Guarini (Guarino) (suite)
De 1647 à 1655, Guarini est lecteur de philosophie à Modène ; mais ses démêlés avec la cour ducale l’obligeront à partir, vraisemblablement pour Lisbonne, où va être construite sur ses plans l’église de la Divine-Providence, remarquable déjà par le mur ondulant et l’interpénétration des structures, qui sera détruite par le séisme de 1755. Ensuite fixé à Messine, il y enseignera et projettera l’église des Somasques. En 1662, il est appelé à Paris pour élever, selon le désir de Mazarin, l’église Sainte-Anne-la-Royale, sur le quai des Théatins, aujourd’hui quai Voltaire. Les travaux, ralentis par le manque de crédits, seront repris en 1714 ; l’édifice, vendu à la Révolution, sera démoli au début du xixe s. Le père Guarini est encore à Paris en 1665, où il publie sa Placita philosophica ; mais, l’année suivante, il se fixe définitivement à Turin*, et son œuvre dans la capitale du Piémont en fera un des hauts lieux de l’art baroque*.
Les deux palais réalisés à Turin comptent parmi les plus beaux de la fin du siècle en Italie : le collège des Nobles (1678, devenu Académie des sciences et galerie d’art) et surtout le palais Carignano (1679), exceptionnel par sa façade arquée, ses escaliers courbes et son salon au plafond diffusant.
La contribution la plus originale de Guarini demeure cependant ses églises à plan central. La chapelle du Saint-Suaire (Santa Sindone) au Dôme de Turin, surtout, dont il réalise la coupole à partir de 1667, et l’église San Lorenzo (1668-1679), où l’architecte célébrera la première messe.
On ne peut malheureusement leur comparer ses églises longues, en croix latine, qui ont tant influencé le baroque germanique ; celle de Lisbonne a disparu, celle de Turin (San Filippo Neri) a été, comme le sanctuaire de la Consolata, formant un type intermédiaire, transformée par Juvara* dans un tout autre esprit. Il appartenait à un élève de ce dernier, Bernardo Vittone (1705-1770), de publier l’Architecture civile de Guarini en 1737 et de faire la synthèse des deux maîtres dans ses propres réalisations.
Différente dans ses moyens de celle de Borromini, la recherche des effets lumineux et d’une perspective savamment graduée aboutit chez Guarini à « piéger » la lumière par un système de voûtes emboîtées. Son projet pour San Gaetano de Vicence montre la solution la plus simple, celle qui tentera les Mansart* et d’autres après eux : des coques recouvertes de fresques. Mais l’emploi de génératrices entrecroisées, notamment à Sainte-Anne-la-Royale, amène Guarini à ne conserver qu’un réseau diaphane d’arcs dessinant une étoile. La référence aux cimborios et au miḥrāb de Cordoue — la référence à l’Arménie serait aussi plausible — semble insuffisante à motiver la volonté permanente de l’architecte pour faire s’interpénétrer les espaces de tous ses édifices. Imprégné d’esprit gothique, Guarini applique la géométrie dans ses voûtes tout en restant fidèle, pour l’équilibre des supports, au procédé romain ; et, à cet égard, le plan de San Lorenzo de Turin est étonnamment proche de celui de la rotonde de Tibur.
H. P.
P. Portoghesi, Guarino Guarini (Milan, 1956) ; Bernardo Vittone (Rome, 1966). / Congrès international de l’Académie des sciences de Turin, Guarino Guarini e l’internazionalità del Barocco (Turin, 1969 ; 2 vol.).