Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hémiptères ou Hémiptéroïdes (suite)

Divers aspects de la nutrition

La plus grande partie des Hémiptères se nourrit aux dépens des plantes. Beaucoup d’espèces sont justement redoutées pour les dégâts qu’elles occasionnent dans les cultures, soit directement (prélèvement de sève, formation de galles), soit indirectement (affaiblissement de la plante qui se laisse envahir par les moisissures, transmission de virus responsables de maladies de dégénérescence).

À côté d’espèces polyphages, on en connaît bien d’autres, dont le régime alimentaire est strict et qui sont inféodés à quelques plantes déterminées, voire à une seule. Beaucoup d’Aphididés (Pucerons) sont dans ce cas ; au cours du cycle saisonnier, ils migrent souvent d’un végétal à un autre : le Puceron lanigère (Eriosoma lanigerum), d’Amérique, vit sur l’Orme et sur le Pommier ; une espèce de Phyiloxers attaque la Vigne, une autre le Chêne ; les Chermes parasitent uniquement des Conifères. Une spécificité alimentaire semblable se rencontre dans d’autres familles, révélant une sensibilité chimique dont nous connaissons encore mal les mécanismes. Les Phanérogames sont, de loin, les plantes les plus visitées : Ombellifères, Graminacées, Crucifères hébergent fréquemment des Punaises qui leur sont propres. Quelques formes vivent sur les Fougères ; les Aradidés vivent sous les écorces et se nourrissent de Champignons. Les Corixa des étangs se nourrissent d’Algues filamenteuses.

D’ordinaire, les Insectes perforent les parties les plus tendres : feuilles, jeunes rameaux, racines ou fruits ; parfois, ils traversent des écorces relativement épaisses jusqu’aux tubes libériens, où circulent de la sève élaborée. La durée du prélèvement compense le faible débit du courant alimentaire ; la sève ne paraît que partiellement assimilée par l’Insecte, du moins par les Pucerons, qui rejettent par l’anus des déjections sucrées ; certaines Fourmis, très friandes de ce miellat, viennent en solliciter l’émission par un frôlement d’antennes et pratiquent même l’élevage des Hémiptères producteurs ; on a pu évaluer à plus de 10 kg la récolte de miellat de Pucerons en une saison par une société de Fourmis rousses de moyenne importance. On imagine ainsi indirectement l’ampleur des prélèvements faits sur les plantes par les Hémiptères. Ajoutons que le dépôt de miellat sur les feuilles favorise le développement de moisissures (fumagine).

Sous l’effet des piqûres répétées, les végétaux subissent diverses déformations : les feuilles s’enroulent ou se recroquevillent ; de véritables galles apparaissent parfois (Phylloxera sur les racines de Vigne ; Schizoneura ou Tetraneura sur les feuilles d’Orme, etc.).

Quelques Hémiptères piquent les Vertébrés et se nourrissent de leur sang. L’Homme subit ainsi les attaques de la Punaise des lits (Cimex lectularius) et, en Amérique du Sud, de Rhodnius prolixus et de Triatoma ; ces derniers sont particulièrement redoutés, car ils peuvent transmettre un Trypanosome responsable de la maladie de Chagas. Les Hirondelles, les Pigeons sont piqués par divers Cimex, et les Chauves-Souris des régions tropicales hébergent des Polycténidés ectoparasites. Ces espèces hématophages se singularisent par la rapidité de leurs repas (environ trois minutes chez la Punaise des lits) par l’extensibilité de leur abdomen, qui gonfle sous l’afflux du sang, et par les jeûnes de plusieurs mois qu’elles peuvent supporter.

Presque toutes les Punaises aquatiques capturent des proies, parfois plus grandes qu’elles : les énormes Bélostomes d’Amérique attrapent têtards ou Poissons avec leurs pattes antérieures ravisseuses ; en Europe, Nèpes, Naucores font de même vis-à-vis de larves d’Insectes. Leur salive, très active, hydrolyse les tissus de la proie ; elles aspirent le résultat de cette digestion externe. Plusieurs Hétéroptères terrestres sont également prédateurs : Zicrona cœrulea s’attaque à diverses chenilles et aux larves du Doryphore ; beaucoup de Réduviidés chassent des Moucherons et des Moustiques ; Reduvius personatus peut pénétrer dans les maisons et détruire les Punaises des lits ; Ptilocerus attire les Fourmis par son odeur et les capture. On signale même des Punaises qui se déplacent sur les toiles d’Araignées sans s’y engluer et se nourrissent des proies qui viennent de s’y faire prendre.

Beaucoup d’Hémiptères abritent des Levures ou des Bactéries, soit dans des diverticules de l’intestin, soit dans des cellules spéciales (mycétocytes) liées au tissu adipeux, soit dans des organes isolés (mycétomes). Ces micro-organismes ne se rencontrent guère que chez les espèces monophages ; on suppose qu’ils produisent des vitamines ou des facteurs de croissance dont bénéficient leurs hôtes et qu’il s’agit là d’une symbiose. La transmission des Bactéries d’une génération à l’autre est assurée par des mécanismes variés : le plus souvent, l’infestation se produit dans les ovaires de la femelle, au niveau des ovocytes ; dans quelques cas, la femelle dépose sur les œufs qu’elle vient de pondre une goutte de liquide riche en Bactéries.

Thysanoptères

Les Thysanoptères (ou Thrips) sont de très petits Insectes (longueur de 1 à 3 mm) que l’on peut rapprocher des Hémiptères à cause de leur rostre muni de stylets piqueurs ; ils ont quatre ailes très étroites, mais frangées de longues soies. Ils pullulent parfois sur les plantes, dont ils perforent les feuilles et les jeunes pousses, se nourrissant du contenu des cellules superficielles ; quelques-uns causent des dommages notables aux cultures : céréales, Rosier, Poirier, plantes de serre.


Les Hémiptères dans leur milieu

Répandus sur tout le globe, les Hémiptères offrent dans les régions chaudes le maximum de variété. On les rencontre dans tous les milieux : terrestre, d’eau douce et même marin, fait unique chez les Insectes.

Les Hémiptères terrestres se trouvent en général sur les plantes, qui leur procurent leur nourriture ; en utilisant un fïlet-fauchoir pour les plantes basses ou en secouant les rameaux des arbres et des buissons sur un « parapluie japonais », l’entomologiste est assuré de faire une ample récolte d’espèces ; la capture des formes agiles nécessite l’usage du filet à papillons. Prairies, haies et bois fournissent la plus riche moisson. La répartition des espèces répond à des exigences écologiques souvent très précises : la « Punaise de feu », ou « Gendarme » (Pyrrhocoris apterus), pullule parfois au pied des arbres et des murs ; Graphosoma, Punaise rayée de noir et de rouge, affectionne les fleurs des Ombellifères ; la Cigale Lyristes plebejus fréquente les Pins ; Alphanus pini se trouve dans les régions sèches, au pied des Bruyères, alors qu’une forme voisine, Cymus grandicolor, habite les marécages. La Punaise des lits, à activité nocturne, séjourne dans les habitations mal tenues.