Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Héraclides ou dynastie d’Héraclius (suite)

L’anarchie

Sa chute est suivie d’une longue période de désordres à l’intérieur — en vingt ans, six empereurs se succèdent sur le trône — et de pertes territoriales à l’extérieur : toute l’Afrique du Nord tombe aux mains des Arabes. En 705, avec le concours des Bulgares, Justinien II reprend les rênes du pouvoir, mais sa déposition et son exil Font rendu fou furieux ; il passe son second règne à assouvir sa rage de vengeance, sans se préoccuper des affaires de l’État.

En 711, un général arménien, Philippikos Bardanes, est acclamé empereur par la flotte et l’armée impériales. Justinien II est assassiné, et sa tête promenée, au bout d’une pique, dans les rues de Rome et de Ravenne. Comme la dynastie de Justinien cent ans plus tôt, celle d’Héraclius finissait dans le sang et l’anarchie.

P. G.

➙ Byzantin (Empire).

 A. Pernice, L’Imperatore Eraclio. Saggio di storia bizantina (Florence, 1905). / G. Ostrogorsky, Geschichte des byzantinischen Staates (Munich, 1940 ; 2e éd., 1952 ; trad. fr. Histoire de l’État byzantin, Payot, 1956).

héraldique

Science du blason, c’est-à-dire des règles de composition des armoiries.


Ce fut l’apanage des hérauts d’armes, dont une des fonctions était d’identifier et de désigner les chevaliers à la vue de leurs armoiries. On entend aussi par art héraldique la représentation figurée des armoiries (par opposition au blason, qui en est la seule description).

On s’est ingénié à trouver des origines lointaines à l’usage des armoiries : au vrai, le fait de décorer des boucliers est presque aussi ancien que l’usage du bouclier lui-même : boucliers décorés décrits dans Homère, boucliers peints des troupes romaines (manuscrit de la Notitia dignitatum). Le xie s. connaissait aussi le bouclier orné, mais sans que cela impliquât une identification des guerriers (tapisserie de Bayeux). Au xiie s. seulement apparaissent les véritables armoiries, permettant de distinguer les combattants. Elles se sont multipliées à l’occasion des croisades, qui en accrurent l’utilité, en diffusèrent à la fois la vogue et une partie des éléments. Les plus anciens blasons se signalèrent par leur simplicité extrême, ou par la figuration de quelque bête vaillante, lion ou aigle, ce qui donne l’occasion de faire un rapprochement a posteriori avec le totémisme. L’écu fut ainsi « armoyé » de plus en plus fréquemment, et de façon générale au xive s. La figuration étant à la fois fixe et héréditaire, le blason était devenu à la fois un équivalent graphique du nom, chose très valable en une société peu lettrée, et, en quelque mesure, une marque de noblesse. La tradition des décors de fantaisie se conserva cependant longtemps (écus ornés de pierreries, écus de tournoi).

La forme type de l’écu armorié est demeurée le plus souvent celle du bouclier en usage au début du xive s. : triangulaire et assez court. Son décor était ou peint ou fait de placages superposés. De cette technique découle une règle classique qui veut que les couleurs (gueules, sinopie, azur, sable) et les métaux (or et argent) soient alternativement superposés. Cela signifie que, sur un fond de couleur, les pièces (ou figures ou meubles) doivent être de métal, et inversement. Le signe d’identification s’est étendu logiquement à d’autres supports, soit en préservant la forme de l’écu, soit en renonçant à ce cadre ; ainsi, les mêmes symboles se reproduisaient sur les bannières et pennons, caparaçons, sur les façades des châteaux, sur les sceaux enfin. Il en est résulté notamment deux conséquences. D’une part, des ornements extérieurs à l’écu, bien que tout autant régentés par les règles héraldiques, se sont mis à proliférer : cimiers, casques, couronnes, piliers, supports, manteaux, drapeaux. D’autre part, le décor armorié constituant l’essentiel du graphisme des sceaux, les détenteurs de ceux-ci, même non nobles, en acquirent le « droit aux armes » : villes et communautés bourgeoises, corporations, haut clergé. Les figures évoluèrent en conséquence : les outils d’artisans voisinent désormais avec les épées et les léopards.

L’héraldique n’en resta pas moins science noble, la science par excellence selon certains. Codifiée à partir du temps de Philippe Auguste, elle évolua parallèlement à la conception de la chevalerie, sombrant souvent dans les mêmes excès. L’usage des armoiries devait respecter les rites de la vie chevaleresque et demeurait lié au caractère sacré de l’écu lui-même. On en peut prendre pour preuve le sort qui guettait le chevalier indigne. On attachait son écu au pilori, les officiers d’armes en enlevaient des pièces, le marquaient de taches d’infamie, « taillant d’or » la pointe dextre du chef de l’écu du fanfaron, coupant la pointe inférieure de celui qui avait tué un prisonnier, peignant un carré de gueules sur l’écu de qui avait manqué de parole.

À partir du xvie s., la signification des armoiries changea rapidement, les armes à feu rendant tout bouclier inutile. Elles furent désormais l’emblème graphique favori de la noblesse, utilisé comme décor et comme preuve d’une appartenance familiale. Elles s’encadrèrent donc plus systématiquement dans le cadre limité d’un écu, mais d’un écu de fantaisie, dessiné volontiers en ovale, ou en losange (armes des dames), ou en forme de targe tordue et roulée sur elle-même (Allemagne), ou découpé de façon baroque (Italie). Elles se placèrent sur tous les objets, comme une marque de propriété : coffrets, carrosses, boutons, et donnèrent leurs couleurs aux livrées des domestiques. Cela n’empêche pas l’héraldique de conserver ses règles précises, voire de les renforcer.

La Révolution proscrivit l’usage du blason. Napoléon lui rendit un lustre passager, en le pliant à des règles inspirées par sa propre fantaisie. Mais, surtout, le xixe s. en fit un objet de décoration en matière de figures : paysages, portées musicales, objets hétéroclites, rébus, etc. Puis, à partir du milieu du xixe s. et surtout au xxe s., l’intérêt archéologique pour l’ancienne héraldique a quelque peu limité ces errements, et donné naissance à une nouvelle science héraldique, productrice de nombreux armoriaux, et toujours l’objet de travaux d’érudition.

R. H.

 G. d’Haucourt et G. Durivault, le Blason (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1949 ; 5e éd., 1970). / T. Veyrin-Forrer, Précis d’héraldique (Larousse, 1951). / G. Saffroy, Bibliographie généalogique, héraldique et nobiliaire de la France (Saffroy, 1968).