Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

guerre (lois de la) (suite)

Cette législation par conventions présente d’importantes lacunes et ne peut en conséquence être considérée comme suffisante pour réaliser l’idéal d’un droit humanitaire applicable au temps de guerre. C’est ainsi que la conférence diplomatique de Genève a estimé utile de reproduire, dans un article commun aux quatre conventions de 1949 (art. 62, 63, 142, 158), la clause par laquelle les conférences de La Haye (de 1899 et 1907), en adoptant et confirmant le premier règlement sur les lois et coutumes de la guerre terrestre, avaient reconnu le caractère inachevé de leur œuvre.

L’ancienne clause de Martens (du nom du délégué russe Fedor Fedorovitch Martens [1845-1909] qui l’avait formulée à La Haye) se retrouve, à peu près dans les mêmes termes, dans les textes de Genève à l’occasion d’un article commun sur la dénonciation, admise pour chacune des conventions : « La dénonciation vaudra seulement à l’égard de la puissance dénonçante. Elle n’aura aucun effet sur les obligations que les parties au conflit demeureront tenues de remplir en vertu des principes du droit des gens tels qu’ils résultent des usages établis entre nations civilisées, des lois de l’humanité et des exigences de la conscience publique. »

Ce lien nécessaire, solennellement invoqué, entre la source formelle du droit écrit et l’impératif de conscience du droit naturel a déterminé à l’époque contemporaine l’affirmation, soutenue par la majorité de la doctrine, de normes fondamentales d’un droit humanitaire propres aux conflits armés et qui perpétuent les « règles d’or » énoncées par les théologiens du xvie et du xviie s., fondateurs du droit des gens.

Les deux concepts fondamentaux du droit humanitaire applicable au temps de guerre ont été rappelés aux gouvernements par les appels du Comité international de la Croix* Rouge de Genève et les recommandations de l’Assemblée générale des Nations unies, qui les ont recueillis. L’Institut de droit international, organisme représentatif de la doctrine du droit international, leur a consacré une résolution à la fin de sa session de 1969.

L’obligation de respecter la distinction entre objectifs militaires et objectifs non militaires, ainsi que la distinction entre les personnes qui prennent part aux hostilités et les membres de la population civile, demeure un principe fondamental du droit international en vigueur.


Notion de l’objectif militaire

Elle repose sur le principe général, affirmé dès 1868 dans la déclaration de Saint-Pétersbourg et reproduit en 1907 dans l’article 22 du règlement de La Haye, selon lequel « les belligérants n’ont pas un droit illimité quant au choix des moyens de nuire à l’ennemi ». La notion légale de l’objectif fait son apparition dans la réglementation du théâtre des opérations terrestres (art. 27 du règlement de La Haye de 1899), puis elle est étendue au théâtre maritime (art. 1 à 7 de la convention relative aux bombardements terrestres par les forces navales), en liaison chaque fois avec la tactique de l’attaque, par terre ou par mer, d’une ville assiégée. Son application a pour but « d’épargner, autant que possible, les édifices consacrés aux cultes, aux arts, aux sciences, et les lieux de rassemblement de malades et de blessés, à condition qu’ils ne soient pas employés en même temps dans un but militaire ».

Reprise en 1954, dans la convention sur la protection des biens culturels établie à l’initiative de l’Unesco, la notion de l’objectif militaire détermine alors l’adoption réglementaire d’un système de sauvegarde très poussé où les responsabilités de l’attaquant et de l’attaqué sont respectivement prises en considération. Dans l’intervalle, à La Haye, en 1922-23, une réglementation spécifique du bombardement par air a été établie par les experts gouvernementaux, juristes et militaires, « chargés d’étudier et de faire rapport sur la révision des lois de la guerre » en application d’une résolution de la conférence de Washington de 1922, règlement demeuré à l’état de projet.

Peuvent seuls être considérés comme objectifs militaires ceux qui, par leur nature même, leur destination ou leur utilisation militaire, contribuent effectivement à l’action militaire ou présentent un intérêt militaire généralement reconnu, de telle sorte que leur destruction totale ou partielle procure, dans les circonstances du moment, un avantage militaire substantiel, concret et immédiat à ceux qui sont amenés à les détruire. Est interdit par le droit international en vigueur l’emploi de toutes les armes qui, par leur nature, frappent sans distinction objectifs militaires et objectifs non militaires, forces armées et populations civiles. Est notamment proscrit l’emploi des armes dont l’effet destructeur est trop grand pour pouvoir être limité à des objectifs militaires déterminés ou dont l’effet est incontrôlable (armes autogénératrices) ainsi que celui des armes aveugles.

En l’absence d’une condamnation nette, dans les conventions, des armes de destruction massive et exempte de discrimination, la protection des populations civiles en temps de conflit armé demeure en fait sous la seule sauvegarde des principes généraux du droit humanitaire, dont la transcendance est de plus en plus reconnue comme faisant partie d’un ordre public international.


Distinction entre les combattants et les non-combattants

• Elle a pour finalité d’assurer la protection de la population civile et, à l’intérieur des forces armées belligérantes, la sauvegarde des éléments non combattants formés par les personnels affectés aux services de santé et aumôneries des armées ainsi que par les membres des forces armées mis hors de combat à la suite d’une blessure, d’une maladie ou de leur capture par une force ennemie. Quelle que soit son origine, fonctionnelle ou accidentelle, la situation de non-combattant doit être respectée et sauvegardée.

• Le droit positif, dans son dernier état de révision par la conférence diplomatique de 1949, a admis une extension de la qualification de combattant au bénéfice des membres des mouvements de résistance opérant même à l’intérieur des territoires occupés. Cette extension a été admise à la faveur du préjugé favorable qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale l’opinion entretenait pour les opérations de la guerre clandestine qu’avaient menée les « partisans » et les « résistants » en territoire occupé. Cette extension de la qualification de combattant (avec tous les privilèges de sauvegarde qui y sont attachés, notamment le traitement de prisonnier de guerre en cas de capture) n’était opérante que pour l’avenir et dans l’éventualité d’une guerre internationale. Elle était au surplus assortie de conditions d’octroi de nature à en limiter l’application, celles-là même que le droit classique de La Haye avait fixées aux forces irrégulières pour les admettre à combattre aux côtés ou en remplacement des forces armées régulières : avoir à leur tête une personne responsable ; avoir un signe distinctif fixe et reconnaissable à distance ; porter ouvertement les armes ; se conformer, dans leurs opérations, aux lois et coutumes de la guerre.