Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Amérique précolombienne (suite)

Les hautes terres ne se prêtent guère à l’établissement de larges groupes humains ; aussi n’a-t-on pas retrouvé de grands centres urbains correspondant à cette période dans les Andes. Cependant, dans le Nord existent des villes ceintes de murailles, parfois des constructions de deux ou trois étages. Dans la vallée du rio Utcubamba, des momies, enfermées dans une sorte de sarcophage et surmontées d’une tête d’argile peinte en blanc, ont été nichées dans des creux de falaise presque inaccessibles. Dans le Sud, près du lac Titicaca, la culture des « chullpas » (sortes de tours funéraires en pierre, rondes ou carrées, où l’on enfermait les momies) succède à la culture de Tiahuanaco.

• L’Empire inca (1400-1533 apr. J.-C.). Jusqu’alors, la région du Cuzco, peuplée par la petite tribu des Incas, n’a que peu fait parler d’elle. Mais, en 1438, Pachacútec, après avoir vaincu la tribu voisine des Chancas, qui avait assiégé le Cuzco, entreprend la conquête systématique des régions qui l’entourent. Vingt-cinq ans après, les Incas dominent toutes les Andes du Sud et du Centre. Túpac Yupanqui atteint la région de Cajamarca, au nord, où il se heurte aux guerriers de l’État le plus puissant à l’époque, celui des Chimús. Vers 1490, les conquêtes sont terminées, et l’Empire s’étend du río Maule, au sud, à la région de Quito, au nord ; il comprend également le haut plateau bolivien et le nord-ouest de l’Argentine. Vers l’est, son expansion n’est limitée que par l’infranchissable barrière de la forêt amazonienne. À tous les petits peuples ou États qu’ils conquièrent, les Incas imposent une langue, des lois, une culture uniformes. L’Empire est encore en pleine évolution lorsque se produit la catastrophe : une lutte fratricide oppose les deux héritiers de l’Empire, Huáscar et Atahualpa, ce qui affaiblit le pays au moment même où les Espagnols débarquent. La capture, puis l’exécution, en 1533, d’Atahualpa marquent l’écroulement définitif de la puissance inca.


Les marges du Nord

Il n’y eut jamais dans cette partie de l’Amérique du Sud une unité culturelle comparable à celle qui exista dans les Andes centrales. Différents types de culture, d’organisation politique et sociale se succédèrent ou coexistèrent. Aucun d’eux ne parvint à engendrer un grand État ni à former un empire.

• L’Équateur.

Moins favorisé que le Pérou du point de vue climatique, l’Équateur n’a encore fourni de documents qu’en nombre restreint, et souvent en mauvais état de conservation. La préhistoire équatorienne est mal connue, mais elle sera peut-être à l’avenir une des plus révélatrices quant au passé culturel du continent sud-américain.

1. La période formative (3000-500 av. J.-C.). Vers 3000 av. J.-C. apparaît sur la côte, à Valdivia, une poterie rouge qui semble techniquement trop parfaite pour avoir été inventée par les pêcheurs du lieu. Des ressemblances avec la poterie jõmon du Japon font supposer un contact transpacifique. La culture de Valdivia et celle de Machalilla, qui lui fait suite, sont encore concentrées sur le bord de l’océan, principale source d’alimentation. L’introduction du maïs, venu d’Amérique centrale, inaugure, vers 1500 av. J.-C. la phase Chorrera. Les pécheurs deviennent agriculteurs. L’artisanat se développe, en particulier la poterie, d’une qualité de forme et de décor qui ne sera pas dépassée plus tard. Dans l’intérieur montagneux, ces éléments se diffusent, mais avec un considérable retard.

2. Le développement régional (500 av.-500 apr. J.-C.). Vers 500 av. J.-C., les influences combinées de l’isolement géographique, de l’expansion démographique, d’une meilleure exploitation du sol, de nouvelles connaissances donnent naissance à de multiples complexes régionaux, de niveau bien différent. Tandis que les groupes jambelis, sur la côte sud, se nourrissent encore de mollusques et de végétaux sauvages, le groupe bahia, sur la côte nord, forme une société hiérarchisée, qui construit des cités, des édifices cérémoniels ; les fameux sièges de pierre en forme d’U, reposant sur des personnages accroupis et qui ont été trouvés dans la province de Manabí, paraissent appartenir à cette période. Un fait marquant est qu’il semble exister des rapports directs entre la côte équatorienne et le Mexique : certaines figurines en terre cuite bahias ressemblent de façon frappante à des pièces d’Amérique centrale. Les connaissances des populations côtières en matière de navigation (sur des radeaux de balsa) devaient plus tard étonner les Espagnols.

3. La période d’intégration (500-1500 apr. J.-C.). Les ensembles régionaux vont maintenant se fondre partiellement, donnant naissance à des États plus étendus et plus puissants. Trois groupes se partagent la côte : les Atacames dans la province d’Esmeraldas, les Manteños et les Milagros sur la côte et dans le bassin du Guayas. Ces peuples sont surtout connus par leurs extraordinaires qualités d’orfèvres. Tandis que les Atacames excellent dans la technique du filigrane, les Milagros fabriquent des objets miniatures ainsi que d’admirables masques et pectoraux en feuilles d’or martelées ; ils savent également fondre le platine (qui ne sera travaillé en Europe qu’au xixe s.). La poterie, en revanche, est moins belle et moins variée qu’à la période précédente.

À la fin du xve s., l’inca Túpac Yupanqui étend sa domination sur les hautes terres, tandis que les tribus côtières, en état de rébellion constante, échappent à l’influence inca et conservent leur individualité. Elles la garderont jusqu’à l’arrivée des Espagnols, qui marquera, comme partout ailleurs en Amérique du Sud, la destruction des civilisations autochtones.

• La Colombie.

1. La période formative (3000 av.-500 apr. J.-C.). La poterie apparaît très tôt (vers 3000 av. J.-C.), à Puerto Hormiga, sur la côte caraïbe ; c’est, avec celle de Valdivia, la plus ancienne d’Amérique. Les hommes sont alors encore des chasseurs ou des ramasseurs de coquillages ; mais, peu à peu, les groupes se sédentarisent (phases Barlovento, puis San Jacinto). Le manioc est cultivé à partir de 1200 av. J.-C. (phase Malambo). Il semble que, dès cette époque, des contacts ou du moins des échanges d’influences aient eu lieu entre les basses terres du Nord colombien et celles du Venezuela. Vers 1000 av. J.-C., la culture de Momil, probablement influencée par les cultures méso-américaines, succède sur la côte aux cultures locales précédentes ; les sites deviennent plus nombreux ; le maïs s’ajoute au manioc comme source principale d’alimentation.