Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Händel (Georg Friedrich) (suite)

De 1706 à 1710, il sillonne le pays. À Florence, on joue à son arrivée Rodrigo, qu’il vient d’achever. À Rome, au palais du cardinal Pietro Ottoboni, il échange des idées avec A. Scarlatti, A. Corelli et B. Pasquini ; il en tire un grand profit et assimile si bien le style italien que le succès d’Agrippina, en 1709, le fait surnommer Il caro Sassone (« le cher Saxon »). Ont pu contribuer à cette ascension les oratorios Il Trionfo del Tempo et La Resurrezione, élaborés pour le cardinal Ottoboni en 1708, ainsi que sa légendaire virtuosité à l’orgue et au clavecin.

C’est à ce moment que Händel décide de choisir sa deuxième patrie : l’Angleterre. Certes, il fait un détour par son pays natal et accepte même le poste de directeur de la chapelle de la cour de Hanovre en juin 1710. En décembre, il fait un voyage à Londres, compose en quinze jours un opéra italien, Rinaldo, qui lui vaut un beau succès ; il revient à la cour de l’Électeur, y reste un an et finit par s’installer en Grande-Bretagne.

Quelle motivation profonde a pu agir pour qu’il brise le contrat (et l’on devine ce que sous-entendait ce mot à l’époque) lui permettant ce séjour, « à condition qu’il reviendrait dans un délai raisonnable » ? Peut-être a-t-il vu là un moyen de réussir une carrière d’auteur dramatique. L’orchestre de la cour de Hanovre, aussi bon soit-il, le cantonne dans la musique instrumentale ; il vient d’achever une série de duos et de concertos. Il a pu aussi être sensible à la bienveillance de la reine Anne et au fait qu’une partie des Anglais regrettent de devoir recourir aux Italiens pour combler la place vide laissée à l’opéra après la mort de Purcell (1695). Sans nier la supériorité de la langue italienne, le public, dans l’immédiat, se sent plus d’affinités avec les Germains. Hélas ! pour Händel, cet état d’esprit variera au cours des années et suivra les fluctuations politiques.

Pour l’heure, Händel s’empresse de satisfaire ses nouvelles amitiés. Après la composition du Pastor fido (1712), il obéit à Son Altesse Royale en faisant exécuter un Te Deum pour célébrer la paix d’Utrecht et une ode pour l’anniversaire de la reine Anne, qui lui offre 200 livres de rente. Il vit confortablement chez lord Burlington, côtoyant là les écrivains en renom Pope et Swift.

Après la mort de la duchesse Sophie et de la reine Anne, George de Hanovre est proclamé roi d’Angleterre (1714). Quelle sera la réaction de George Ier vis-à-vis de son ancien employé indélicat ? Il faut croire que le pardon accordé fut total puisqu’en 1716, un an après l’opéra Amadigi di Gaula, le roi amène son compositeur favori à Halle pour un bref séjour. Händel retrouve sa mère, découvre l’orgue tout récent de la Liebfrauenkirche, écoute de nombreuses Passions musicales. Lui-même reprend le texte d’un camarade d’université, qu’il met en musique, la Passion selon B. H. Brockes. Celle-ci est donnée en 1717 avec Mattheson à la tête de l’orchestre. Les vingt et une pièces qui composent Water Music sont essentiellement des danses qui ont été données lors d’une promenade du roi George Ier sur la Tamise cette même année.

En raison de la fermeture de l’Opéra londonien, Händel entre au service du comte de Carnarvon (qui sera appelé à devenir le duc de Chandos). Une fois de plus, notre personnage nous déroute ; il vient de quitter son pays, où sa gloire va croissante, il apprend que le théâtre lyrique de Londres a clos ses portes, il se rend compte que, pour des motifs politiques, l’Allemand n’est plus adulé, mais il préfère demeurer contre vents et marées !

Les trois années qu’il passe à Cannons, dans le Middlesex, comme maître de chapelle du duc sont presque les dernières où il vit calme et retiré ; elles n’en sont pas moins fructueuses : les douze Chandos Anthems sont des cantates religieuses pour soli, orgue, orchestre où les chœurs dominent ; la tragédie pastorale (les Anglais disent masque) de Acis and Galatea, d’après une œuvre de J. Gay, Esther oratorio qu’il remaniera, ainsi que huit suites de pièces pour le clavecin datent de cette époque.

Avec le soutien du roi et sous la pression des notables londoniens se fonde une Royal Academy of Music sous la triple direction — révélatrice de l’esprit qui anime la capitale — de Händel, de Giovanni Battista Bononcini (1670-1747) et d’Attilio Ariosti (1666 - v. 1740). Notre compositeur fait un rapide voyage en Allemagne pour trouver des chanteurs italiens. Une rencontre avec J.-S. Bach manque de se produire au cours de ce séjour.

Le 27 avril 1720, le théâtre de Haymarket présente le Radamisto que Händel dédie au roi. Jusqu’en 1728, treize autres opéras se succéderont. Mais Bononcini semble prendre le pas ; Astarto est pour lui un succès ; Muzio Scevola, dont on demande au Saxon de faire le troisième acte pour comparer son style à celui de l’Italien, confirme cet état de fait. En 1723, avec Ottone, l’équilibre paraît se rétablir entre la popularité des deux hommes, mais une lutte sans merci s’engage alors entre les chanteurs et surtout les chanteuses Francesca Cuzzoni et Faustina Bordoni, qui épousera J. A. Hasse. Ces deux femmes en viennent même aux mains lors d’une représentation en présence de la princesse de Galles. De plus, les Anglais manifestent des signes d’hostilité vis-à-vis de George Ier et, par nationalisme, à tous ceux qui viennent d’outre-Rhin. Décidant de rompre d’une manière définitive avec son pays, Händel se fait naturaliser anglais en 1726. Mais le climat passionnel a atteint une telle intensité qu’après la représentation, au théâtre de Lincoln’s Inn Fields, du Beggar’s Opera (janv. 1728), qui n’est qu’une satire de la Royal Academy, le théâtre lyrique ferme ses portes. Händel ne se décourage pas. D’ailleurs n’a-t-il pas eu le privilège d’être désigné, en 1727, pour écrire les quatre Coronation Anthems, exécutés pour le couronnement du roi George II ? Il part pour l’Italie afin de reconstituer une nouvelle troupe, qu’il espère diriger avec l’imprésario Heidegger. Le sort s’acharne de nouveau contre lui. Le 18 février 1729, il apprend à Venise que sa mère vient d’être frappée de paralysie ; il se rend précipitamment à Halle. C’est en vain que Wilhelm Friedemann Bach l’invite à venir rendre visite à son père à Leipzig.

Mais déjà notre musicien est de retour en Angleterre, où il compose les quinze sonates pour la flûte traversière, le violon ou le hautbois et basse continue (op. 1) et les célèbres concertos d’orgue, qu’il joue en intermède à ses oratorios.