Hus (Jan) (suite)
Son procès, ouvert le 5 juin 1415, n’est qu’une longue suite d’accusations et d’humiliations. Comme on le somme de se rétracter, il répond : « Parmi les articles que je dois abjurer, beaucoup n’ont jamais été acceptés par moi et je ne puis, sans mentir à ma conscience, me reconnaître coupable d’erreurs que je n’ai pas commises ; d’autres me paraissent vrais et je les soutiendrai tant qu’on ne m’aura pas démontré leur fausseté par l’Écriture. Je ne veux pas scandaliser le peuple que j’ai conduit dans la vérité et compromettre le salut de mon âme. » Après un mois durant lequel vexations et tortures alternent, lui laissant cependant la force d’écrire de bouleversantes lettres d’adieu, il est conduit au bûcher, le 6 juillet, et y meurt en s’écriant : « Jésus-Christ, fils du Dieu vivant, aie pitié de moi ! » Dès lors, la Bohême entière le vénère comme un martyr, la conscience populaire tchèque est marquée par lui de façon décisive, et les historiographes modernes de Hus pourront parler à son propos de la « première réforme ».
La postérité : les hussites
Dès 1415, le peuple de Bohême, galvanisé par la mort de son héros, se dresse contre Rome et contre l’empereur. Après avoir « défenestré », le 30 juillet 1419, les notables catholiques, les hussites se soulèvent ouvertement et résistent durant dix-huit ans à toutes les tentatives faites pour les écraser. En 1420, ils formulent leur programme : libre prédication de l’Évangile, communion sous les deux espèces, confiscation des biens du clergé, répression des scandales publics, tout cela dans le contexte d’une « praguerie » (révolution) sociale et nationale.
Il s’ensuivra une longue période de troubles, au cours desquels le mouvement se divisera en une aile radicale (les pauvres, fanatisés par des prédicateurs millénaristes, créateurs de structures égalitaires de vie commune, organisateurs d’une armée redoutable, qui, après avoir libéré toute la Bohême des troupes étrangères, entreprend des « chevauchées magnifiques », raids victorieux et missionnaires à travers l’Allemagne, l’Autriche et la Hongrie), et une aile modérée (les notables et riches des villes et des campagnes, qui, redoutant pour leurs privilèges les conséquences des victoires des radicaux « taborites », finissent par conclure un compromis avec Rome et par écraser, en 1434, les révolutionnaires).
Cependant que la majorité de la population tchèque abandonnera le mouvement et passera, pour une bonne part, au luthéranisme lorsqu’il se répandra en Europe, l’« Unité des frères » se crée en 1457, qui va maintenir vivant l’héritage de Hus. C’est encore lui que représente aujourd’hui l’« Église des frères tchèques », rattachée au Conseil œcuménique des Églises, remarquable par sa vigueur en face des oppressions successives auxquelles elle a dû faire face.
La faculté Comenius de Prague est le centre vivant d’une recherche théologique qui s’inscrit dans la ligne du mouvement hussite. Elle a été illustrée par de grands théologiens, à la tête desquels Josef L. Hromádka (1889-1969), qui a été un des animateurs de la résistance spirituelle œcuménique au national-socialisme, l’initiateur d’une approche chrétienne positive du socialisme marxiste et, ainsi, un des pères des théologies contemporaines de l’histoire et du politique et un des interlocuteurs éminents du dialogue entre chrétiens et marxistes entre 1958 et l’écrasement du « printemps de Prague ». C’est sur la devise de Hus : « La vérité vaincra », qu’il avait fondé la « Conférence chrétienne pour la paix », mouvement international de mobilisation des chrétiens contre la menace atomique, la guerre froide, les conflits entre les peuples et le sous-développement.
G. C.
➙ Bohême.
P. Roubiczek et J. Kalmer, Warrior of God : the Life and Death of John Hus (Londres, 1947 ; trad. fr. Jan Hus, guerrier de Dieu, Delachaux et Niestlé, 1951). / J. Boulier, Jean Hus (Club français du livre, 1958). / J. Macek, Jan Hus (en tchèque, Prague, 1963) ; le Mouvement hussite en Bohême (Prague, 1965). / M. Spinka, John Hus’ Concept of the Church (Princeton, 1966). / J. L. Hromádka, Pourquoi je vis ! (Éd. du Cerf, 1968).