de doctorat Sur le calcul des variations (Beiträge zur Theorie der Variationsrechnung, 1883) et devient privatdocent à l’université de Halle. En 1891 paraît le premier volume de la série inachevée Philosophie de l’arithmétique (Philosophie der Arithmetik). Le même esprit qui préside aux Recherches logiques (Logische Untersuchungen, 1900-01 prend un tour plus définitivement husserlien dans les leçons sur la Phénoménologie de la conscience interne du temps (Vorlesungen zur Phänomenologie des inneren Zeitbewusstseins, publié en 1928) et dans le cours professé à Göttingen sur « l’Idée de la phénoménologie », que préciseront, en 1913, les Idées directrices pour une phénoménologie (Ideen zu einer reinen Phänomenologie). Nommé professeur à Fribourg-en-Brisgau (1916), il prend sa retraite en 1928. Ses conférences en Sorbonne (1929) formeront la matière des Méditations cartésiennes (Cartesianische Meditationen). En dépit de l’hostilité que lui manifeste le nazisme, Husserl tente une sorte de synthèse de sa pensée dans la Crise des sciences européennes (Die Krisis der europäischen Wissenschaften, 1936). Après sa mort, ses textes et manuscrits, recueillis par le R. P. H. L. Van Breda, seront réunis à l’université de Louvain, où ils constituent les « Archives Husserl ».


Connaissance de la vérité et vérité de la connaissance