Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hourrites (suite)

Sans doute, à la faveur de la grande invasion amorrite, qui fait sentir ses effets dès le xxiiie s., et de la destruction de la domination des rois d’Our (2025), les Hourrites opèrent une poussée vers l’ouest. Aux xixe-xviiie s., ils sont nombreux dans la partie occidentale de la haute Mésopotamie, aux confins de l’Anatolie et de la Syrie, et dans la Syrie septentrionale, où un certain nombre de petits États ont des rois hourrites.

À la fin du xviie s., ces royaumes se heurtent aux souverains du Hatti, alors en plein essor, mais la destruction des grands États amorrites d’Alep (v. 1600) et de Babylone (1595) par les Hittites*, qui entrent en déclin peu après, profite aux Hourrites, qui pénètrent en Susiane et en basse Mésopotamie, et qui multiplient les dynasties en Anatolie orientale et en Syrie du Nord. Ces États, qui progressent aux dépens du Hatti, exercent sur lui à partir du xve s. une profonde influence culturelle.


Empire et petits royaumes (xvie-xive s.)

Au xvie s., une population mêlée, qui parle le hourrite, mais dont les chefs ont des noms indo-aryens, se répand des Zagros à la Palestine. Un groupe qui en est issu fonde en haute Mésopotamie l’État du Mitanni*, qui impose peu à peu sa prédominance des Zagros à la vallée de l’Oronte aux royaumes hourrites ou d’autres origines ; d’autre part, il bénéficie de la solidarité hourrite, qui le lie aux petits États de l’Anatolie orientale ou du couloir syrien qui ne sont pas entrés dans cette construction politique et qui s’efforcent d’échapper aux impérialismes égyptien ou hittite.


La civilisation hourrite

Sa forme impériale — au Mitanni — échappe encore à l’archéologie, qui n’a pas retrouvé les capitales, et ses aspects locaux ne sont connus que dans des cités périphériques : Nouzi (à l’est du Tigre) et Alalah (dans l’Amq, au nord du bas Oronte). Les archives de Hattousa, capitale des Hittites, qui sont tenues jusqu’au début du xiiie s., nous en révèlent au moins autant, du fait de l’intérêt témoigné en Hatti pour la culture des voisins du Sud-Est.

Les Hourrites, peuple en continuelle expansion, qui vit toujours associé à d’autres ethnies, ont une forte capacité d’assimilation, et l’originalité de leur civilisation s’estompe vite. Nous ne savons même pas s’il existait un art hourrite, ni si on peut lui rattacher les céramiques peintes du temps (dites « hourrites », du Khābūr, de Nouzi) et la curieuse glyptique du Mitanni. La culture hourrite est avant tout une version du vieux fonds mésopotamien, dont les Hourrites ont assuré la diffusion en Anatolie et en Syrie.

Pour leurs tablettes, ces derniers emploient le cunéiforme (sauf à Ougarit, où ils utilisent parfois l’alphabet local). En dépit de la trouvaille d’un certain nombre de textes et de lexiques bilingues, les spécialistes ont du mal à traduire le hourrite, qui est une langue sui generis. Les textes religieux et les dédicaces royales — élément prédominant des documents survivants — révèlent un panthéon composite, où des divinités mésopotamiennes (Anou, Ea, Nergal, etc.) et cananéennes (‘El, ‘Anat, Reshef) se mêlent à celles des Hourrites : Teshoub (dieu de l’Orage) et son épouse Hebat, leurs fils Sharrouma, Shaoushga (déesse de l’Amour et de la Guerre), Koushouh (la Lune), Shimigi (le Soleil), qui sont les personnages de mythes intéressants, comme celui qui oppose le dieu ancien Koumarbi au dieu nouveau Teshoub.


Fin des Hourrites (xive - xiie s.)

Un peu après 1450, le Hatti passe à une nouvelle dynastie, probablement originaire du Kizzouwatna (Cilicie et Cataonie), en tout cas, comme ce pays, marquée par la culture hourrite, qui ne cessera de progresser à Hattousha jusqu’à la destruction de l’Empire hittite (v. 1191). Le Hatti, Assour et les autres voisins du Mitanni portent vers 1365 un coup terrible à cet Empire, qui se disloque, tandis que les Hittites font entrer dans leur système d’alliances les petits royaumes hourrites du nord-est de la Syrie ; les Assyriens soumettent, puis annexent définitivement (milieu du xiiie s.) le dernier fragment du Mitanni, situé dans l’ouest de la haute Mésopotamie. Déjà le royaume d’Assour a conquis les petits États hourrites qui se trouvaient à l’est du Tigre moyen, et, aux xiiie-xiie s., les Hourrites sont nombreux dans toute la société assyrienne. Mais leur langue, qui est leur principale originalité, recule, et les invasions des xiie-xie s. (Peuples de la mer, Araméens) achèvent de la faire disparaître du pays des Deux-Fleuves et du couloir syrien.

Mais, plus au nord, dans la cuvette du lac de Van, où les petits royaumes formeront au ixe s. l’Ourarthou, on continue à parler une langue parente de celle des Hourrites, tandis que, sans doute, des éléments de leur culture, mal connue, persistent chez les Néo-Hittites et les Assyriens du Ier millénaire.

G. L.

Hugo (Victor)

Écrivain français (Besançon 1802 - Paris 1885).



Écrivain

Alors que d’autres sont aussi soldats, comme Vigny, ou professeurs, comme Mallarmé, Victor Hugo est d’emblée et uniquement écrivain. Au sortir de l’enfance, il est déjà la proie d’une vocation dont il saura faire un métier. Lorsqu’il traduit Virgile, qu’il imite les tragédies de Voltaire et même lorsqu’il reproduit les situations d’un mélodrame de Loaisel de Tréogate, le Château du diable, c’est en professionnel, avec la ferveur et le sérieux d’un apprenti consciencieux, qui se mesure aux maîtres et essaie d’apprendre à leur contact les recettes d’un artisanat. La virtuosité de Hugo, sa maîtrise rythmique et même la désinvolture avec laquelle il joue avec les noms propres ou pratique la cheville sont le résultat et parfois la rançon de cette attitude.

Le métier d’écrivain peut s’apprendre parce que la profession d’écrivain existe. Face aux amateurs distingués et à ceux qui pratiquent le double registre de la littérature alimentaire et de la littérature « valorisée », Hugo croit passionnément à la dignité et à la réalité de l’état d’écrivain. Il joue un rôle important dans la création et le développement de la Société des gens de lettres, dont il fut (1840) un des premiers présidents, et lutte toute sa vie contre la censure. C’est comme écrivain qu’il se présente aux électeurs en 1848, se rangeant orgueilleusement parmi les « ouvriers de l’intelligence ». Aussi est-il dur pour les éditeurs et les directeurs de théâtre, et prodigieusement habile dans ses rapports avec tous ceux qui peuvent lui faire de la publicité. Vivant de sa plume, il gagne le pari qu’il a fait, à l’aurore de sa carrière, que la littérature peut être un métier lucratif, sans que l’écrivain soit contraint à se vendre et à multiplier les compromissions.