Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hittites (suite)

Le Nouveau Royaume (v. 1450 - 1380)

Au xve s., le Hatti est complètement éclipsé par l’empire du Mitanni, qui exerce son influence, par l’intermédiaire de groupes indo-aryens et hourrites, sur un espace qui va du Zagros à la vallée de l’Oronte. Après 1450, le trône de Hattousa passe à une nouvelle dynastie, qui semble originaire du Kizzouwatna (Kizouvatna), un royaume qui correspond à la Cilicie orientale et à la Cataonie, et dont la population, de parler louvite (langue indo-européenne répandue dans tout le sud de l’Anatolie), a été profondément influencée par les Hourrites. Les personnes de la nouvelle lignée royale de Hattousa portent des noms hourrites, et c’est à leur avènement que les rois prennent un nom hittite traditionnel. Ils ne sont pas plus heureux d’abord que leurs prédécesseurs de la fin de l’Ancien Royaume, et, sous Toudhaliya III, le Hatti, trahi par les petits États fédérés, de toutes parts envahi par ses voisins anatoliens, semble sur le point de succomber.


L’Empire hittite (v. 1380-1191)

Le royaume est alors sauvé par un prince qui succède bientôt à son père sous le nom de Souppilouliouma Ier (v. 1380 - v. 1345). Celui-ci consacre de longues années à lutter contre les Kaska, à établir ou à rétablir la souveraineté de la monarchie hittite sur les petits États anatoliens voisins et à tenter de soumettre le grand royaume louvite de l’Arzawa (vers le sud-ouest de l’Anatolie). Mais, dans ces régions, le conquérant hittite n’obtient que des succès temporaires, car sa préoccupation essentielle reste de mettre la main sur une partie de la Syrie ; il espère ainsi participer aux échanges économiques et culturels qui font du couloir syrien le pays le plus actif et le plus riche du temps, entrer en rapports réguliers avec toutes les puissances et se faire reconnaître une place parmi les grands souverains de l’Orient. Étant parvenu à vaincre le roi de Mitanni, Toushratta, Souppilouliouma Ier commence la conquête du domaine syrien de son adversaire (au nord-est d’une diagonale qui irait d’Ougarit à Kadesh), qu’il achève après l’assassinat du souverain mitannien (v. 1360). Le Hittite installe ses fils cadets à Kargamish (Karkemish) et à Alep comme rois fédérés, avec mission de contrôler les souverains indigènes des autres États syriens qu’il a soumis et qui entrent dans le système fédéral du Hatti, ainsi que l’héritier de Toushratta, Mattiwaza ; ce dernier a dû se contenter de la partie occidentale de la haute Mésopotamie, mais, en dépit de la protection hittite, ce débris du Mitanni finira par être totalement absorbé par l’Assyrie au xiiie s.

Dans son élan conquérant, Souppilouliouma Ier avait empiété sur le domaine syrien des pharaons, alors que la crise atonienne affaiblissait l’Égypte. C’est à cette époque que la reine d’Égypte, veuve de Toutankhamon, ne voulant pas épouser un de ses « serviteurs » égyptiens, demande au souverain de Hattousa de lui envoyer un de ses fils pour mari (v. 1352) ; mais le prince hittite est assassiné avant d’atteindre son but, et les heurts entre l’Égypte et le Hatti dégénèrent en une série de guerres qui vont s’étaler sur trois quarts de siècle.

Après la mort de Souppilouliouma Ier, le fondateur de l’Empire hittite, c’est la révolte générale des États qu’il y avait incorporés ; mais son fils Moursili II (v. 1344 - v. 1310) parvient à rétablir la situation et fait même entrer l’Arzawa dans la fédération qu’il domine. Mouwatalli (v. 1310 - v. 1292), fils aîné de Moursili II, se consacre essentiellement à la lutte contre les Égyptiens, dont la force militaire se manifeste de nouveau à partir de l’avènement de la XIXe dynastie (v. 1320) ; et, en 1299, les Hittites et leurs alliés surprennent l’armée de Ramsès* II près de Kadesh : c’est un échec que le grand pharaon ne parviendra pas à réparer complètement. Mouwatalli a pour successeur un « fils de second rang », Ourhi-Teshoub, qui prend le nom de Moursili III. Mais, au bout de sept ans, le jeune souverain est détrôné et exilé par son oncle, l’ambitieux Hattousili III (v. 1285 - v. 1265), qui avait déjà été le bras droit de Mouwatalli. Le nouveau roi, inquiet de l’expansion des Assyriens, qui atteignent maintenant l’Euphrate, conclut avec Ramsès II un traité (v. 1283) sur la base du statu quo, c’est-à-dire laissant au Hittite un domaine syrien légèrement plus étendu que celui de Souppilouliouma Ier.

Cette paix sera durable, et le fils de Hattousili, Toudhaliya IV (v. 1265 - v. 1235), se préoccupera seulement des mauvais procédés de l’Assyrie et du pays d’Ahhiyawa. Ce dernier, qui est mentionné par les Hittites depuis le règne de Moursili II, doit être un royaume des Achéens* de l’Iliade, et dans son roi Attarsiya, qui, dans la seconde moitié du xiiie s., provoque des soulèvements dans la partie occidentale de l’Empire hittite, on est tenté de voir Atrée, roi de Mycènes et père d’Agamemnon. Dans la même perspective, le pays de Wilousa, allié soumis du Hatti depuis le xive s. serait celui de Troie, et la campagne menée par Toudhaliya IV en Assouwa (peut-être l’Asie, qui fut d’abord une région au nord-ouest de l’Anatolie) serait en relation avec les reliefs hittites sculptés sur les rochers du Karabel et du Sipyle dans la région de Smyrne. Toudhaliya IV, qui porte l’Empire à son maximum d’extension, soumet également le royaume d’Alashiya (Alasia), qui doit être Chypre ou une partie de cette île.

Un passage des « Annales » de Souppilouliouma Ier

Quand les Égyptiens entendirent parler de l’attaque contre Amqa (dans la Baqa’a), ils eurent peur, et comme, de plus, leur seigneur, Piphourouriya, était mort, Dahamounzou, qui était reine de l’Égypte, envoya un messager à mon père (Souppilouliouma Ier) ; elle lui a écrit ainsi : « Mon mari est mort. Je n’ai pas de fils. Quant à toi, on dit que tes fils sont nombreux ; si tu me donnes un de tes fils, il deviendra mon mari. Je ne prendrai jamais mon serviteur comme époux. J’ai peur. » Quand mon père eut entendu cela, il convoqua les Grands Hatti en conseil (en leur disant) : « Une telle affaire ne s’est pas produite de mon temps. »