Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

hermaphrodisme (suite)

D’une façon générale, le gonochorisme est la règle chez les animaux les plus élevés en organisation (Mammifères, Oiseaux, Reptiles). L’hermaphrodisme existe toutefois chez quelques Poissons (Serranidés, Sparidés, Vairon...). On le rencontre chez tous les Tuniciers, quelques Échinodermes, quelques Crustacés (Cirripèdes, Rhizocéphales, quelques Isopodes et Décapodes), quelques Mollusques Lamellibranches (groupe des Anatinacés, famille des Cyrénidés, quelques espèces d’Huîtres, de Pecten, de Cardium), des Mollusques Gastropodes (quelques Prosobranches, Crepidula, tous les Pulmonés, Opisthobranches et Ptéropodes), des Mollusques Aplacophores, les Bryozoaires, des Annélides (quelques Polychètes, les Oligochètes et les Achètes), les Myzostomes, Phoronis, Protodrilus, les Chaetognathes, quelques Némathelminthes, des Plathelminthes (Turbellariés, Trématodes, Cestodes), quelques espèces dans les divers groupes de Cœlentérés, les Cténophores, des Spongiaires.

Bref, presque tous les embranchements comptent des espèces normalement hermaphrodites, le plus souvent dans le milieu marin ou parmi les formes parasites.

À côté de cet hermaphrodisme normal, il existe aussi un hermaphrodisme accidentel chez des individus appartenant à une espèce gonochorique.


Modalités de l’hermaphrodisme normal

L’hermaphrodisme normal présente trois modalités.


Hermaphrodisme simultané

Tous les individus hermaphrodites d’une espèce émettent les deux types de gamètes à peu près en même temps, à chaque période sexuelle et durant toute leur vie. L’hermaphrodisme simultané existe chez les Tuniciers, les Mollusques euthyneures, les Oligochètes, les Hirudinées, les Trématodes.

On distingue plusieurs types d’appareils génitaux. Chez les Oligochètes, les Hirudinées, les Trématodes, chaque animal possède des gonades mâles et femelles distinctes avec des conduits génitaux également mâles et femelles. Les gonades des deux sexes se trouvent souvent dans des segments différents ou à des places différentes.

Chez d’autres hermaphrodites, l’Escargot par exemple (Mollusque Gastropode euthyneure), chaque animal possède une seule gonade, nommée ovotestis ; elle fonctionne successivement comme un testicule, puis comme un ovaire ; à la spermatogenèse succède une ovogenèse.

Au cours de leur développement, les Tuniciers présentent les deux dispositifs anatomiques. Chez l’adulte, les deux gonades sont séparées et les tractus génitaux sont également distincts. Ces deux gonades proviennent d’un ovotestis qui se développe au niveau de l’anse digestive. Puis l’ovotestis se coupe en deux parties, la portion dorsale donnera l’ovaire et la partie ventrale se transformera en testicule.

Les deux phases sexuelles, spermatogenèse et ovogenèse, ne sont pas rigoureusement synchrones. En général, la spermatogenèse précède l’ovogenèse ; l’hermaphrodisme est protandre ; plus rarement, il est protogyne (ovogenèse antérieure à la spermatogenèse). Au cours de la spermatogenèse, l’accouplement entre deux hermaphrodites se réalise ; ils échangent leurs spermatozoïdes. Ils se séparent et l’ovogenèse commence. Ils pondent des œufs qui sont fécondés par les spermatozoïdes du conjoint échangés lors de l’accouplement.

La production de gamètes mâles et femelles par le même individu n’implique pas nécessairement l’autofécondation ; souvent celle-ci est rendue impossible pour des raisons variées. Dans l’ensemble, elle est plutôt exceptionnelle ; elle se fait normalement chez les Rhabditis (Nématodes), chez des Crustacés rhizocéphales (Sacculine, Peltogaster), chez les Ténias, où deux proglottis de deux régions différentes du corps s’accouplent, l’un renfermant des ovaires et l’autre des testicules, et enfin chez quelques Mollusques (Bulinus, Limnées).


Hermaphrodisme successif

Tous les animaux d’une même espèce hermaphrodite appartiennent à un sexe différent selon l’âge ; l’animal passe d’un sexe à l’autre ; en général, il est mâle lorsqu’il est jeune et femelle lorsqu’il est plus âgé. C’est un hermaphrodisme protandrique. Par exemple, les Huîtres sont mâles et ensuite elles deviennent femelles.

Les Crustacés Isopodes, qui comptent de nombreux parasites d’autres Crustacés (Cirripèdes, Mysidacés, Amphipodes), présentent aussi des cas d’hermaphrodisme protandrique. Chez les Cymothoïdes, le mâle se transforme en femelle à l’occasion d’une mue. Chez les Épicarides, une larve dite cryptoniscienne, après s’être fixée sur son hôte définitif, se transforme parfois directement en mâle fonctionnel, qui lui-même se transformera en femelle. La phase mâle se prolonge lorsque les mâles sont associés à des femelles.

Un hermaphrodisme successif fonctionnel existe chez la Crevette Lysmata seticauda. Les gonades fonctionnent d’abord comme testicules, et les canaux déférents s’ouvrent dans le dernier segment du thorax ; puis se différencient, à l’extrémité antérieure, des ovaires fonctionnels, et des oviductes s’ouvrent sur le troisième segment du thorax.

Un cas a été particulièrement bien étudié, celui d’un Gastropode Prosobranche, Crepidula fornicata, qui fréquente les côtes atlantiques américaines. Les Crépidules se fixent sur des coquilles d’Huîtres, de Moules ou de Bivalves ; elles s’empilent les unes sur les autres en formant une sorte de spirale, les individus les plus jeunes et les plus petits étant au sommet, les plus âgés et les plus gros, à la base. L’examen des gonades révèle que les Crépidules du sommet sont des mâles et que les plus âgées, à la base, sont des femelles ; celles qui occupent une place intermédiaire possèdent des gonades mâles et femelles ; la coexistence des deux types de gonades montre qu’elles passent de l’état mâle à l’état femelle. Les jeunes Crépidules mâles du sommet fécondent les femelles âgées de la base. Si on maintient isolée une Crépidule jeune, elle devient femelle, la phase mâle est alors très courte. Si de jeunes individus sont placés expérimentalement au contact des femelles, ils demeurent plus longtemps mâles. Si plusieurs mâles sont placés les uns sur les autres, la Crépidule de la base devient rapidement mâle.

La fonction sexuelle mâle semble donc liée à un stimulus provenant tantôt de la femelle, tantôt de l’association des individus. Des facteurs épigénétiques se superposent aux facteurs génétiques dans la détermination du sexe.

La Crépidule est considérée comme un hermaphrodite équilibré, car, dans les conditions normales, le passage du sexe mâle au sexe femelle s’effectue pour tous les individus à une dimension ou à un âge déterminés.