Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

homochromie (suite)

Fond des eaux

Les pêcheurs savent que les Poissons qui ont l’habitude de reposer sur les fonds présentent une teinte générale se rapprochant fortement de celle des fonds. Un Goujon posé sur le fond sableux d’une rivière est presque invisible, une Tanche sur un fond de vase est aussi bien dissimulée. Bon nombre de Poissons sont plus foncés dans les étangs à fond vaseux que lorsqu’ils habitent les eaux claires. Dans la mer, il en est de même, et de nombreux Poissons montrent des teintes variables suivant la couleur du fond. Les Poissons plats (Pleuronectes et Soles) sont ceux qui présentent les plus remarquables adaptations à la couleur du fond sur lequel ils reposent, mais on assiste là à une homochromie passive combinée à une homochromie active.


Homochromie variable ou changeante

Cette homochromie, dite encore « active », est l’apanage des animaux pourvus de cellules pigmentaires spéciales, les chromatophores, donc des Vertébrés inférieurs, des Mollusques Céphalopodes et des Crustacés.


Crustacés

Les changements de couleur ne peuvent se présenter que chez les espèces dont les téguments sont restés à peu près transparents : certains Amphipodes, Isopodes ou Décapodes. L’exemple le plus connu est celui d’une petite Crevette qui vit sur les côtes de l’Atlantique (Hippolyte varians), que les Anglais appellent la Crevette caméléon (Chameleon prawn) précisément à cause de son extraordinaire faculté d’adaptation à la couleur des Algues brunes, vertes, rouges ou des Zostères sur lesquelles elle se trouve. Le mécanisme de l’adaptation chromatique chez les Crustacés semble être entièrement sous le contrôle d’hormones qui déterminent un déplacement des granules pigmentaires — bruns, rouges et jaunes — dans les prolongements ramifiés des chromatophores.


Batraciens

Les changements de couleur rapides sont extrêmement fréquents chez de nombreux Anoures, particulièrement chez les Grenouilles et les Rainettes ; ils sont soumis à l’influence de nombreux facteurs externes tels que la température, l’action directe de la lumière, des troubles respiratoires ainsi que des stimuli tactiles et visuels. Les Rainettes vertes possèdent à côté de l’homochromie passive une homochromie active puisque, posées sur une branche, elles virent au brun foncé. Les pigments, contenus dans des chromatophores étoilés, sont de trois sortes (blanc opaque, jaune, brun - noir). Les mouvements d’extension ou de rétraction du pigment jaune ou brun à l’intérieur du chromatophore sont sous l’influence d’hormones. Les excitations lumineuses sont transmises au cerveau, qui agit sur les cellules à pigments par l’intermédiaire de l’hypophyse ; l’hormone du lobe intermédiaire produit l’extension, celle de la partie tubérale, la contraction. La couleur verte des Grenouilles est une couleur « physique », produite par des rayons lumineux qui ont traversé la couche externe jusqu’aux chromatophores à pigment blanc fixe, qui agissent comme des réflecteurs pour les ondes bleues et vertes.


Reptiles

Un certain nombre de Sauriens présentent des changements rapides de coloration (Agames, Iguanes, Geckos et Caméléons). Chez les Caméléons*, à l’homochromie passive s’ajoute l’homochromie active, bien connue. Les changements de coloration des Reptiles, dus à la rapidité des déplacements pigmentaires dans leurs chromatophores, sont plutôt des réactions à des stimulations externes : action de la température, de la lumière, ou à des excitations.


Poissons

Un très grand nombre de Poissons présentent des colorations variables, souvent en rapport avec la couleur du fond des eaux où ils vivent : Poissons de récifs de Coraux, Raies, petits Squales et surtout Poissons plats. Ces derniers sont devenus un exemple classique d’adaptation à la couleur du fond : non seulement leur teinte peut aller du blanc au gris blanchâtre, mais elle peut montrer des nuances bleues, vertes, jaunes, orange ou roses. De plus, par le jeu des chromatophores déterminés par les impressions visuelles, ils montrent une adaptation remarquable à l’aspect même du fond : sur du sable, leur couleur sera uniforme ; sur des graviers, elle présentera une fine granulation ; sur de gros graviers ou des petits cailloux, des taches assez grandes de couleurs différentes se rapprocheront de la teinte irrégulière du substrat (homochromie copiante).


Céphalopodes

Les Mollusques Céphalopodes montrent les plus remarquables exemples de colorations variables, tant sous l’influence d’excitations d’origines diverses que comme réponse à la coloration du milieu. Le Poulpe (ou la Seiche) se pare de la teinte du fond sur lequel il repose, mais, ce qui surprend le plus, ce sont les changements de couleur dus à une excitation comme la crainte ou la colère.

Chez les Poissons, les Reptiles, les Céphalopodes, les chromatophores sont, outre l’influence hormonale hypophysaire, gouvernés par le système nerveux, ce qui permet de comprendre plus facilement la rapidité du changement de coloration.


Homochromie passive dite « nutriciale »

Le biologiste français Cuénot a montré que certains Mollusques carnassiers du groupe des Gastropodes Nudibranches, vivant sur les Éponges ou des Ascidies colobiales (Botrylles) de couleurs vives dont ils se nourrissent, ont les mêmes couleurs non seulement dans les téguments, mais dans la masse viscérale. D’autres animaux présentent le même phénomène : un Ver plat (Planaire) placé sur un Botrylle jaune prend cette couleur en trois jours.


Animaux pélagiques

Un grand nombre d’animaux pélagiques (planctoniques ou abyssaux) sont entièrement transparents ou légèrement teintés de bleu, et par suite presque invisibles dans l’eau de mer où ils flottent. Non seulement toutes les larves et petits Crustacés qui composent le plancton sont dans ce cas, mais aussi un grand nombre d’organismes marins d’assez grande taille tels que les Méduses, les Siphonophores, les Cténophores, certains Crustacés et Tuniciers.

Il en est de même dans les eaux souterraines pour certains Crustacés aveugles (Mysidacés ou Décapodes), dont les plus anciennement connus sont Palæmonias de la Mammoth cave dans le Kentucky et Troglocaris du Karst dinarique. Leur transparence est si parfaite qu’on ne les aperçoit que par l’ombre portée sur le fond des mares par le contenu de leur tube digestif.

Il semble établi que l’homochromie sous toutes ses formes protège effectivement les animaux, mais à la condition expresse qu’ils restent rigoureusement immobiles.

R. H.

➙ Mimétisme.