Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Henri III (suite)

Les Guise trouvèrent un appui efficace dans le peuple parisien, très attaché au culte catholique et fanatisé par ses prédicateurs. La Ligue se réorganisa sous la haute main des Guise, devenus très puissants. Henri III crut prudent, comme il l’avait déjà fait, de s’entendre avec les ligueurs et de traiter avec eux. Devant cette attitude, les protestants reprirent les armes en 1585. Ainsi débuta le dernier et le plus acharné de ces conflits religieux.

En octobre 1587, les troupes royales, commandées par le duc de Joyeuse, furent écrasées à Coutras par le roi de Navarre. Henri III, qui voulut traiter avec les rebelles, se déconsidéra et devint de plus en plus impopulaire. Le duc de Guise ne cachait plus son ambition de monter sur le trône, et des érudits complaisants lui fabriquaient une généalogie qui le faisait descendre de Charlemagne.

La crise finit par éclater en mai 1588. Le roi avait interdit au duc de Guise de se rendre à Paris ; ce dernier ayant passé outre, il fit venir des troupes dans la capitale, ce qui provoqua la « journée des Barricades » (12 mai 1588). Le duc n’osa pas faire arrêter le roi et perdit ainsi l’occasion de s’emparer de la couronne. Humilié, Henri III s’enfuit le lendemain à Chartres, puis à Rouen. Il y signa en juillet l’édit d’Union, qui donnait satisfaction aux ligueurs, puisqu’il était destiné à empêcher tout prince protestant de lui succéder. Mais l’échec de l’expédition de Philippe II contre l’Angleterre (l’Invincible Armada) renforça la position d’Henri III qui convoqua les seconds états généraux à Blois (sept. 1588), où les ligueurs obtinrent la majorité ; effrayé, le roi fit exécuter le duc Henri de Guise par sa garde le 23 décembre 1588 ; le lendemain, le cardinal Louis de Lorraine, frère d’Henri de Guise, subissait le même sort.

En France, ces événements provoquèrent un soulèvement général contre le souverain. Paris se donna au frère des victimes, le duc de Mayenne, et la plupart des grandes villes, dont Lyon, Marseille et Toulouse, prirent parti pour la Ligue. Henri III n’eut plus d’autres ressources que de s’allier aux protestants. À l’entrevue de Plessis-lez-Tours le 30 avril 1589, il traita avec le roi de Navarre, puis tous deux vinrent mettre le siège devant la capitale. C’est là, à Saint-Cloud, que, le 1er août, un exalté, Jacques Clément, poignarda Henri III, qui mourut le lendemain après avoir désigné le roi de Navarre comme son successeur légitime.

P. P. et P. R.

➙ France / Henri IV / Religion (guerres de) / Valois.

 P. Champion, la Jeunesse de Henri III (Grasset, 1942 ; 2 vol.) ; Henri III, roi de Pologne (Grasset, 1943-1951 ; 2 vol.).

Henri IV

(Pau 1553 - Paris 1610), roi (Henri III) de Navarre (1562-1610), roi de France (1589-1610).



La formation, le roi de Navarre

Le fils d’Antoine de Bourbon, roi de Navarre, et de Jeanne d’Albret naît au château de Pau, et aussitôt la légende se penche sur son berceau. Tout le monde connaît le baptême avec l’ail et le vin de Jurançon donné par le grand-père, et pourtant nul prince ne se paya moins de rêve et n’eut mieux les pieds sur terre que le roi Henri. Ce réalisme, il le dut à son éducation, aux tribulations de toutes sortes, qui furent son lot quotidien durant près d’un demi-siècle.

Ce même grand-père voulut qu’on l’élevât « à la béarnaise et non mollement à la française » ; aussi Henri passa-t-il son enfance et sa prime jeunesse au milieu des paysans béarnais, vêtu et nourri comme eux, courant à leurs côtés et escaladant pieds nus les montagnes du pays.

Son instruction fut bien moins négligée qu’on ne l’a dit. Il traduisit en entier les Commentaires de César. Plutarque était une de ses lectures favorites. Henri y trouvait, ainsi qu’il le rapporte dans ses lettres, « des maximes excellentes pour ma conduite et pour le gouvernement des affaires ». Mais l’essentiel de sa formation provient de son expérience des hommes et des contacts directs qu’il recherchait.

Par là, Henri était au fait des besoins et des désirs des différents groupes sociaux. Roi, il conservera cette habitude ; Jean Richer nous le montre « passant le bac de Neuilly, où il y avait quantité de paysans, se fourrant aussitôt parmi eux et demandant à l’un une chose, à l’autre une autre ». Des théories de gouvernement, il n’a cure ; c’est l’empirisme qui dirige ses actes, mais un empirisme enté sur l’expérience quotidienne des réalités de son royaume.

Roi absolu, Henri IV saura user d’habileté et de souplesse dans l’exercice du pouvoir. En avril 1605, les bourgeois de Paris s’étant révoltés à propos de projets de réduction de rentes sur l’Hôtel de Ville, une sédition armée s’ensuivit. Henri IV céda et se justifia en ces termes auprès de ceux qui lui reprochaient son attitude : « L’autorité ne consiste pas toujours à pousser les choses avec la dernière hauteur ; il faut regarder le temps, les personnes et le sujet. » Il ne dédaignait pas non plus le détail des affaires, pour lequel sa mémoire excellente le favorisait.

Il était aussi rude soldat que bon stratège. Il eut comme instructeur Gaspard de Coligny et le célèbre capitaine François de La Noue (1531-1591). Son courage était légendaire ; en 1580, durant les guerres religieuses, il se couvrit de gloire au siège de Cahors, où il prit part personnellement à une terrible bataille de rues qui dura cinq jours. En 1595, au siège de La Fère, il réduisit la ville, tenue par les Espagnols, en inondant le plat pays d’alentour, et c’est par une véritable bataille navale livrée sous ces murs qu’il s’empara de cette place forte.

Très tôt, en effet, le métier militaire fut sa principale activité. Dès 1569, à l’assemblée de La Rochelle, sa mère, la reine de Navarre Jeanne d’Albret, fervente calviniste, fit de lui le chef du parti protestant. Henri participa à toutes les guerres de Religion et se distingua à la bataille d’Arnay-le-Duc en 1570. À la mort de sa mère (4 juin 1572), il régna seul en Navarre. Son mariage (août 1572) avec Marguerite de Valois (1553-1615), sœur de Charles IX, servit de gage à une de ses nombreuses paix boiteuses qui clôturaient momentanément la lutte entre les protestants et les catholiques.

Mais, quelques jours après la cérémonie, le massacre de la Saint-Barthélemy (24 août 1572) ranima le conflit religieux. Si Henri conserva la vie, il dut abjurer sa foi, se convertir au catholicisme et rester prisonnier à la cour de France. Il s’en échappa en 1576 et redevint aussitôt calviniste et chef du parti protestant.