Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

happening (suite)

Le happening dans les arts plastiques

Si l’on admet comme premier happening en date celui qu’organisa John Cage* en 1952 au Black Mountain College, il faut alors voir dans les happenings l’extension à d’autres sphères que la musique (et plus particulièrement le théâtre et la peinture) de la non-différenciation entre le « choisi » et l’ « accidentel », entre l’art et la vie. De même que Cage appelle de ses vœux la combinaison dans l’œuvre musicale de sons élaborés et de sons fortuits, ready made, le théâtre devra accueillir sur le même plan mots, gestes et bruits « écrits » ou « spontanés », la peinture s’ouvrant, elle aussi, simultanément et indifféremment aux objets ou formes créés par l’artiste et aux objets ou formes proposés par l’environnement quotidien ou par le hasard. Or, les happenings furent un mode d’expression tout particulièrement prisé par les peintres — y compris ceux qui s’en tinrent plus ou moins longtemps au seul happening comme substitut de la peinture : Allan Kaprow, Jean-Jacques Lebel —, et d’ailleurs l’intérêt porté par Cage à la peinture de Rauschenberg*, notamment, est chose bien connue. L’originalité de ces happenings fut de combiner des éléments théâtraux (action ou attente de l’action, gestes, paroles, événements) et musicaux aux éléments proprement formels, comme si l’ambition de la peinture, à ce moment, avait été en quelque mesure le Gesamtkunstwerk (œuvre d’art totale), rêvé par Richard Wagner et l’Art nouveau.

Si l’on se reporte à l’époque qui vit l’apparition aux États-Unis du phénomène des happenings, on constate qu’elle est marquée principalement par la vogue de l’assemblage*, ce que souligne l’emploi courant du vocable « assemblagistes » (assemblagists) pour désigner les très nombreux artistes qui y ont recours entre 1950 et 1960, en particulier sur la côte californienne (les combine paintings de Rauschenberg participant du même courant). Réaction ironique au sublime de l’expressionnisme* abstrait, l’assemblage est aussi rappel, non moins ironique, de la réalité américaine, sous la forme des rebuts industriels de toute sorte et des objets de bazar. Cette double signification se retrouve dans les happenings, que l’on est en droit de tenir pour des assemblages éphémères de gestes, de cris, de formes, de couleurs et d’objets, avec cette différence que le happening, imprégné d’humour ou manifestant quelque volonté de désacralisation, tourne presque obligatoirement à la cérémonie, au rite, au théâtre sacré. Et, plus ou moins, c’est la vie quotidienne qui tend à s’y trouver sacralisée. On peut penser également que la prise de possession de l’espace par le geste de Pollock*, sa toile posée à même le sol comme s’il ambitionnait d’étendre son emprise au territoire américain, se trouve ici transférée à l’espace urbain. C’est une portion de l’espace urbain qu’embrasse le geste de l’artiste organisateur du happening, en même temps qu’une portion du temps (on sait l’importance de la notion de temps dans l’action painting) : deux des plus importants parmi les premiers happenings, en 1959, la Rue de Claes Oldenburg et la Maison de Jim Dine, l’indiquent nettement dès leur titre.

Peut-on, à ce moment, admettre, ainsi que le voudrait Marcelin Pleynet, le happening comme « simulacre de l’événement que la peinture ne produit pas, du scandale que devrait être la peinture ? » Ce n’est possible que dans le cas d’un Kaprow ou d’un Lebel, qui ne peindront plus désormais. Au contraire, le happening a joué pour Oldenburg et Dine, par exemple, un rôle de transition et les a en somme aidés à se trouver. On dirait qu’il leur a permis de voir clair dans leurs propres intentions et que, du chaos des formes, des gestes et des sons, ils ont su très vite dégager ce qui composerait leur univers particulier (v. pop’art). Le happening serait-il donc l’école de peinture idéale ? En tout cas, s’il avait été un « simulacre » de ce que la peinture ne pouvait être, une image exhaustive et non peinte de la peinture, il se serait aisément substitué à celle-ci. Or, il n’en est rien, et, aux États-Unis du moins, la leçon du happening s’est presque tout entière transportée dans le théâtre — encore qu’on puisse voir dans le land art, entre autres (v. conceptuel [art]), une forme amoindrie du happening.

En Europe, par contre, il semble qu’il en aille autrement et que ce soient la mégalomanie (Joseph Beuys), le sadisme ou le masochisme des peintres qui continuent à perpétuer le happening, rebaptisé individuellement (« action » pour Beuys) ou collectivement (« Fluxus » pour Wolf Vostell et Ben). On serait alors tenté d’inscrire le happening européen dans le cadre de l’expressionnisme, de sa tradition véhémente et mystique. Mais à vrai dire, de ce fait, l’intérêt se transporte plutôt de l’œuvre sur l’artiste — le schéma christique fondamental de l’expressionnisme se trouvant ainsi porté au premier plan, assumé charnellement et non plus lyriquement : à ce titre, ce que l’on nomme actuellement le body art (art corporel) peut être conçu comme un choc en retour du happening, l’introversion succédant à l’extraversion, cris, gestes et formes de l’artiste se substituant aux manifestations de l’environnement urbain. Il faudrait enfin considérer la direction particulière prise par le happening au Japon avec les manifestations du groupe Gutaï* dès 1955 : mais ici, selon toute vraisemblance, nous sommes en présence du produit moderne d’une culture raffinée, décelable du jardin zen au théâtre nō.

J. P.

P. G.

 H. Marcuse, Eros and Civilization (Boston, 1955 ; trad. fr. Éros et Civilisation, Éd. de Minuit, 1963). / Le Happening, numéro spécial de Tulane Drama Review, vol. X (New Orleans, 1965). / M. Kirby, Happenings (Londres, 1965). / J.-J. Lebel, le Happening (Denoël, 1966). / G. Tarrab, le Happening, numéro spécial de la Revue d’histoire du théâtre (1968).

Harbin

En chinois Ha’erbin (Ha-eul-pin), v. de la Chine septentrionale.


Simple village de pêcheurs sur les bords du Soungari à la fin du siècle dernier, Harbin est devenue la capitale de la province du Heilongjiang (Hei-long-kiang), l’une des six plus grandes villes de la Chine (1 800 000 hab. en 1965) et un grand centre industriel moderne.