Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

accélérateur de particules (suite)

Pour un électron, m0c2 est voisin de 500 000 eV, alors que, pour un proton, m0c2 est voisin de 1 GeV. Ainsi, un électron de quelques mégaélectrons-volts est-il tout à fait relativiste (x est de l’ordre de 10), alors que, pour un proton de 10 MeV, les corrections relativistes restent en général négligeables : pour ce proton, l’énergie cinétique E – m0c2 = m0c2x = 10 MeV correspond à une valeur de x voisine de 1 p. 100.

Pour accélérer une particule de charge électrique e, le principe fondamental consiste à la placer dans un champ électrique E ; cette particule est alors soumise à une force eE qui lui communique l’accélération souhaitée. Si la trajectoire de la particule est colinéaire à la direction de la force et si celle-ci est d’intensité constante, après avoir parcouru une distance L, la particule aura gagné une énergie cinétique
Ec = eE L.

Le principe d’accélération le plus simple est donc d’appliquer un champ électrique continu tout le long de la trajectoire de la particule. Cette méthode est mise en pratique dans un grand nombre d’accélérateurs, essentiellement dans le domaine des énergies assez basses.

Une autre méthode est d’induire une force électromotrice à l’aide d’une variation de flux magnétique ; plus rarement employée, elle a cependant joué un rôle important pour l’accélération d’électrons.

Les limitations de l’une et l’autre méthode dans la course vers les énergies élevées ont cependant imposé aux physiciens des solutions originales permettant de gravir par étapes l’échelle des énergies. C’est ainsi que nous rencontrerons successivement l’accélération résonnante, puis l’accélération synchrone. Les accélérateurs atteignant les plus grandes énergies sont des accélérateurs synchrones, dont le gigantisme a pu être atténué grâce à la découverte de la technique de la focalisation par alternance de gradients de champ magnétique ou électrique.


Accélération sous une différence de potentiel continue

La méthode la plus naturelle pour construire un accélérateur de particules est d’appliquer une différence de potentiel continue entre deux électrodes, reliées par un tube où l’on fait régner un vide poussé. Dans une des électrodes on procède à l’injection des particules à accélérer, dans l’autre on recueille les particules accélérées au cours de leur traversée du tube. Parmi les nombreux systèmes imaginés sur ce principe, deux ont eu un succès particulier : le multiplicateur de tension et l’accélérateur électrostatique. Leur seule limitation est la tenue des isolants sous les trop hautes tensions, qui restreint leur application à des énergies relativement basses, actuellement en dessous de 30 MeV.


Multiplicateur de tension

Le prototype en est l’accélérateur de Cockcroft* et Walton (1930-1934). Il met en œuvre un système de condensateurs qui, par des procédés de charges et de décharges successives, permettent d’obtenir des tensions de plusieurs centaines de milliers de volts à partir d’une série de différences de potentiel plus faibles. Les divers multiplicateurs de tension de Greinacher, Schenkel, Marx, Töpler, Rossing diffèrent par les méthodes utilisées pour effectuer les interconnexions. Malgré les perfectionnements qui ont pu leur être apportés, les multiplicateurs de tension ne permettent pas de dépasser la zone du mégaélectron-volt, mais restent très utilisés dans cette zone. Ils servent aussi parfois d’injecteurs pour d’autres accélérateurs.


Accélérateurs électrostatiques

Accélérateur Van de Graaff. Le besoin de particules accélérées à de fortes énergies a donné l’idée à R. J. Van de Graaff d’entreprendre en 1929-30 ses études sur le générateur à transport de charges par courroie et d’en faire un accélérateur (fig. 1). C’est en 1933 que ce type d’accélérateur fut en fait utilisé pour la première fois pour des expériences de physique nucléaire, avec des ions hydrogène de 600 keV par M. A. Tuve et alii.

Le potentiel V de l’électrode placée à la haute tension est donné par V = Q/C, où C est la capacité de cette électrode et Q la charge électrique accumulée, l’équilibre étant atteint entre le transport de charges par la courroie et les courants de fuite variés, incluant le faisceau accéléré lui-même. De nombreux progrès techniques ont été peu à peu accomplis, notamment de placer le dispositif sous une forte pression de gaz, mais aussi de perfectionner la confection du tube, ses isolants alternant avec des bagues métalliques uniformisant le champ électrique, ainsi que la multiplication des écrans concentriques entourant la machine, etc.

Dans les dernières années, le domaine des énergies obtenues a atteint et dépassé 20 MeV grâce à la confection de tubes supportant des différences de potentiel supérieures à 10 MV et au procédé de doublement de l’énergie dit « du tandem ». L’accélérateur tandem « MP » (fig. 2), dont le réservoir pressurisé est long de 27 m avec un diamètre de 8 m, accélère jusqu’à 30 μA de protons à une énergie de 15 MeV et 10 μA à l’énergie maximale de 22 MeV.

Les ions négatifs produits en A (fig. 2) par une source d’ions au potentiel zéro — ce qui est un des avantages importants du tandem permettant de changer aisément le type d’ions — sont accélérés par la haute tension positive V jusqu’au point B, où la traversée d’un écran mince de matière (gaz ou solide) « épluche » les ions par arrachage d’électrons et les transforme en ions positifs de charge Z ; ces ions positifs bénéficient alors d’une nouvelle accélération due à la haute tension positive V jusqu’à l’arrivée au point C, au potentiel zéro, où leur énergie, analysée entre C et D, est égale à
E = (1 + Z)V. Si Z = 1, E = 2V.

Une des grandes qualités des accélérateurs Van de Graaff est la précision avec laquelle l’énergie est définie et stable : 1/10 000 ; cette énergie est aisément ajustable et modifiable.


Accélération par induction magnétique : le bêtatron

La possibilité d’utiliser le champ électrique induit par une variation d’un flux magnétique en fonction du temps a été envisagée dès 1922 par J. Slepian, puis en 1927 par G. Breit et M. A. Tuve.

L’équation de base du mouvement d’un électron sur une orbite circulaire fixe dans un tel accélérateur a été établie par R. Wideröe dès 1927, mais seuls les calculs détaillés de stabilité d’orbite effectués par D. W. Kerst et R. Serber permirent, en 1940, la première mise en fonctionnement par Kerst de ce type d’accélérateur dénommé bêtatron.

L’intérêt particulier d’un champ magnétique est qu’il permet d’avoir pour les électrons des trajectoires en spirale et même circulaires. Ainsi, l’électron peut-il être accéléré tout au long d’orbites circulaires, répétées un grand nombre de fois : un grand gain d’énergie est obtenu sur des dimensions linéaires assez réduites.

La trajectoire d’un électron placé dans un champ magnétique H à symétrie cylindrique et normal au plan de cette trajectoire aura un rayon de courbure R tel que, si p est la quantité de mouvement de l’électron,

Si le flux magnétique traversant l’orbite varie en un bref instant de Δφ, la force tangentielle agissant sur l’électron, par effet d’induction, est égale à Δp :

L’accélération se produira sur une orbite circulaire inchangée, R sera une constante si

Ainsi, la variation de flux doit être le double de la valeur (πR2.ΔH) qui serait obtenue avec un champ magnétique uniforme.