Houang-ho (le) (suite)
Vers la maîtrise du Huanghe
Ainsi le Huanghe, le « fléau des fils de Han », quand il ne fait pas des millions de victimes, traverse-t-il en étranger cette Chine du Nord qui n’a, jusque-là, guère pu l’utiliser pour la navigation, pour l’irrigation (à l’exception de la vallée remblayée entre Lanzhou et Baotou, où se sont développés les seuls foyers agricoles des marges arides de ce domaine : réseaux d’irrigation de la plaine de Ningxia [Ning-hia] et du Hetao [Ho-t’ao], créés il y a plus de 2 000 ans) ou pour la fixation des villes (contrairement au Yangzijiang). Aussi la maîtrise du fleuve fut-elle une des premières grandes préoccupations de la Chine populaire. Dès 1950, on a entrepris la réparation et le renforcement des digues du cours inférieur (1 800 km au total, 130 millions de mètres cubes de terrassements), l’aménagement de bassins d’amortissement des crues de part et d’autre du lac Dongping (Tong-p’ing) au Shandong et à Chang-yuan (Tch’ang-yuan) au Henan, et la construction du « canal de la Victoire du peuple » entre Zhengzhou et Xinxiang (Sin-hiang), qui dérive une partie des eaux de crue vers la Wei à 50 km au nord de la Grande Plaine et qui a permis le développement d’un vaste secteur irrigué consacré au coton. En 1955, la première Assemblée populaire nationale adoptait un « plan d’aménagement complet du fleuve Jaune ». Ce plan prévoit notamment la construction de quarante-six barrages sur le cours moyen, le boisement de plusieurs millions d’hectares dans les pays du lœss et des dizaines de milliers de micro-ouvrages pour la conservation des sols et de l’eau.
Tous ces travaux devront permettre, outre la maîtrise définitive du fleuve, son ouverture à la navigation jusqu’à Lanzhou pour des bateaux de 500 t, la production de 110 TWh (dix fois la production totale de la Chine en 1954). On prévoyait soixante-dix ans pour l’achèvement de cette entreprise, dont la première partie devait être réalisée en 1967. Un certain retard semble avoir été pris (le retrait brutal de l’aide soviétique n’y est pas étranger), mais les deux ouvrages les plus importants sont, semble-t-il, achevés. Il s’agit du barrage de Liujia (Lieou-kia), en amont de Lanzhou (retenue de 5 milliards de mètres cubes, puissance installée de 1 000 MW), et du barrage des gorges de Sanmen (San-men), sur le dernier coude du fleuve avant son débouché dans la Grande Plaine (retenue utile de 36 milliards de mètres cubes, puissance installée prévue de 12 000 MW). Le problème le plus sérieux reste posé par la turbidité du fleuve Jaune, qui menace de combler rapidement les bassins de retenue, et toute cette entreprise (une des plus gigantesques du monde par la nature des obstacles à surmonter, par la place qu’elle tient dans l’économie d’une partie vitale du pays et par la masse humaine concernée, environ 200 millions d’hommes) dépend essentiellement de la maîtrise de l’érosion dans les pays du lœss.
P. T.