Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Amérique latine (suite)

• Les industries de valorisation des produits agricoles et les industries de biens d’usage et de consommation. La plupart des activités agro-pastorales ont donné naissance à un secteur de traitement et de valorisation des produits destinés à l’exportation. On a déjà relevé des cas de cette association des activités primaires et secondaires dans certaines grandes propriétés consacrées à la culture du cacao, du coton, des fruits tropicaux. De même, dans les zones de grand élevage bovin en Argentine et en Uruguay, des usines fournissent différents produits à partir de la viande, de la peau, etc., auxquelles s’ajoutent les chaînes frigorifiques permettant l’exportation de la viande. Le traitement des produits de cueillette de la forêt amazonienne (latex, bois semi-précieux, jute) a également donné naissance à des usines diverses. Il existe ainsi, disséminés, des établissements industriels étroitement associés aux activités agricoles et répondant aux nécessités de l’exportation.

Reposant au contraire sur la demande du marché intérieur, l’industrie de transformation est présente, mais offre des différences considérables d’un État à un autre. La faiblesse du marché intérieur des petits États, peu peuplés et à bas niveau de vie, limite leur expansion industrielle, et seules quelques villes produisent des objets d’usage courant, des tissus ou des produits alimentaires. C’est le cas en Amérique centrale continentale, aux Antilles, en Équateur et en Bolivie. Parmi ces petits États, seul l’Uruguay offre une gamme assez diversifiée des branches de l’industrie de transformation, essentiellement localisée à Montevideo, qui constitue un centre industriel important.

Le Pérou, le Venezuela, le Chili et le Mexique font partie d’une deuxième catégorie de pays, où l’éventail de production est relativement large et où celle-ci s’appuie sur un marché intérieur plus vaste et plus varié. Des organismes d’État facilitent les investissements industriels, notamment la Corporación de Fomento de la Producción au Chili. Néanmoins, certaines branches restent dominées par les capitaux étrangers, comme au Pérou, où les principales usines de l’industrie du cuir, du caoutchouc et la grande industrie chimique sont des filiales de compagnies américaines.

L’Argentine et le Brésil offrent un troisième type de pays, où les grandes agglomérations, par l’ampleur et la variété de leur production, sont véritablement de grands centres industriels, comparables à ceux des pays développés. C’est le cas de São Paulo et de Buenos Aires, qui fournissent une gamme complète de toutes les principales industries de transformation. Là encore, les capitaux étrangers dominent dans certains secteurs : américains et français dans l’industrie des plastiques ; américains et ouest-allemands dans le domaine de l’automobile et dans la métallurgie de transformation. Par ailleurs, cet essor industriel ne concerne que les grandes villes consommatrices ; au contraire, les zones de l’intérieur sont à peu près totalement dépourvues d’industrie.

Ainsi, malgré un retard industriel général, on peut constater néanmoins des différences considérables selon les économies nationales. Cependant, au sein de cette diversité, un même problème se pose : quel que soit le niveau de développement de l’industrie, celle-ci ne réussit pas à fournir assez d’emplois pour absorber la population d’âge actif, chaque jour plus nombreuse par suite de l’accroissement démographique.


Le problème démographique et l’accroissement des grandes villes

La population actuelle résulte de brassages de races diverses. Depuis le xvie s., en effet, la coexistence d’Indiens, de Blancs et de Noirs a donné lieu aux métissages les plus variés.

Le peuplement de l’Amérique latine, avant l’arrivée des Portugais et des Espagnols, était constitué de groupes indiens qui différaient sensiblement entre eux, comme en témoigne l’écart qui apparaît entre la brillante civilisation inca des Andes et les formes rudimentaires d’organisation sociale qui prévalaient dans le reste de l’Amérique latine. Puis à partir du xvie s. eut lieu un peuplement de colons espagnols et portugais, auquel s’ajouta à partir du xviie s. l’afflux d’esclaves noirs. De 1850 à 1914 arriva un grand nombre d’Européens (Italiens, Espagnols, Portugais, Allemands), qui se fixèrent principalement dans la partie sud-est du continent. Ces différents apports ont créé des groupes humains plus ou moins mélangés selon les pays, mais qui présentent une même caractéristique : tous sont affectés d’un taux d’accroissement naturel très élevé, qui a considérablement augmenté depuis une vingtaine d’années.

• Population totale — densité — répartition. Dans son ensemble, l’Amérique latine reste une région peu peuplée, puisque, avec moins de 300 millions d’habitants (dont environ 200 millions pour l’Amérique du Sud proprement dite), elle a une densité moyenne d’environ 10 habitants au kilomètre carré. Mais les moyennes sont sans signification dans des pays où la population est aussi irrégulièrement répartie.

Il faut d’abord distinguer le continent des îles, qui connaissent des densités fortes sur l’ensemble de leur territoire. Sur le continent lui-même, on constate en effet de grandes différences entre les régions de l’intérieur (moins de 1 hab. au km2 dans la zone tropicale, de loin la plus étendue) et les zones côtières (plus de 10 hab. au km2). Les régions littorales elles-mêmes connaissent des zones de densités fort différentes, la population se répartissant surtout en noyaux de peuplement dense séparés par des régions presque vides.

La plus grosse concentration humaine de l’Amérique du Sud se trouve sur la bande côtière à l’est du continent, qui va de Buenos Aires à Fortaleza et dans laquelle on peut distinguer plusieurs noyaux de peuplement dense séparés par des zones de plus faibles densités.

Il s’agit, du sud au nord, d’abord du noyau argentin, constitué par les trois provinces de Buenos Aires, de Santa Fe et de Córdoba, auquel on peut rattacher la zone de Montevideo, en Uruguay. Une zone de densité moyenne (env. 15 hab. au km2) formée par le nord de l’Uruguay et les trois États du sud du Brésil (Rio Grande do Sul, Santa Catarina et Paraná) sépare ce noyau argentin du premier noyau brésilien de fort peuplement, qui groupe plus de 20 millions d’habitants, avec des densités supérieures à 35 habitants au kilomètre carré. Le Nordeste constitue le troisième noyau, avec 18 millions d’habitants ; ici encore, les plus fortes densités se trouvent essentiellement sur la frange littorale : dans l’État de Pernambouc, par exemple, dont la densité moyenne est de 50 habitants au kilomètre carré, la zone littorale offre des densités supérieures à 65 habitants au kilomètre carré.

Pour le Nordeste, il s’agit d’un peuplement issu essentiellement de l’époque coloniale, tandis que celui du noyau argentin est dû principalement à l’apport européen du xixe s. ; la région de Rio de Janeiro et de São Paulo relève de ces deux phases de peuplement.