Hoogh (Pieter de) (suite)
En ce siècle prospère, où le calvinisme élimine les sujets religieux, la peinture hollandaise cherche à traduire les aspirations de la bourgeoisie banquière. Si le bourgeois, le syndic ou le prince aiment à se faire représenter soit dans leur corporation, soit dans leur maison, au milieu de leur famille, c’est leur entourage, plus qu’eux-mêmes, que Pieter de Hoogh mettra en valeur. Chaque détail est soigneusement observé : le luxe des tapisseries, le mobilier cossu, l’argenterie rutilante, autant de marques destinées à souligner l’importance de la vie intime de ces personnages, leur attachement à ce qu’ils possèdent.
C’est avec une précision de géomètre que le peintre construit ses intérieurs, dont les portes s’ouvrent en enfilade et où le jeu savant des carrelages produit une perspective débouchant sur une cour ou un jardin ; mais ces portes s’ouvrent aussi sur la vie familiale : là un enfant joue, ailleurs une servante vaque à ses occupations, tandis que la maîtresse de maison fait de la tapisserie. Pourtant ce qui domine plus encore, c’est cette lumière qui pénètre par une porte ou une fenêtre pour éclairer, parfois à contre-jour, un visage, un geste, ou qui s’étale pour envelopper une scène. Le Cellier (Rijksmuseum, Amsterdam) traduit pleinement ce sens de l’espace et ce jaillissement de la lumière qui embellit le logis.
Il ne manque pas d’exemples (le crin d’un balai, la clef d’une porte) pour témoigner de la précision réaliste de Pieter de Hoogh : ainsi dans les diverses Cours de maison hollandaise (National Gallery de Londres et collections particulières). Le tableau est conçu comme si le spectateur devait connaître l’organisation de la maison jusque dans ses détails et surprendre, ainsi un moment de sa vie quotidienne. Si l’artiste a parfois représenté des personnages pittoresques (la Peseuse d’or, Berlin), il s’est le plus souvent attaché à rendre un « instant de vie » de ces logis étincelants de propreté ou de ces demeures somptueuses. Les personnages y sont certes présents, mais silencieux et contribuant pour l’essentiel à animer le sujet véritable du tableau : la demeure.
Vers 1662, on retrouve Pieter de Hoogh à Amsterdam, où il est amené à fréquenter un monde un peu différent de celui auquel il se mêlait jusque-là. Ses tableaux deviennent alors une véritable mise en scène des mondanités qui caractérisent la vie de ces milieux (les Joueurs de cartes, musée du Louvre ; le Départ pour la promenade, v. 1668, musée des Beaux-Arts, Strasbourg).
S’il est généralement éclipsé par Vermeer, Pieter de Hoogh demeure néanmoins un petit maître qui, pour avoir subi comme la plupart de ses contemporains l’empreinte de Rembrandt*, a su donner à la peinture intimiste un rang qu’elle n’avait pas jusque-là.
M. P.
A. de Rudder, Pieter de Hooch et son œuvre (Van Oest, Bruxelles, 1914). / W. R. Valentiner, Pieter de Hoogh (Berlin et Leipzig, 1929). / F. Van Thienen, Pieter de Hoogh (Amsterdam, 1945 ; 2e éd., 1950).