Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Amérique précolombienne (suite)

Leur influence parvient sur les hauts plateaux au préclassique moyen. Les cultes se diversifient et se compliquent. Les premiers dieux identifiables apparaissent, ainsi que les premiers temples, constructions dédiées aux dieux et non plus simples oratoires familiaux. Nous en avons un témoignage avec le temple rond de Cuicuilco, situé dans ce qui est aujourd’hui le « pedregal » de Mexico, qui fut enseveli sous les laves du volcan Xitle en 300 apr. J.-C. Comme cela devait se pratiquer par la suite, à date fixe (généralement tous les cinquante-deux ans, le « siècle » aztèque), un nouveau temple était érigé sur le précédent, composant ainsi un ensemble de structures superposées. L’influence olmèque se fit sentir à de très grandes distances de la côte de Veracruz. Dans l’actuel État d’Oaxaca, les bas-reliefs de Monte Albán, que l’on nomme les danzantes, trahissent la présence olmèque. Plus au sud, dans le Chiapas et jusqu’à Kaminaljuyú, au Guatemala, un style propre, qui sera le style maya, commence à se dégager de l’emprise olmèque.


Les civilisations classiques (300-900 apr. J.-C.)

Ainsi, bien « les traits sont déjà fixés ou sur le point de l’être, quand débute ce que les archéologues appellent l’époque classique, qui va voir la floraison des plus étonnantes réalisations américaines.

La première de ces grandes civilisations classiques se situe dans le Mexique central, à Teotihuacán*. Pour la première fois, la vallée de Mexico va exercer une suprématie sur l’ensemble du pays, suprématie qu’elle retrouvera à plusieurs reprises au cours des siècles suivants. L’histoire des bâtisseurs de Teotihuacán nous est, elle aussi, mal connue. Nous ignorons la langue qu’ils parlaient. Ici encore, c’est par les témoignages de l’art, principalement, que l’on peut espérer trouver filiations et parentés. Certaines ressemblances, dans l’art céramique en particulier (ainsi que la coutume de pratiquer des déformations crâniennes), avaient fait penser à une possible origine totonaque ou otomi. La présence de certains signes d’écriture, assez comparable à ce que sera plus tard l’écriture des peuples de langue nahua, autorise de plus en plus à penser que les bâtisseurs de Teotihuacán appartenaient au même groupe ethnique que leurs successeurs : Toltèques et Aztèques. Dans ce cas, ils viendraient du nord, des régions désertiques. Quoi qu’il en soit, à partir de 300 apr. J.-C. ils bâtissent une métropole si considérable qu’elle était regardée dans l’ancien Mexique comme l’œuvre de dieux ou de géants. Réunie par une large chaussée à celle, plus petite, de la Lune, la pyramide du Soleil mesure environ 64 m de haut et 220 m à la base. Elle est faite d’adobe mélangé à des petits cailloux et porte un revêtement en pierre.

L’ensemble de l’agglomération, dès l’époque Teotihuacán III, occupe plus de 11 km2. Pour la première fois naît un phénomène que La Venta laissait déjà prévoir : le phénomène urbain. Auprès des temples, des pyramides, des oratoires, des places de réunion, se dessinent les ruines de palais ou de maisons d’habitation très nombreux et au plan compliqué. On peut interpréter ce fait comme une preuve de l’importance croissante et de la spécialisation du clergé, devant vivre sur les lieux du culte. À côté des prêtres vit toute une population vouée aux soins des dieux : serviteurs, artisans, etc. Les estimations sur l’importance de cette population varient suivant les auteurs entre 10 000 et 100 000 personnes. On pense que le gouvernement était théocratique. Quant aux dieux qui étaient honorés, deux semblent avoir eu une importance particulière : Tlaloc, le vieux dieu de la Pluie, et Quetzalcóatl, dont nous verrons le destin plus loin, mais qui est sans doute ici encore un dieu de la Végétation. Leurs masques alternés ornent la façade du temple de Quetzalcóatl, et le vert paradis de Tlaloc est peint en différents endroits.

Sur le plan artistique, cette civilisation fut souvent novatrice. Son architecture se manifeste par un caractère monumental et par la typique combinaison talud-tablero (superposition d’un mur vertical et d’un mur incliné). La céramique invente des formes et des procédés : la peinture à la fresque ou l’usage du moule ; la peinture murale apparaît. Parmi les plus belles réalisations de Teotihuacán, citons encore les masques, sans doute funéraires, aux lignes très pures, taillés dans des pierres dures.

Cette ville fait figure de véritable métropole et réussit l’unification de toute la vallée de Mexico. Des villes comme Atzcapotzalco et, plus loin, Cholula trahissent une culture identique. L’influence de Teotihuacán s’étend même jusqu’aux hautes terres du Guatemala, où Kaminaljuyú semble avoir été une véritable « colonie », et aux basses terres, où, à Tikal par exemple, certaines stèles sont clairement teotihuacán. Puis, vers l’an 600 apr. J.-C., la ville est détruite, peut-être par l’invasion de peuples venus du nord. Le site est encore occupé, sans doute par ses envahisseurs, jusqu’à l’an 900. Mais son influence persiste bien plus longtemps.

Nous avons choisi de mettre l’accent sur les civilisations qui ont eu une influence déterminante, qui ont orienté l’avenir du pays plutôt que de détailler site par site l’extraordinaire floraison de cette zone. Bien d’autres cultures mériteraient d’être évoquées dans cette période classique. Elles ont des caractères communs : toutes ont subi les mêmes influences, olmèque et teotihuacán ; elles sont des centres cérémoniels et marquent le début de l’urbanisme. Elles disparaissent, sans qu’on en sache la cause, vers l’an 900.

Citons El Tajin, sur la côte du golfe du Mexique, qui semble avoir joué le rôle de métropole religieuse. L’édifice le plus impressionnant en est la pyramide des niches, faite de sept structures de taille décroissante, percées de 365 niches. Cette civilisation paraît avoir attaché une très grande importance au jeu de pelote, que nous avions vu naître au préclassique. Dans les seules ruines d’El Tajin, on compte jusqu’à sept de ces terrains de jeu en forme de I majuscule. Les objets les plus caractéristiques de cette culture, jougs, palmes et haches (ainsi désignés pour des raisons purement formelles), qui atteignent une très grande beauté, semblent associés à ce jeu.