Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hébreux (suite)

L’arrivée des Philistins vient encore aggraver la situation. Depuis le début du xiie s., ces envahisseurs venus des côtes égéennes et crétoises se sont installés sur le littoral au sud de Jaffa. Ils occupent la plaine de la Shéfelah et la bande côtière. Fortement organisés en cinq districts, possédant une armée bien équipée, ils vont être jusqu’au temps du roi Saül les ennemis les plus dangereux d’Israël.

À cette solide organisation, les Hébreux n’opposent qu’une assez flottante confédération de douze tribus jouissant chacune d’une indépendance complète. Il n’y a pas de gouvernement central. Le seul lien qui les unit est le culte de Yahvé. L’Arche d’alliance, figuration du trône de Yahvé et signe de la présence divine, était vénérée par toutes les tribus au sanctuaire de Silo, en Palestine centrale. Tout autre lien que le lien religieux faisant défaut, seul un danger pouvait susciter une union passagère entre les tribus menacées. On voit alors apparaître des chefs temporaires qui conduisent une guerre de libération et exercent quelque temps leur autorité sur un groupe de tribus réunies sous la pression des circonstances. Les plus connus de ces chefs, appelés « juges », sont des héros locaux dont l’histoire ou la légende est rattachée à différents endroits de la Palestine. L’histoire de Gédéon se situe sur le plateau nord-palestinien, celle de Jephté en Transjordanie, celle de Samson en Palestine centrale.

Ces récits du livre des Juges se présentent comme une histoire populaire faite de récits stéréotypés, encombrée de traditions anecdotiques et légendaires, mais qui reflète la situation politique et sociale de cette époque. À titre d’exemple, signalons un trait pris dans l’histoire de Samson, en laquelle on trouve tant de traits incontestables du folklore ancien. On a longtemps daubé sur le passage connu du livre des Juges (xv, 15 à 17) dans lequel Samson tue mille Philistins avec une mâchoire d’âne. Passons sur le mille, qui a une valeur de symbole, mais relevons le fait suivant. On a retrouvé en Mésopotamie des faucilles faites en éléments de silex enchâssés sur une monture de bitume ou parfois sur une mâchoire d’animal. « C’est ainsi que l’on doit se représenter vraisemblablement la mâchoire d’âne avec laquelle Samson fait un carnage de Philistins » (André Parrot, Assur, 1961).

À la fin de la période des Juges, le danger philistin se fait plus pressant. Les fouilles de Silo montrent que, vers le milieu du xie s., cette ville a subi une destruction qui confirme la relation de la défaite d’Israël au chapitre iv du premier livre de Samuel. C’était sous la judicature du prêtre Héli vers 1050. L’Arche d’alliance, palladium des Israélites, tombe aux mains de l’ennemi, qui prend le contrôle d’une partie du territoire d’Israël et interdit aux vaincus de fabriquer des armes. Devant l’ampleur du désastre, Samuel tente, sans grand succès, d’organiser une résistance nationale. C’est la fin de l’institution des Juges.


La monarchie unitaire (v. 1030 - 931)
Le siècle d’or d’Israël

Sous la pression d’un péril qui tend à devenir chronique, l’unité nationale s’achève. Les tribus prennent conscience de la nécessité d’un chef permanent qui aura pour mission de conduire la guerre de libération. Mais la transition ne se fait pas sans heurts.


Saül et l’échec (v. 1030 - v. 1010)

Le premier roi, Saül, est au début un chef local qui, avec une petite troupe, conduit des opérations de plus ou moins grande envergure. Ses premiers succès lui assurent une autorité plus grande sur l’ensemble des tribus. Il réside à Gibéa, à 6 km au nord de Jérusalem. Les fouilles faites à cet endroit ont fait apparaître les restes d’une petite citadelle dont la Bible attribue la construction à Saül. En fait, on peut penser qu’elle a été construite par les Philistins et que Saül l’utilisa après la conquête de cette ville par Jonathan, son fils.

L’amélioration de la situation redonne courage aux tribus, qui entreprennent de déloger l’ennemi des postes qu’il occupe à l’intérieur du territoire d’Israël. Le nouveau roi réussit à lever une armée permanente et à grouper autour de lui quelques hommes aux qualités guerrières éprouvées. Ce cercle comprend, avec Jonathan, fils du roi, son cousin Abner, promu général des armées des tribus, et le jeune David, chef de la garde royale.

La fin de l’histoire de Saül dans la Bible est surtout l’histoire de l’accession de David au pouvoir. David est originaire de Bethléem, à 8 km au sud de Jérusalem. Les dons et l’habileté dont il fait preuve lui valent la confiance du roi. Cependant, ses nombreux succès obtenus dans la guerre contre les Philistins finissent par éveiller la jalousie de Saül et incitent David à s’enfuir dans la montagne judéenne. Il devient chef de bande, mais, pressé par les gens de Saül qui le poursuivent, il se réfugie avec ses hommes chez les Philistins, à qui il offre ses services. Ceux-ci l’emploient à protéger leurs frontières contre les incursions des nomades Amalécites.

Lorsque la guerre reprend entre Saül et les Philistins, la situation de David devient délicate. La défiance dont font montre à son égard les princes philistins le sauve du danger d’avoir à prendre part à la guerre contre ses frères de race. L’engagement entre les deux armées, israélite et philistine, a lieu dans la plaine de Jezraël (Yizre‘el), au mont Gelboé. Il se termine par un désastre. Saül, blessé par les archers, se donne la mort. Le règne du premier roi d’Israël s’achève par un accroissement de la puissance philistine dans le nord du royaume.


David, bâtisseur d’empire (v. 1010 - v. 970)

L’unité nationale, apparemment compromise par la faillite de la première tentative monarchique, se refera en deux temps.

Les tribus du sud proclament roi David, avec comme capitale Hébron. De son côté, Abner, général de l’armée d’Israël, prend le commandement des troupes qui restent après la débâcle de Gelboé. Il se réfugie en Transjordanie et, avec l’appui des tribus du Nord, fait proclamer roi Ishbaal, le seul fils survivant de Saül. Ce roi d’un territoire en partie sous la domination des Philistins ne peut avoir qu’une autorité théorique. En réalité, c’est Abner qui détient le pouvoir, et Ishbaal commet l’imprudence de se brouiller avec son puissant « maire du palais ». Assez fin pour se rendre compte que la rivalité de deux rois en Israël ne peut amener qu’à une situation sans issue. Abner engage des tractations avec David. Mais il est assassiné par Joab, général de David, qui élimine ainsi un compétiteur possible. Cet assassinat livre à lui-même Ishbaal, bientôt écarté de la scène politique par le poignard de deux de ses sujets. Rien n’empêche plus David d’accéder au pouvoir sur l’ensemble d’Israël. À qui d’ailleurs les Israélites peuvent-ils confier leur destinée, sinon au seul homme qui a déjà fait ses preuves ?

Les Philistins ne se sont guère souciés de David roi des tribus du Sud, mais, lorsqu’il devient roi du pays tout entier, ils réagissent. Prenant l’offensive dans la région de Bethléem, ils campent aux environs de Jérusalem, encore cité cananéenne. Après une longue lutte, David repousse les envahisseurs et, les poursuivant jusque dans leur pays, brise définitivement leur puissance.